Deiann rentrait d'une mission et alla faire son rapport à Terann, le chef des Sentinelles, et lorsqu'il eut fini, il dit :
"- Ellania voulait faire ta connaissance.
- Ellania ? Demanda la Sentinelle avec intérêt avant de se reprendre. Je serais ravi de partager une soirée avec elle, et peut-être même une nuit ?
- Elle savait que tu dirais oui, répondit le Sang-Mêlé, un sourire en coin. Elle te propose d'aller dans un des bistrots des quartiers populaires.
- Bonne idée, fit Terann. Ce soir à vingt heures ?
- Je lui passerais le message," fit innocemment Deiann avant de tourner les talons.
C'était parfait.
Le soir même, Ellania et Terann se retrouvèrent devant l'un des bistrots populaires, se saluèrent puis entrèrent avant de s'installer à une table.
"- Alors, comme ça, tu voudrais mieux me connaître ? Attaqua tout de suite le chef des Sentinelles accoudé à la table, un léger sourire au visage.
- Il paraît, répondit Ellania, un sourire vague s'étirant sur ses lèvres.
- Alors ma belle, peut-être pourrons-nous dévoiler les mystères de l'autre, ce soir.
- Peut-être, répondit-elle d'un ton évasif. En son for intérieur, elle brûlait de lui rendre ce qu'elle prenait pour une insulte : Elle n'était pour le moment la belle de personne. Mais cet échange signifiait également dire que Terann mordait à l'hameçon, et elle trouvait tout cela follement amusant.
- En tout cas, commençons par boire à nos santés respectives," fit le Défenseur, voyant qu'il n'obtiendrait pas d'autres réponses à sa suggestion quelque peu rapide. Il héla une serveuse, qui s'approcha, et commanda deux bières pour eux deux ; l'attente de leurs boissons se fit dans le silence, et lorsque la serveuse posa les deux chopes sur la table, Terann leva la sienne en disant :
" - A la tienne, ma belle !
- A la tienne."
Ils cognèrent leurs deux chopes puis bavardèrent gaiement pendant que le chef des Sentinelles descendait deux, puis trois puis cinq chopes de bière. A ce stade-là de l'ivresse - les chopes étant grandes et remplies pratiquement à ras bord - il commença à débiter de nombreuses choses, tout ivre qu'il était, et certaines sur la Souveraine Tulann :
"- Nan mais c'est vrai quoi, chuchotait-il à Ellania, n'étant tout de même pas assez bête pour baisser complètement sa garde. Nous protégeons soit disant la Souveraine de tous les dangers, mais la vérité est que nous pourchassons surtout les nôtres, et nous sommes obligé de les arrêter lorsqu'ils ne font qu'utiliser leurs pouvoirs, et c'est pareil avec les Elfes Rayés. Alors que les Elfes, eux, ont le droit d'utiliser leurs pouvoirs sans que les Sentinelles ne leur tombe dessus. Alors d'accord, ils sont majoritaires dans ce pays, mais c'est de la discrimination, je te dis. Tiens, pas plus tard qu'avant-hier on a dû arrêter un Sang-Mêlé simplement parce qu'il aimait une Elfe. La pauvre l'aimait aussi, et a été déchirée lorsqu'on l'a arrêté. "Vous n'oseriez pas défier une Elfe," qu'elle a dit - c'était une fille de noble, en plus - et je lui ai répondu : "Ma demoiselle, si ça ne tenait qu'à moi, je laisserai tranquille votre amant, mais si on n'obéit pas aux ordres, on risque de se retrouver tous à sa place et même pire, parce que ça sera considéré comme de la traîtrise". Elle a pleuré et supplié, et le père est arrivé, et c'était soit disant la faute du Sang-Mêlé parce que sans son charme et tout et tout, sa fille elle l'aurait jamais fréquenté, ce petit salopard de séducteur, qu'il a dit.
Le jeune homme prit une gorgée en se laissant aller contre sa chaise, et Ellania en profita pour lui dire d'une voix douce :
" - Et si tu disais cela au monde ?
- Ça quoi ?
- La vérité. On pourrait écrire un texte, et l'imprimer et le distribuer partout où on peut. Mais il faudrait qu'on signe.
- Pourquoi ? Demanda le Sang-Mêlé, pas tout à fait dupe. Ça ramènerait les Sentinelles sur nos traces, d'autant qu'on vit tous dans le même campement.
- Justement ! Il sauront que ça vient l'un des leurs et que ça n'est pas des bêtises, si bien qu'ils se joindront à nous et qu'ils ne t'arrêteront pas.
Terann hocha la tête avec un grand sourire.
- C'est quand qu'on s'y met ? Demanda-t-il avec un grand sourire.
- Tout de suite ?"
Ils finirent leur chopes, les payèrent et sortirent dehors rendre visite aux personnes qu'il fallait et, avec l'aide de quelques gamins des rues dénichés dans les impasses sombres de la cité, ils collèrent les feuillets dans toute la ville, jusque sur les portails du Palais. Le lendemain, la cité était en ébullition.
La Souveraine Tulann finissait de manger son petit-déjeuner lorsqu'un serviteur, un pauvre Elfe Rayé qu'elle avait daigné prendre à son service, accourut et s'inclina devant elle.
"- Souveraine ! fit-il en soufflant, toujours agenouillé. Voyez ce qu'on a trouvé sur les portails du Palais."
L'Elfe Noire s'essuya la bouche, plia sa serviette et prit le feuillet de papier qu'on lui tendait. Il était écrit dessus :
" Un Elfe a le droit de vivre en communauté, pas un Sang-Mêlé. Les Elfes ont le droit de s'aimer, pas les Sangs-Mêlés. Les Elfes ont le droit de prospérer, pas les sangs-Mêlés. Les Elfes ont le droit d'user de leur pouvoir comme bon leur semble, pas les Sangs-Mêlés. La Souveraine Tulann opprime notre peuple, et des centaines d'entre nous sont enfermés dans les prisons des villes Elfes. Les Elfes Rayés souffrent aussi de cette discrimination, et nos deux peuples doivent protester contre cette tyrannie ! Signé : Deux Sang-Mêlés désireux de rétablir la justice. "
A côté de la signature se trouvait un cordon de couleur, tels ceux que ses protégés portaient. Ce n'était pas les vrais, mais ils étaient faits de fils bleus, rouge, blanc et noir comme les vrais cordons. La Souveraine sourit intérieurement en même temps qu'elle bouillonnait de colère. Elle souriait, parce que si les auteurs croyaient que ce texte allait être lu par nombre des leurs et que cela les soulèverait, ils se trompaient lourdement. Elle rageait également, parce que cela voulait dire que quelqu'un osait s'opposer à sa volonté, et cela elle ne l'accepterait pas.
Le camp des Sangs-Mêlés s'activait, comme tout les jours. Les jeunes apprenaient des plus vieux, qui s'occupaient également de l'ensemble du camp, jusqu'à ce qu'une trompette annonce l'arrivée de la Souveraine au camp. Tout le monde se rassembla alors dans la grande clairière principale, et les Sangs-Mêlés se mirent tous en rang, chacun avec son groupe et les apprentis selon leurs origines. La Souveraine arriva, et tous s'agenouillèrent pour l'accueillir. Lorsqu'ils se relevèrent, la Souveraine les passait en rang, un air fermé et sévère sur le visage.
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Histoire des Elfes - la Dynastie Noire
FantasíaUne Souveraine. Un peuple. Une décision. Et la mort.