Seuls

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- Non elle ne savait pas finalement, déclara impunément Solal à Xine.

Xine grimaça et soupira, dépitée. Son regard marron sembla peiné mais celui de Solal était insondable. La vérité tournoyait dans son esprit mais elle n'éclatera pas au grand jour.

- Donc on a enlevé Elmer pour rien.

- Parfaitement.

Xine se détourna et partit, dégoûtée. Solal sourit effrontément et reprit sa route vers son bureau, totalement indifférent de son crime.

Il poussa les grandes portes qui claquèrent et il s'en félicita. Il les referma complètement et là il se relâcha. Des ombres par centaines se déversèrent de lui et comme un raz de marée elles montèrent dans la salle en vague. Et il se sentit satisfait quand toute la salle fut sous les eaux ténébreuses l'immergeant de noirceur. Il se sentait fort quand il évolua dans son élément, frôlant ses ombres et se ressourçant dans ce bain d'énergie.

Il alla vers son trône et s'y assit en respirant le sentiment de puissance qu'il s'y dégageait. Il adorait ça. Le noir complet de la salle lui permettait de se reposer. Le soleil abîmait ses yeux trop clairs, trop blancs. Sa peau était protégée grâce à sa noirceur mais ses yeux étaient si fragiles que les rayons de soleil étaient un supplice pour lui. Alors il venait s'enfermer dans cette salle le jour pour s'enfouir dans les ténèbres, son royaume, son domaine. Ici il y régnait en maître et il s'en délectait. De toute manière il trouvait le soleil agressant, les ténèbres étaient bien plus accueillantes.

Il repensait à l'Alchimiste et son ton froid. Elle n'aimait pas être ici, cela lui rappelait de mauvais souvenir. Et Solal serra les dents à cette pensée. Il n'aimait pas ça.

- Tu es dur avec elle, Solal.

Une ombre se matérialisa à ses côtés quasiment charnelle. Une femme à la longue chevelure blanche et au corps noir fait des ombres. Son corps au formes généreuses se balançait au fil de ses pas. Elle s'avançait et le regarda avec ses orbites vides.

- Ton cœur est trop noir Solal.

- Orizon, murmura le Prince Noir.

- Cesse d'infliger des tourments à Al.

- Je ne peux, lâcha-t-il sans rancune ni animosité juste de la sincérité.

Il tendit la main pour la toucher mais elle s'esquiva. Elle n'aimait pas être ici, elle n'aimait pas son comportement avec l'Alchimiste. Elle n'aimait pas ce fragment d'âme qui était inéluctablement rattaché à Solal. Ses cheveux blancs volaient dans l'air alors qu'elle fendait les ombres. Une touche de lumière sur sa toile noire. Solal soupira en la voyant le fuir. Elle lui en voulait, mais était-ce une raison ?

- Je n'ai rien à te dire, si ce n'est ce que je t'ai déjà dit.

- Je ne peux, répéta-t-il.

Orizon se tourna pour le regarder et haussa les épaules.

- Alors je ne peux rien pour toi. Les ténèbres t'engloutiront avant que tu n'aies atteint ton but et ton esprit brisé ne pourra plus se contenter de cette enveloppe charnelle.

Solal se prit la tête entre ses mains et il se tira les cheveux pour se rattacher à quelque chose.

- Je ne peux, je ne peux, je ne peux... marmonna-t-il en litanie.

Son corps était pris de soubresauts et des images dans sa tête défilaient. Il revoyait toutes les erreurs qu'il avait faites, les sourires d'Orizon et de l'Alchimiste, cette nuit d'orage où Alvin l'avait emmené loin, très loin. Et sa décision qui avait dicté sa vie jusque là. Son désir de vengeance qui brûlait comme un brasier dans ses entrailles. Et la haine qu'il nourrissait pour l'Alchimiste, son envie de la détruire, d'éliminer son cœur frêle et plein de bons sentiments. Il se détestait pour ces sentiments mais ils étaient incontrôlables. Il était incontrôlable. Il était toujours happé par les ténèbres et s'y repaissait en alimentant ses démons et ses parts de noirceur. Il n'était que le digne reflet de son pouvoir.

Le Chant Du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant