Chapitre 20

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Après le déjeuner, carnet sous le bras, je traverse la forêt prudemment. Le sentier n'est plus entretenu et la végétation a reprit ses droits. Je dois écarter les ronces à la main pour dégager le passage.

Je ne tarde pas à entendre le bruit de l'eau, je pousse un soupir de soulagement. En l'espace de cinq années, le village a tellement changé que je redoutais que cet endroit ait aussi été touché.

Quand j'arrive au bord de l'eau, je remarque que la seule chose dont les années ont eu raison, ce sont les herbes hautes et les buissons qui ont envahit l'endroit où j'installais ma serviette a l'époque. Même le pneu n'a pas bougé. C'est le seul coin qui a résisté à l'épreuve du temps.

Je repère le vieil arbre de l'autre côté de la rive et traverse par l'endroit le moins profond. L'eau gelée rentre dans mes converses et noie mes pieds mais cela m'importe peu.

Je rejoins l'arbre où Adèle avait d'habitude de s'adosser et me laisse tomber contre ce dernier en dépit des hautes herbes qui me piquent les cuisses et laisseront apparaître des rougeurs dès demain matin.

Je fourre la main dans ma poche pour en sortir le Mp3 et une paire d'écouteurs. Je m'installe le plus confortablement possible et visse les écouteurs dans mes oreilles avant d'ouvrir le carnet sur mes genoux.

J'allume l'appareil de la génération passée et laisse la musique tourner. What's Up? de 4NonBlondes résonne dans mes oreilles. Mes lèvres se forment en un sourire. J'ignore comment elle a apprit que j'adore cette chanson, je ne me rappelle pas lui en avoir parlé.

Je continue d'explorer les dessins du carnet, mon sourire s'élargissant un peu plus au fur et à mesure des pages.

Subitement, quand je réalise que mon cœur bat à toute allure et que je souris bêtement devant un vieux cahier de dessin, je le referme rapidement et le jette à mes pieds, effrayée. J'ai la désagréable impression de revoir l'ado folle amoureuse que j'étais, il y a quelques années.

Je dois me détacher de ce carnet et tourner la page avant de réveiller les fantômes du passé.

En rangeant le Mp3 au fond de ma poche, ma main rencontre mon portable. Je me rappelle que j'ai complètement oublié de donner des nouvelles à mes amis. La culpabilité m'envahit, je me hâte de chercher le numéro d'Ambroisie tout en regagnant la forêt.

- Thaïs ! Ça fait deux jours que je suis folle d'inquiétude ! Mais je ne t'en veux pas, tu traverses une période très difficile, je suis désolée de m'être emportée. Avant tout, comment tu vas ? Mal j'imagine, oh la la je m'égare.

Je rigole légèrement. J'ai tellement envie de la serrer dans mes bras.

- Je suis désolée, j'avais prévu de te rappeler mais ça m'est complètement sorti de la tête. J'ai tellement de choses à te raconter. Tu pourras rassurer les garçons de ma part s'il-te-plaît ? Je n'ai pas la force de les appeler.

- C'est promis. Comment va Julie ?

- Elle est dévastée, comme tu peux t'en douter, mais je suis en chemin pour aller la rejoindre, on a prévu d'aller se balader.

- Et toi, comment tu te sens ?

- Je vais mieux qu'hier.

- Avec tout ça... et puis ça doit pas être facile de retourner dans ce village.

- Non, c'est vrai.

- Et... tu l'as revu ?

Je réalise tout de suite qu'elle parle d'Adèle, je m'y attendais.

Breathe [gxg]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant