SIX

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  Il pleut des cordes.
C'est le tonnerre qui me réveille.
Je n'ose même pas formuler la pensée. De toute manière, elle se formule d'elle même.
Éden arrive aujourd'hui.
Je chasse ça de mon esprit et me lève. J'ai la tête vide. Mes mouvement sont machinaux. J'enfile un de jeans, une chemise et un pull, puis descend pendre mon petit déjeuner.
Maman a posé sa journée. Je la trouve en bas, assise devant une tasse de café.
  — Salut maman.
  — Salut Aza.
Elle fixe un point devant elle, ne m'adresse même pas un regard. Elle a l'air fatiguée. Elle a sûrement mal dormi.
  — Il fait un temps horrible non? dit elle soudain.
Je jette un œil de l'autre côté de la fenêtre, ou la pluie tombe à grosse gouttes, et où les éclairs fendent le ciel, encore loin de Minneapolis.
  — Affreux, je confirme.
Après avoir débarrassé mon bol de céréales, je prends mon sac ou sont rangés mes cahiers de partitions et me rend à mon cours de piano avec la voiture à maman. Je roule au ralenti à cause de la pluie, si bien que j'arrive dix minutes en retard.
Mon professeur, Mr. Brown, me corrige a maintes reprises.
  — Enfin Aza! Mais qu'est-ce que tu fais? Je ne vais quand même pas recommencer à corriger la positions de tes mains après onze ans de pratique ! s'exclame t'il.
  — Excusez moi, je suis distraite...
"Après onze ans de pratique"... J'ai commencé le piano un an avant que papa et maman ne se séparent et j'avais convaincu Éden de s'y mettre aussi. Je nous voyais déjà faire des quatre mains ensemble. Mais mes rêves étaient vite retombés: elle détestait ça
  Quand l'horloge sonne 10h, je suis - pour certainement l'une des premières fois de la vie - heureuse de quitter l'école de musique. Me concentrer sur mon morceau en ignorant le flux de Pensées qui affluent dans mon cerveau est une tâche qui m'est actuellement impossible.
En arrivant dans notre quartier, l'idée qu'Eden est peut être arriver pendant mon absence me prend et je sens mon poul s'accélérer quand j'approche de la maison. Soudain, à travers la pluie, je vois une voiture garée devant la maison. Une voiture que je n'ai jamais vu. Je sens mon sang battre à mes tempes. Je me gare maladroitement derrière la voiture inconnue mais reste encore dans l'habitacle. Dehors la pluie continue de tomber, transformant les rigoles qui bordent les trottoirs en torrents. L'orage gronde et s'approche de plus en plus de la ville. Je ne suis pas prête. Tu avais 10 ans pour me préparer à ce moment. Non. J'ai eu une semaine. Une pauvre semaine. Entre dans la maison. Non. C'est trop tôt. Va faire face à ta sœur. Non. Je ne peux pas. Si. Tu dois le faire. Non. Arrête de répondre Non à tout et vas y.
Je respire un grand coup et pose une main tremblante sur la poignée de la portière. Je pique un sprint sous la pluie et m'arrête net devant la porte d'entrée. La pluie coule sur mes cheveux, dégouline dans mon cou. Mais je bloque. Qu'est-ce que je vais trouver derrière cette porte ? Éden qui t'attend. C'est évident. Je pousse doucement la porte.
Tout est silencieux. J'avance dans le couloir, à l'affût de la moindre voix inconnue. J'enlève mes chaussures, accroche ma veste et vais au salon.
Tessa et Emily.
— Bon sang mais qu'est ce que vous faites la ? A qui est la voiture ? criais je presque.
— À moi, je suis allé l'acheter ce matin ! Tessa m'a accompagné, s'exclame Emily.
J'ai l'impression de faire une chute de tension tant mon corps se relâche d'un seul coup.
— Ça va ? T'as l'air bizarre, me demande Tessa.
— Euh oui oui. C'est juste que.. je pensais que c'était.. Enfin bon. Aucune importance. Qu'est ce que vous faites là ?
— Je me suis rendue compte que j'avais oublié mon ordinateur ici, après qu'on ai travaillé hier soir, m'explique Tessa. Je voulais juste le récupérer. J'avais oublié que tu avais cours de piano.
Je monte chercher son ordinateur, lentement. Jai l'impression d'avoir eu un choc. Pourtant Éden n'estt même pas là. Quand je la verrai, quest ce que ça sera ?

Après le repas, toujours pas de nouvelles de ma sœur. Je monte dans ma chambre et met ma playlist "Queen" en musique de fond. La pluie frappe toujours avec violence le toit mansardé de ma chambre. Je m'allonge sur mon lit et éteint les lumières. Il fait sombre à cause des énormes nuages noirs qui emplissent le ciel. Les nuages noirs cachent le soleil. Ils empêchent tout le monde d'être heureux. Éden est un nuage noir pour ta vie. C'est certain. Je croyais qu'il fallait se réconcilier avec Éden ? Peut être bien. C'est à toi de choisir.
Perdue dans mes pensées, je finis par m'endormir.

Des rires. Ce sont des rires qui me réveillent. Je jette un œil à mon téléphone. J'ai dormi deux heures... Dieu sait ce qu'il s'est passé pendant ces deux heures. Dehors les nuages noirs sont toujours là, mais la pluie s'est calmée. Je me lève et me recoiffe rapidement, lisse mon jean et mon pull froissés et descends sans vraiment réfléchir. Ce n'est qu'au moment où je pousse la porte du salon que je me rend compte que peut être qu'Éden...
Elle me tourne le dos. Maman est assise en face d'elle à la table.
Elle a les cheveux coupé courts, mais ont toujours la même belle couleur qu'il avaient autrefois: un beau châtain aux reflets cuivrés.
— Ah, Aza.. dit maman me voyant.
Éden se fige. Je vois qu'elle se raidit. J'aimerai arrêter le temps. Je ne suis pas prête pour la voir.
Je n'arrive plus à parler. Les mots restent prisonniers dans ma gorge. Je tremble de tout mon corps.
  — Aza, il faudrait que j'aille rapidement à l'épicerie. Pour le repas de ce soir...
Elle se lève, prend ses clefs et vient vers moi.
  — Je sais que tu ne veux pas la voir, lui parler ou quoi que ce soit. Mais essaye... chuchote elle.
J'hoche vaguement la tête. La porte d'entrée claque. Et me voilà seule avec ma sœur jumelle. Rayée de ma vie il y'a 10 ans, jour pour jour.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant