Chapitre 14

8 1 0
                                    

"- Sangs-Mêlés, Elfes Rayés ! Cette nuit, une infamie s'est produite. Des personnes parmi vos peuples ont osé s'opposer à  moi dans un infâme texte me dépeignant comme une tyran sans vergogne. Aucune des personnes faisant partie de ce camp ne sortira donc d'ici aujourd'hui, de sorte que le coupable, s'il est parmi vous, ne nous échappe pas. S'il se dénonce immédiatement, je lui pardonnerai et il ne souffrira d'aucune peine. Cependant, si nous devions le chercher nous-même, son châtiment sera à la hauteur de sa traîtrise, bien que la peine de mort n'existe pas dans notre glorieuse nation.

Le silence se fit, chacun regardant les autres. Le regard d'Ellania accrocha celui de Deiann puis celui de Terann, qui ne dit rien. La Souveraine les observait, mais chacun observait l'autre, et elle ne put démasquer le coupable par le jeu des regards. Il se passa plusieurs longues minutes avant que la Souveraine ne reprenne :

- Fort bien. Vous resterez tous dans le camp, et la garde Elfe enquêtera dans chacune de vos habitations, une par une."

Et c'est ce qu'ils firent. Toute une matinée durant, ils saccagèrent les maisons-arbres de la communauté, ne prenant pas la peine lorsqu'ils avaient fini de remettre les choses à leur place, si bien que chacun fut obligé de ranger derrière leurs fouilles. Il n'y eut pas grand-chose de fait, ce jour-là, et les apprentis ne reçurent pas d'enseignement. Tout le monde se taisait, mais chacun pensait à la même chose : Toutes ces mesures prises, simplement parce que quelqu'un avait écrit tout haut ce que les deux communautés pensaient tout bas ? Et peu à peu, l'idée d'une révolte remua les pensées et s'instilla dans le cœur des Sangs-Mêlés et Elfes Rayés. 

Pendant ce temps, une partie de la garde fouillait également les imprimeries, et en priorité celle des Sang-Mêlés, rares, qui avaient réussi à s'élever un peu au dessus de leur condition de paria. Un soldat fouillait l'une d'entre elles, située dans les quartiers populaires, et vérifiait les cartons de marchandises sans rien trouver lorsqu'une feuille de papier, emportée par le vent depuis l'arrière de l'atelier, se colla au visage du jeune Elfe. Celui-ci, curieux, prit le feuillet et le lut, blêmissant au fur et à mesure qu'il lisait le texte : Il avait trouvé ce qu'il cherchait.

Quelques instants plus tard, le capitaine arrivait tandis qu'un messager rapportait à la Souveraine qu'on tenait une piste. Celui-ci prit la paire de menottes qu'il gardait à sa ceinture et s'avança vers l'imprimeur, terrifié car tenu en joue par une dizaine de soldat.

"- Sang-Mêlé, fit le capitaine. Au nom de la loi, je vous demande de répondre à toutes mes questions, sans quoi vous serez jugé et condamné en tant que traître à la Souveraine.

- Oui monsieur, répondit le Sang-Mêlé, terrifié et docile, malgré son aversion pour les soldats.

- Qui est le commanditaire de ce texte ?

- Je ne l'ai pas vu, monsieur. Il faisait nuit.

- Vous mentez. Les Sangs-Mêlés voient aussi la nuit, bien que dans une proportion moindre que nous autres.

- C'était un jeune Sang-Mêlé, mais je ne connaît pas son nom. Il avait l'air un peu ivre et était apparemment seul. Je ne me souviens plus trop des traits de son visage, mais il avait des cheveux d'un roux assez violent et des yeux noirs, qui faisaient contraste avec sa chevelure.

- C'est tout ?

- Oui, monsieur, répondit l'imprimeur, soulagé qu'il ne lui demande pas le reste. Il ne voulait pas trahir ses amis, et souhaitait en même temps sauver sa peau.

- Bien. Emmenez-le," dit-il aux soldats tout en refermant les solides bracelets de métal sur les poignets du Sang-Mêlé.

Celui-ci émit des cris de protestation, mais le capitaine Elfe n'en avait cure. Il devait donner le signalement du coupable à tout le reste de la garde, et ce ne serait pas une mince affaire, surtout que tous les messages devaient être portés par les hommes de la garde et non pas seulement des gamins des rues, qu'ils avaient l'habitude d'utiliser dans de telles circonstances. 

Le lendemain matin, le capitaine ressortit des cachots, épuisé et frustré. Il avait dû quelque peu bousculé l'imprimeur qu'ils avaient déniché, sans qu'il n'obtienne rien d'autre que des râles et des cris de souffrance ; Il était déçu, il aurait bien voulu rapporter le coupable à la Souveraine Tulann, mais il n'avait rien qui permettait de dénicher ce ou ces derniers. Il se dirigea vers la communauté des Sangs-Mêlés du Palais, afin d'informer la Souveraine de ce qui s'était produit. 

Lorsque les Sangs-Mêlés et Elfes Rayés, toujours rassemblés par les gardes royaux et tenus en joue entendirent le rapport du capitaine Elfe, un frisson d'horreur et de dégoût les parcourut tous, sans exception. Ils ne pouvaient admettre que leurs compères soient traités ainsi par les Elfes alors qu'ils vivaient tranquillement. Une lente prise de conscience se fit dans les esprits : la Souveraine asservissait les individus lui étant utiles, et enfermait ou éliminait les autres, et ce sans états d'âme pour le peuple Sang-Mêlé. La Souveraine, l'air furieuse, renvoya le capitaine et se retourna vers les Sangs-Mêlés et les Elfes Rayés pour dire :  

"- Puisque nous n'avons pas trouvé le coupable, ce seront tous les Sangs-Mêlés qui paieront !"

Elle ordonna ensuite aux gardes de laisser l'ensemble de la communauté tranquille, jusqu'à ce qu'elle décide du sort de ces deux peuples distincts des quatre peuples Elfes. Dès que les gardes partirent, les discussions reprirent, mais à voix basse : à présent, tout le monde ne parlait que de révolution et de mauvais traitements. 

Histoire des Elfes - la Dynastie NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant