Pensées mouvementées

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Je chipotais dans mon assiette, incapable d'avaler quoi que ce soit. J'avais une étrange boule à l'estomac et n'osais plus regarder Charles dans les yeux. A dire vrai, je n'osais même plus lui adresser la parole. 

Lui, il faisait comme si de rien était. Comme si ce qui s'était passé plus tôt dans la soirée n'était rien d'important. Je savais qu'il jouait la comédie, mais quand même! M'embrasser devant tout le monde! J'avais bien compris que s'il ne m'avait pas embrassé, tout le monde se serait posé des questions. Mais il aurait quand même pu me demander la permission. Histoire que je sois prête...mentalement. 

Piquant dans un haricot vert, je repensais à la scène de tout à l'heure. 

Charles m'avait murmuré que j'étais magnifique. Et bien que surprise par de tel propos, je n'avais pas réagi. J'avais simplement rougi, attendrie par ce simple compliment, que personne ne m'avait encore adressé. 

Puis, il s'était rapproché de moi et délicatement, avait passé sa main dans mon dos, m'attirant légèrement vers lui. Naturellement, il s'était baissé et avait posé ses lèvres sur les miennes. Et là... tout devenait flou. Je lui avais rendu son baiser, certes. Personne ne m'avait jamais embrassée de la sorte. Je m'étais laissée faire. 

Quand il s'était écarté de moi...il avait souri. Comme s'il n'y avait rien de plus normal que de s'embrasser. Comme si on faisait ça tous les jours. Comme si cette comédie était réelle. Et moi, j'étais carrément tombée dans le panneau. Je lui avais souri, alors qu'il retournait s'asseoir avec Baptiste à la table...qui nous regardait avec des yeux ronds, légèrement paniqué.

Moi. Je m'étais installée sur un fauteuil, derrière eux et n'avais pas osé lever les yeux vers l'assemblée. Seulement, en quittant le grand salon, je savais que tout le monde m'observait. Peut-être qu'il s'agissait de la preuve qu'il manquait...et que tous allaient nous laisser en paix à présent. Charles avait sûrement dû penser la même chose en m'embrassant. 

  —  Rubis? Et oh, Rubis? 

Un coup de coude dans mes côtes me fit relever la tête de mes pommes de terre que je n'arrivais pas à avaler. 

Baptiste. Baptiste était en train de m'appeler et me dévisageait, l'air soucieux. 

—  Oui? répondis-je, étonnée de ne pas l'avoir entendu plus tôt. 

—  Est-ce que ça va? Tu as à peine touché à ton assiette. 

— Je n'ai pas très faim à vrai dire. J'ai grignoté au café en plus et nous avons bien mangé à midi. 

—  Sûrement. 

Je fronçais les sourcils. C'était quoi cette réplique?! 

—  Quoi? fis-je, plus agressive que je ne l'aurais voulu.   

Baptiste haussa les épaules et jeta un coup d'œil vers les personnes installées autour de la table. Personne ne faisait attention à nous, aussi, continua-t-il: 

—  Je sais que tu es perturbée à cause de ce qui vient de se passer dans le salon. 

—  Je ne suis pas perturbée. 

—  Bien sûr que si. 

—  Non.   

—  Franchement, Rubis. Ça se voit comme le nez au milieu de ta figure.  Tu n'as pas parlé depuis tout à l'heure et tu n'oses rencontrer le regard de personne. Tu ne dois pas te tracasser pour un simple baiser, d'accord? 

Il avait chuchoté ces derniers mots, sûrement pour que Charles, qui se tenait à côté de moi, ne l'entende pas. Je touchais mes lèvres, qui portaient toujours sa marque, pensive. Baptise, qui avait surpris mon geste, leva les yeux au ciel et se saisit de ma main. Il me sourit: 

La demoiselle au parapluie rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant