Chimère

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- Halte là !

- Nain ronchon ! s'écria Xine en voyant le petit homme qui lui barrait la route.

Ovide piqua un fard de colère. Il faisait la même taille que cette femme ! Enfin à quelques centimètres près. Il allait la rabrouer mais une voix souveraine le coupa :

- Laisse la passer, Ovide.

Le Sensitif se figea de colère et le sourire moqueur que lui offrit la femme ne fit qu'attiser sa haine. Pourtant, il se décala et ravala ses remarques acerbes qui lui brûlaient la gorge. Les ordres de son chef étaient sans appel.

- Xine, approche, lança alors l'Alchimiste.

Elle caressait lentement les écailles rouges de Bokram. Son masque ne laissait pas filtrer son expression mais Ovide savait d'expérience qu'elle était emplie d'amour pour cet être qu'elle avait façonné de toute part. Bien ironique de savoir qu'elle était tombée amoureuse de son propre chef d'oeuvre d'encre. Un poil narcissique peut-être aussi. Mais Bokram restait l'être qui méritait toute son attention, bien qu'il ne soit au final qu'une extension de son être.

La Juste dépassa Ovide, non sans glisser un sourire narquois au gardien, pour venir se poster aux côtés de l'Alchimiste. Son chef se détourna du dragon pour porter son attention sur la femme.

- Je t'écoute, Xine.

- J'accepte votre proposition, dit-elle de but en blanc.

Ovide haussa un sourcil, circonspect. Voilà deux mois que l'Alchimiste trépignait d'impatience à l'idée d'avoir des nouvelles de Xine. Elle voulait qu'elle accepte son offre mais elle savait qu'elle ne lui pouvait forcer la main. Dès que Wolfgang se pointait pour voir Artémis, au grand damne de Perséphone qui piquait des crises dès qu'elle le voyait, l'Alchimiste se glissait dans le Roseau, dans l'espoir qu'il apporte, en même temps que sa mauvaise volonté habituelle, une nouvelle réjouissante. Ce jour n'était jamais venu. Et voilà que Xine arrive et déclare accepter son offre.

- Qu'est ce qui t'a fait changé d'avis comme ça, Xine ? demanda l'Alchimiste d'une voix calme qui ne laissait pas trahir la joie dont elle était transportée.

- Vous vous y connaissez en tatouages magiques ?

Ovide esquissa un sourire. L'Alchimiste ne tirait pas son nom du néant. C'était une érudit. Elle avait étudié avec engouement toute source de connaissances à sa portée, dévorant des livres et des livres durant toute sa vie. Elle avait emmagasiné un panel incroyable de savoir qui traversait les domaines sans aucune frontière, appréciant autant la musique que les mathématiques, l'histoire que la physique, la littérature que l'astronomie. Sa soif étudiante était intarissable, raclant chaque morceau de savoir qui tapissait les lieux s'en imprégnant avec une humilité et une vergogne sans égale.

Mais s'il y avait bien un domaine où elle maîtrisait tout sur le bout des doigts, c'était bien les tatouages magiques.

- Je pourrais effectivement vous aider.

Ça c'était l'humilité dont il parlait. On lui parlait de son, il criait à qui voulait l'entendre qu'il était le meilleur. L'Alchimiste, on lui parlait de dessin, elle souriait et affirmait que ce n'était pas une professionnelle. Parfois c'en était presque frustrant.

- Alors nous allons pouvoir passer un marché, accorda Xine.

Mais quelle peste ! L'Alchimiste est ta seule issue de sortie, bécasse ! Tu devrais implorer sa miséricorde !

Les mots d'Ovide restèrent enfermés dans son esprit agité. Il usa uniquement d'un regard redoutable qu'il plantait dans le dos de Xine. Cette fille ne méritait même pas de fouler le même sol que l'Alchimiste.

Le Chant Du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant