La fugitive

Chapitre 15

" Nuit !"

Le cri de détresse déchira le silence et tous tournèrent la tête vers son propriétaire qui, outrepassant le fait qu'il se faisait tirer dessus et se trouvait entre deux feux, se rua sur la silhouette inanimée gisant par terre, sur le sol mouillé par la pluie incessante. Il attrapa la jeune femme aux vêtements bleu marine qui avaient viré au pourpre sous le sang qui coulait de ses multiples blessures, pour la porter à couvert et Maya sentit son cœur s'arrêter de battre : l'immobilité de leur leader ainsi que sa pâleur faisaient peur à voir... Était-elle encore seulement en vie ?

À cette idée qui lui glaçait le sang, elle détourna les yeux du corps, comme pour échapper à la peur qui faisait surface, et leva des yeux embués de larmes vers le ciel en tentant de se rappeler : comment cette guerre avait-elle commencée ?

*

" Dis Maya, pourquoi on peut pas aller au concert ? C'est pour nous punir ? Parce qu'en un mois on n'a rien trouvé ?

La jeune fille soupira : trois semaines que le concert Astawen, organisé par les deux célèbres chanteuses, Astal et Caliawen, était prévu pour ce soir là dans la grande salle de la ville.

- Parce que les trois-milles places ont déjà été vendues, et tu le sais !

- C'est pas vrai ! s'obstina sa cadette. Trois-milles places, c'est beaucoup trop, c'est pas possible que ce soit tout rempli !

Avec un haussement d'épaule et un soupir de contentement, Maya fit mine de replonger dans son livre et regarda discrètement sa sœur quitter la pièce comme une furie, en criant que ce n'était pas juste, que de toute manière ce serait le pire concert du monde et d'autres choses encore pour se consoler de ne pas pouvoir y aller.

Lorsque les cris cessèrent enfin, elle pu pénétrer pleinement dans le roman d'horreur qu'elle lisait, au point de presque ressentir l'angoisse des personnages au cours de leur progression.

- C'est quoi ça ?

La jeune fille sursauta : Hélène, inlassable, était revenue à la charge et brandissait à présent un tracte littéralement sous le nez de sa sœur, l'étouffant au passage avec le papier.

- Là, je ne vois rien... grommela-t-elle en tentant de recracher la feuille au goût âcre de l'encre.

Prenant celle-ci des mains de la fillette qui la toisait d'un air boudeur et sévère, elle retint un sursaut -de surprise, cette fois- en déchiffrant ce qui était marqué.

- Un tracte pour Astawen ? Mais je t'ai déjà dit qu'on ne pouvait pas y aller !

- T'es pas gentille ! Tu l'a ramené juste pour m'embêter, j'en suis sûre!

- Moi ? s'indigna-t-elle. Tout ce que je veux, c'est que tu me laisse tranquille et que tu te taise !

- Alors qui l'a mis dans la maison ? la défia sa sœur.

- Attend... Où l'as-tu trouvé ?

- Dans la porte du placard de la cuisine.

- Tiens, quelle surprise ! Ce ne serait pas là où maman rangerait le chocolat, par hasard ?

- Ça n'a aucun rapport! se défendit Hélène, rosissant jusqu'à la pointe des oreilles. Qu'est-ce que...