CINQ

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Les rayons du soleil m'aveuglent dès que j'ouvre les yeux. C'est drôle, le soleil se lève tôt tous les jours et pourtant il n'est jamais fatigué. Tous les jours il nous éclaire, nous réchauffe, et jamais ne faillit à ces devoirs.
Je me lève et m'étire. Peut être que Éden va débarquer aujourd'hui. Pitié ne commence pas. C'est trop tôt.
Et voilà que Éden sera à nouveau dans mes Pensées pour la journée, ou du moins dans un coin de ma tête.
Comme je commence les cours exceptionnellement un peu plus tard, je traîne dans le salon, allume la télé sur une chaîne de dessins animés - à 17 ans oui -, j'essaye de me remémorer mes formules d'arithmétique.
Le téléphone sonne.
Ça y est c'est elle. Peut être. Mais on avait dit que ça ne nous affecterai pas. Oh que si ça va nous affecter. Non.
Le temps de cette discussion avec moi même, je cours jusqu'au téléphone, inspire un grand coup, essuie mes mains soudainement moites sur mon pantalon de pyjama, et prend le téléphone.
Moi : Aza Roberts.
? : Salut Aza.
C'est Éden. Oui c'est Éden, je te l'avais bien dit. Tais toi.
Moi : Qu'est ce qu'il y'a ?
Éden : Je voulais juste prévenir maman que je serai en ville à partir de samedi... Mais je rappellerai. Je ne veux pas te déranger.
Je ne sais pas si elle feint la gentillesse, ou si elle est sincère.
Moi : Je lui transmettrai. Elle est au travail là.
J'ai envie de parler sèchement mais je n'y arrive pas.
Éden : Ok... merci Aza.
Moi : Bonne journée.
Éden : Bonne journée oui.
Je raccroche et reste un moment debout, appuyée sur le meuble, perdue.
Éden sera là samedi. Après dix ans d'absence. J'en ai des frissons. À quoi ressemble t elle aujourd'hui ? A t elle encore son air garçon manqué qu'elle avait toujours ? Fait elle encore de la gymnastique ? Collectionne t elle toujours les galets, tout lisses et sans défaut, qu'elle passait des heures à chercher ?
Plusieurs questions plus ou moins pertinentes fusent dans ma tête.
Une fois que j'ai repris mes esprits, je prends mon sac et me met en route pour le lycée.
Emily étant absente, la journée me semble plus longue que d'habitude et je n'arrête pas de penser à Éden. Je ne pense plus qu'à ça à vrai dire.
  — Ça va ? me demande Tessa en voyant que je ne touche pas à mon assiette de frite.
  — Éden arrive samedi.
Elle me regarde, les yeux écarquillés.
  — Oh.
  — Éden ? demande Michael.
J'avais parler plus fort que je ne le pensais. Michael et Jordan se sont eux aussi tourner vers moi.
  — Éden ta... ? renchérit Jordan.
Je soupire.
  — Oui, ma jumelle qui est partie il y'a dix ans.
Silence à la table.
  — Quelqu'un veut mes frites ? enchaînais je pour changer de sujet.
Michael et Jordan se jettent en travers de la table, déclenchant un fou rire général.

  Plus tard en rentrant, je fais un détour par chez Emily pour lui déposer ses cours et la met au courant pour ma sœur.
  — Et qu'est-ce que tu vas faire ? me demande t elle de but en blanc.
  — Très honnêtement. Je ne sais pas.
  — Donc tu n'envisages plus de la rejeter systématiquement.
J'hausse les épaules. Je pense que j'en serai tout simplement incapable.
   — J'espère pour toi que vous allez vous réconcilier, chérie, finit elle après un petit silence.
  — Je ne sais pas ce que j'espère Emily. Je crois que c'est ça le plus frustrant.
Elle me raccompagne à la porte et je me rend compte que c'est une des rares fois où je vois mon amie malade: ses cheveux sont relevés en chignon, elle est démaquillée, en chausson et en pyjama.
  — Ça change du look que tu arbores tous les jours à l'école, dis je.
Elle me pousse dehors en riant.
  — En effet. Maintenant va. Tu as la venue de ta sœur à préparer.
J'enfourche ma bicyclette et arpente toutes les petites rues de Minneapolis pour rentrer chez moi. Je m'arrête à quelques maisons de la mienne, car la route est bloquée par un camion de déménageurs.
Des cartons sont empilés partout devant une maison qui ressemble à une grande ferme typique de la région. Elle était inhabitée depuis des années.
C'est une grande maison familiale, et je me fait la réflexion que c'est dans une maison comme celle ci que ma mère aurait aimé vivre à l'époque.
Je chasse cette pensée de mon esprit et rentre chez moi. 
  Maman est déjà rentrée du travail. Elle est souriante. Est ce qu'elle a appris pour Éden ?
  — Salut Zaza ! s'exclame t elle en m'embrassant.
Je lui souris vaguement et m'assois à la table en face d'elle.
  — Maman. Éden a appelé ce matin.
Elle s'apprêtait à ouvrir une bouteille de lait. Elle arrête son geste.
  — Elle sera en ville à partir de samedi.
Maman verse du lait dans son café en tremblant. Sa voix se réduit presque à un murmure.
  — D'accord. Je... Tu... Elle t'a donné plus d'informations ?
  — Non.
Elle souffle un coup et boit une grande gorgée de café. À vrai dire je n'ose même pas imaginer ce que maman doit ressentir. Je monte dans ma chambre et m'installe sur ma chaise de bureau, comme à mon habitude. Les quelques jours jusqu'à samedi vont être longs. Mais en même temps je redoute que ça arrive.
Ça va arriver plus vite que tu ne le penses. Je sais. Ne la rejette pas. J'improviserai. Tu serai capable de rejeter ta sœur jumelle que tu n'as pas vu depuis dix ans ? Et si on ne s'entendait pas mieux qu'à l'époque ?
Comme d'habitude, ce débat continue encore longtemps.
Mon téléphone qui vibre me sort de mes pensées.
Tessa : Aza. Premièrement: il va y avoir un nouvel élève au lycée. Michael a été chargé de le prendre en charge demain.
Moi : Oh, il sera dans notre classe ?
Tessa : Non je ne crois pas. Mais Michael était volontaire.
Les points indiquant qu'elle écrit s'affichent, alors j'attends.
Tessa : Deuxièmement: je voulais m'assurer que les habits qu'on a acheté ensemble samedi sont toujours dans ton armoire et pas dans la poubelle. 
Moi : Ils sont soigneusement accrochés dans ma penderie pas d'inquiétude.
Tessa : Excellent. Je te laisse. Je vais travailler.
Moi : Ok. Bonne soirée.
Maman et moi nous préparons un plateau et mangeons devant une émission débile mais parfaite pour se détendre. Peut être est ce la dernière soirée que nous faisons juste nous deux. Après la venue d'Éden, les choses vont peut être être radicalement différentes. Ça me fait peur. J'ai peur que ma vie change. Parce que les choses ne changent pas toujours pour le mieux.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant