VINGT ET UN

15 2 4
                                    

  Les résultats des examens tombent aujourd'hui.
Je me suis levée aux aurores, plus stressée encore que quand j'allais passer les épreuves.
Étant donné qu'il faut attendre dix heures pour pouvoir consulter les résultats, je reste dans mon lit et traîne sur mon téléphone.
Quand mon réveil sonne neuf heure - enfin - je saute hors du lit et vais prendre une douche qui me détend pour au moins vingt seconde.
En sortant de la salle de bain, je me retrouve nez à nez avec Eden. Ses cheveux courts coupés à la garçonne sont tout ébouriffés, elle a la marque de l'oreiller sur le visage et elle porte encore son pyjama, un t-shirt ACDC XXL. Autant dire qu'à côté de moi et de mon stress, son calme contraste violemment.
  — Alors ? Stressée ? me demande-t-elle en souriant.
  — Beaucoup plus que toi en tout cas...
Elle rit et s'enferme dans la salle de bain.

Je retourne dans ma chambre et enfile rapidement une combi-short à fleur.
Comme par hasard, s'en est une que Michael aime beaucoup... Rien à voir. Je l'aime bien et elle convient parfaitement à la chaleur prévue aujourd'hui.
Je m'assois devant mon miroir et attrape ma trousse de maquillage. (Mon maquillage qui se résume à un eye-liner, un mascara et un gloss). Qu'est ce qu'il m'arrive à vouloir me maquiller en pleine journée, alors que je déteste ça d'ordinaire ? L'amour te fait tourner la tête ma vieille. N'importe quoi ! Je repose la trousse à sa place et descends.
Comme mon estomac est noué par le stress, je ne cherche pas à manger quoi que ce soit. Alors je fais les cent pas, arpentant la cuisine et le salon sous le regard amusé d'Eden, tranquillement attablée en train de manger sa tartine.
  — Hé ! Détends toi hein. Tu excelles dans toutes les matières: pourquoi tu stresses ?
  — Comment tu fais pour être aussi détendue ! Même si tu es sûre d'avoir réussi tes épreuves, tu as quand même un doute, non ?
Eden hausse les épaules et rit.
  — Aza, je ne stresse pas parce que je sais que je l'aurai - au mieux - au rattrapage.
Je lui lance un regard interrogateur. Je ne me souvenais pas de ma sœur comme une mauvaise élève. Vous n'avez été ensemble à l'école qu'en maternelle, ce n'est pas très représentatif de son niveau intellectuel. Tu ne t'en souviens en réalité pas du tout.
  — Papa m'a placé dans des écoles privées de New York, m'a payé des cours particuliers: rien à faire j'ai toujours été nulle, dit-elle en mordant dans son toast. De toute manière, je n'irai pas en école supérieure alors...
Je vois son regard d'assombrir.
  — Pourquoi ? je demande.
Elle semble un instant déstabilisée par ma question. Son regard me fuit, elle passe une main dans ses cheveux courts.
  — Parce que je... euh je, je vais essayer d'intégrer un orchestre. Le violon c'est ma passion, alors en vivre serait absolument fantastique !
Elle improvise complètement.
Je me garde de lui faire une remarque et approuve.
Un coup de klaxon coupe court à notre discussion.
  — Je vais voir les résultats, au lycée. Tu me diras les tiens tout à l'heure !
Elle me fait un clin d'œil et je m'éclipse rapidement.
Emily m'attend devant la maison, assise dans sa voiture flambant neuve. Je rit en voyant les énormes lunettes de soleil qui sont perchées sur son nez. Elle est démaquillé, ses cheveux sont relevés en chignon défait et elle mâche mollement un chewing-gum: tout le contraire d'elle.
  — Bonjour Emily. Ça va Emily ?
  — Mh.
Je ris encore une fois et elle démarre en trombe, si bien que je m'agrippe aux bords du siège.
  — Qu'est-ce qu'il se passe ? je demande tandis que nous roulons vers le lycée.
  — Fatiguée.
  — Il faut dormir la nuit.
  — Mh.
  — La fatigue ne te dispense pas de faire des phrases. Ou au moins de dire des mots.
  — James était là.
  — Aaaaaaah. Et tu vas me dire qu'il t'a empêché de dormir, le rigolo ?
  — Arrête de faire l'innocente Aza, répond mon amie en soupirant.
Je me tourne vers elle, fronce les sourcils et pose une main sur ma poitrine, prenant un air choqué.
  — Emilyyyyy !
  — On a dix huit ans Aza. Qu'est-ce que tu crois ? dit-elle en riant.
Je mime une grimace de dégoût qui devient réelle en imaginant Emily et James ensemble dans un lit.
  — Emily. Tu viens de briser mon innocence. Si ça ne te dérange pas, je vais continuer d'imaginer que vous avez jouer au Puissance 4 toute la nuit.
  — Oui Aza. On a même enchaîné sur un Sept Familles.
Nous rions ensemble de sa remarque et redevenons soudain sérieuses en voyant le lycée.
  — Le moment de vérité, annonce Emily avant de descendre de la voiture.
Devant le lycée, nous retrouvons toute notre bande: Tessa, Gaby, James, Jordan, Lydie et bien évidemment Michael.
La demie seconde pendant laquelle nos regards se croisent, mon estomac semble faire un bond.
Tessa consulte son téléphone et annonce que les résultats seront affichés dans trois minutes.
Nous décidons donc de nous avancer vers les tableaux d'affichages, encore vierges. Michael vient marcher à côté de moi et instinctivement je ralentis.
— Hello...
Sa voix mielleuse me fait fondre, mais le stress lié aux résultats prend le dessus sur mes émotions.
— Salut...
Il faut que j'ai mon diplôme.
Il faut que j'ai mon diplôme.
Il faut que j'ai mon diplôme.
...
Je me répète ça comme un mantra, comme si cela pouvait modifier l'éventuelle mauvaise nouvelle inscrite sur les feuilles qu'apportent certains professeurs.
Michael prend ma main et la presse doucement.
— Ça va aller. O.K. ?
J'hoche la tête.
Les résultats enfin épinglés, une marrée d'élève se bousculent pour se coller aux feuilles.
Déjà les premiers cris de joie, les premiers pleurs retentissent.
Ma gorge est serrée par le stress qui atteint son apogée.
J'arrive enfin à atteindre la feuille. Je sens le regard de Michael par dessus mon épaule.
Je cherche mon nom d'un doigt tremblant.
Aza ROBERTS: ADMISE MENTION TRÈS BIEN.
Cinq secondes s'écoulent avant que l'information ne monte au cerveau. Je pousse un hurlement de joie et saute dans les bras de Michael.
— On l'a ! me crie-t-il.
— AAAAAH.
Nous nous écartons de la foule et je nous étreignons à nouveau.
— Félicitation, petit génie.
Il me chuchote ces quelques mots à l'oreille, agrandissant encore le sourire qui est figé sur mon visage.
— JE L'AIIIIIII !
La voix d'Emily nous fait nous séparer et je me précipite pour l'étreindre.
— ON EST GÉNIALES !
— ON EST GÉNIALES ! me répond-t-elle en écho.
Gaby, Tessa et James nous rejoignent à leur tour. On s'embrasse en riant, on se félicite, soulagés d'un poids.
Emily s'emploie à consoler James qui n'a pas eu son diplôme. Comme c'est étonnant.
— Ce soir on fête ça ! s'exclame Jordan qui revient avec Lydie.
Nous levons tous le poing et nous nous applaudissons, bientôt rejoints par les autres élèves.

En rentrant, je commence par appeler maman qui pousse un cri de joie quand je lui annonce mes résultats avec fierté.
Quand je raccroche, Éden sort des toilettes, pâle, les deux mains serrées sur le ventre. L'expression de douleur sur son visage fait redescendre mon enthousiasme d'un coup.
— Éden?
À peine m'a-t-elle vu qu'elle se redresse comme si ne rien n'était, même si je continue d'apercevoir de la douleur sur son visage.
— Ah, je ne t'avais pas entendue entrer.
— Éden ça va ? j'insiste.
— Oui oui.
Je fronce les sourcils mais passe outre. De toute façon elle ne parlera pas.
— Alors tes résultats ?
— Hum, j'ai attendu que tu sois là.
— Ah, c'est cool! Allez vas y, regarde !
Elle ouvre son ordinateur dernier cri - comme papa a les moyens de s'en payer - et consulte son résultat.
Éden ROBERTS : Admise.
— Oh, mais c'est génial ! je m'exclame.
— C'est cool.
Sa réaction me laisse bouche bée.
Pas un sourire sur son visage. Elle se contente de fermer l'ordinateur.
— Tu n'es pas contente ? Tu m'as dit toi même que...
— Si si je suis contente.
— Euh, OK. On...
J'arrête ma phrase et vais au frigo. J'en sors une bouteille de coca que je pose devant nous avec deux verres.
— On laisse le champagne pour fêter avec maman, quand elle rentrera!
Éden hoche la tête et se lève.
— Désolée, mais je suis fatiguée. J'ai mal dormi cette nuit. Je vais me recoucher.
Elle passe devant moi, le dos courbé, traînant les pieds. Je la suit des yeux, un peu secouée par son étrange comportement.
Mes soupçons s'éveillent à nouveau...
Éden cache quelque chose.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant