La fugitive

Chapitre 10

Maya tenta d'apercevoir le ciel à travers la petite fenêtre de la pièce ou, une fois de plus, elles avaient étés enfermées. Hélène dormait, allongée sur le sol froid, pelotonnée contre sa grande sœur. Combien de temps cela faisait-il qu'elle observait tour à tour la porte, les murs gris et la petite fenêtre, seule source de lumière ? Combien de temps cela faisait-il qu'elle attendait le retour d'Élise ?

Elle s'adossa au mur, soupirant en repensant au moment où elles avaient étés séparées, la fugitive et elles. Lorsque Gaël, son fameux cousin, était arrivé, il les avait tout d'abord conduits dans une vaste pièce -une sorte d'antichambre- avant de glisser quelques mots à l'oreille de la jeune fille. Elle lui avait lancé un regard mauvais avant de pénétrer dans la pièce que l'homme lui désignait, puis celui-ci avait fait descendre les deux sœurs au plus profond de la demeure, dans les sous-sols humides et poussiéreux qui ne semblaient pas avoir reçus de visiteurs depuis un certain temps.

Maya n'aurait su dire ne nombre d'heures qui s'étaient écoulées depuis qu'elles étaient coincées ici, mais elle pouvait deviner à la luminosité qui avait fortement baissé que la nuit serait bientôt là. Puis ses pensées se dirigèrent vers sa mère : elle devait s'être rendue compte de leur disparition. Peut-être qu'avec un peu de chance, elle aurait appelé la police et l'on viendrait les chercher...

La porte s'ouvrit et Maya releva la tête, sur ses gardes : qui cela pouvait-il bien être? Ses espoirs furent vite balayés : la sortie ne fit que s'ouvrir un bref instant, laissant passer ou plutôt laissant le temps à quelqu'un de pousser un nouveau venu dans la pièce, puis elle se referma, replongeant la pièce dans l'obscurité. L'étranger se jeta alors sur la porte, frappant et hurlant qu'on lui ouvre, qu'il n'avait rien fait, qu'il ne savait même pas ce qu'il faisait ici...

Réveillée par tout le vacarme, Hélène se frotta les yeux avant de les ouvrir et de poser un regard étonné sur leur nouveau colocataire.

"C'est qui, lui? demanda-t-elle.

L'intéressé tourna la tête vers les deux sœurs, surpris de trouver des gens dans cet endroit désert, avant de se diriger vers elles et de s'arrêter juste devant Maya qui s'était levé, et derrière qui Hélène s'était cachée.

- Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? les questionna-t-il.

- Et toi ? lui rétorqua la jeune fille. On peut savoir qui tu es ?

Mais le nouveau venu ne semblait pas plus impressionné par Maya que par les fourmis qui se promenaient dans le sombre sous-sol, et il s'assit par terre, un demi-sourire aux lèvres, avant de leur faire signe de l'imiter. La plus grande s'exécuta, agacée, et le plus petite la suivit plus craintivement.

- A vos têtes, on croirai que je suis un assassin... rit-il. Bon, d'accord, cédat-il sous le regard exaspéré de l'aînée, je ne suis pas assassin, mais distributeur de journaux en été. Ça vous va?

Il soupira en voyant l'air buté des deux filles.

- Ok, Siméon Artel, je vais au collège du coin et j'essaye de gagner un peu d'argent de poche pendant les vacances. Et vous?

- Moi,c'est Hélène! s'écria la petite fille. Et elle, c'est ma grande sœur, elle s'appelle Maya!

Le garçon hocha la tête.

- Comment t'es-tu retrouvé coincé ici? l'interrogea l'aînée des deux sœurs.

Il soupira, le regard levé vers une minuscule fenêtre, seule source de lumière de la pièce.

- Aucune idée. Je déposai le journal à la porte, comme je l'ai toujours fait, quand quelqu'un m'a entraîné à l'intérieur... Et vous?

- On se promenait sur la plage quand on nous a entraîné ici... répondit vivement Maya avant que sa sœur n'ai le temps d'ouvrir la bouche.

Il y eut un silence où ils purent entendre le bruit de pas précipités à l'étage avant que Siméon ne reprenne soudainement :

- Vous croyez que tout ça a un rapport avec la fille Du Champ?

- La fille Du Champ? fit semblant de s'étonner la plus grande en donnant un coup de coude à sa bavarde de sœur.

- Oui, vous savez... Élise? À moins que ce ne soit autre chose... Enfin bref, je la voyais de temps en temps dans le parc ou derrière une fenêtre... Mais hier, je ne l'ai pas vue et toute la maison avait l'air totalement paniquée... Je me suis dit qu'elle devait être malade jusqu'au moment où j'ai vu des avis de recherche en ville. Vous croyez qu'elle s'est fait kidnappée? finit-il, tout excité.

Maya haussa les épaules en surveillant du coin de l'œil la réaction d'Hélène, mais à son grand soulagement, la petite fille s'était prise au jeu :

- Ils ont des enfants, monsieur et madame Du Champ? demanda-t-elle alors.

- Ils n'ont qu'une fille unique, Élise, d'ailleurs, c'est sûre que les kidnappeurs pourraient en tirer une belle rançon...

Tout à coup, la porte s'ouvrit de nouveau et un homme entra. Prenant le soin de refermer la porte derrière lui, il se dirigea vers le trinôme avant de s'emparer d'Hélène comme s'il s'agissait d'un vulgaire sac à patates.

- Lâchez ma sœur! s'exclama Maya en bondissant. Elle n'a rien fait!

Mais l'homme l'ignora pour se diriger vers la sortie. Réunissant son courage à deux mains, la jeune fille s'agrippa à une des deux jambes de l'agresseur de sa cadette, se faisant la plus lourde possible pour l'empêcher d'avancer. Mais ce fut à peine si celui-ci chancela et, une fois arrivé à la porte, il secoua le pied pour se débarrasser d'elle, sans pour autant parvenir à la déloger. Il frappa alors deux coups à la porte qui s'ouvrit brusquement.

Malheureusement, Maya reconnu trop tard le chiffon qu'un deuxième homme, entré pour prêter main forte à son compagnon, avait sortit de sa poche. Elle rua pour les empêcher de la toucher mais que pouvait faire une adolescente contre deux guerriers à la musculature impressionnante ? Elle sombra dans les ténèbres.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux une longue demi-heure plus tard, Siméon était penché sur elle, anxieux. Dans le silence de la cave, ils pouvaient entendre des cris provenant des étages supérieurs.

Ils... Ils utilisent Hélène pour soumettre Élise... Comprit la jeune fille, les larmes aux yeux. D'après l'inquiétude qu'elle pouvait lire dans le regard de Siméon, elle devinait facilement que le jeune homme pensait la même chose qu'elle, même si elle doutait qu'il sache qu'il s'agissait d'Élise.

Son regard se reposa sur elle.

- Et si tu me racontais tout? proposa t-il. À l'évidence, tu sais un certain nombre de choses importantes à savoir pour pouvoir trouver un moyen de sortir d'ici...

La vue brouillée par les larmes, elle aquiesça.