Hystérie

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Zénon observa la démarche sereine de l'humain et sourit à ce spectacle. Cheveux dans le vent et léger sourire aux lèvres, Wolfgang ignorait qu'il avait failli déclencher une guerre au sein du camp des Affranchis. Et ça lui plaisait.

- Salut Zénon, un problème ?

- Pas à mes yeux, avoua le sorcier en venant se caler sur son pas.

Ils retournèrent vers la cour, d'un pas nonchalant, où les tensions étaient inévitables. À vrai dire, Xine avait envoyé Zénon pour récupérer l'humain et l'escorter pendant qu'elle menaçait tous ces idiots de manger les pissenlits par la racine. Et le sorcier se délectait de la situation, se ressourçant dans cette discorde. Les Affranchis les craignent. Pire encore, ils n'arrivaient pas à concevoir que l'humain puisse être certainement un pilier primordial à leur révolution. Pourtant, ce matin, Solal avait été clair. Quiconque osait menacer encore l'humain se retrouvait avec sa tête au bout d'une pique. Puis quelqu'un avait osé soulever le fait que l'humain avait disparu. Et les spéculations avec son cortège de médisance s'étaient élevées.

Grâce aux nouvelles capacités que Zénon développaient, il avait pu sentir les multiples pensées des gens qui étaient montées en raz de marée. D'ailleurs il avait vite vu Alésia grimacer et se reculer de la cohue. Il avait donc compris que les pensées transportées par des sentiments forts étaient plus percutantes que les autres et qu'il était plus difficile de les ignorer.

Quand il avait établi le lien entre les pensées et les sentiments, il avait rapidement fini par bloquer son esprit aux autres. Il avait vu que Alésia avait du mal alors il avait tenté de discrètement l'aider en renforçant ses défenses mentales. Sauf qu'elle l'avait pris sur le fait et lui avait lancé un regard vexé. Elle était agacée qu'il puisse contrôler ce pouvoir mieux qu'elle alors qu'il venait à peine d'en prendre totalement connaissance. Mais était-ce sa faute ? Quand on lui expliquait et qu'il manipulait la magie, il avait cette impression qu'il avait toujours su cela et que c'était juste un réveil. Comme s'il avait été un virtuose musical et qu'après cent ans, on lui redonnait le droit de poser ses doigts sur un instrument. Au début, il pataugeait mais bien vite ses anciens réflexes reprenaient le dessus et il se sentait libre.

Il avait toujours su qu'il était différent. D'abord, il avait ces tatouages sur le visage et la main quand on l'avait déposé à l'orphelinat et d'après les experts c'était juste impensable que ce soit de l'encre mais plutôt de la mélanine, donc impossible à enlever. Mais les dessins qu'elle formait étaient juste douteux. Les traces de mélanine, en plus d'être parfaitement noires, avaient l'élégance de former des anneaux et cercles parfaits. Forcément, cela le rendait différent de base.

Ensuite, sa nature était implicite à ses yeux. Il voyait l'aura de Yold mais personne d'autre ne le pouvait. Parfois des gens passaient dans la rue et ils avaient également cette nuage diffusé qui les suivait. Beaucoup l'avait crû fou. Seul Yold l'approuvait. Alors ils s'étaient unis en silence, acceptant leur différence. C'était ainsi qu'il avait développé ce désir de ne plus parler. Les enfants lui avaient appris que parler à tord était vite contraignant.

Puis était arrivé sa révélation. Yold n'avait pas été pareil sur ce point puisqu'il avait juste révéler en lui un fort désir sexuel. Zénon lui, pouvait former de l'eau, du feu, faire bouger l'air et la terre, percevoir mille et une chose invisibles aux yeux des gens. Et il s'était senti alors profondément seul. Il ne savait pas quoi faire ni comment ni pourquoi. Pourquoi il était si différent de tout le monde ? Pourquoi lui et pas les autres ? Pourquoi quand il touchait les gens avec sa main tatouée, il les voyait mourir ? Pourquoi tout le monde était normal et lui si étrange ?

Mais il n'avait jamais eu de réponse à part à une question. Il savait pourquoi il était tatoué. On l'avait marqué. On avait montré au monde entier qu'il était dangereux et bizarre. On voulait seulement les prévenir. Mais dans son désir de normalité, il avait décidé de les dissimuler. Il voulait lui aussi être normal. Il voulait vivre sa vie sans s'inquiéter de quand les gens qu'il aime mourront. Il voulait être Zénon et plus le type aux tatouages.

Le Chant Du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant