DIX

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Je suis réveillée par les rayons de soleil, pour une fois, et non pas par la pluie.
Ça fait déjà une semaine qu'Eden est à la maison. Je me suis habituée à l'ignorer. C'est horrible, mais à chaque fois que j'y réfléchi, je me dis que c'est ce qu'elle mérite.
J'essaye de ne plus y penser et vais prendre mon petit déjeuner. Maman est partie et Éden dors encore: je suis donc seule. Je m'installe devant la télévision en mangeant mes toasts, perdue une fois de plus dans mes Pensées fusantes.
Sur l'écran, un oiseau passe. Tu te souviens quand nous avons recueilli un oiseau blessé, avec maman? Oui le pauvre. La patte cassée ça ne pardonne pas. C'est vrai, demande à Michael. Lui aussi a dû avoir mal quand il s'est cassé la jambe au basket. Oui, je comprends qu'il ai arrêté après ça. Aza. C'est drôle, tu comprends toujours Michael. C'est mon meilleur ami non ? Ou plus ? Non. Non. N'importe quoi. Je n'ai aucune envie de sortir avec Michael. Votre relation est déjà au dessus de l'amitié non ? STOP. Avouons nous que quand il joue du violoncelle, il est absolument craquant avec sa petite mèche sur le front. Il est pas craquant non. Pas du tout. Pas du tout. Alors pourquoi tu paniques d'un coup ? Je ne panique pas. C'est toi: tu vois un oiseau et tu arrives à me parler de Michael. Oui. Mais moi c'est toi. Alors tu ne peux t'en prendre qu'à toi même. Et bien mon cerveau et mes pensées ne sont qu'un labyrinthe auquel je ne trouverai jamais de sortie. Je n'y peux rien. Mais c'est toi qui choisi quels obstacles tu ajoutes sur ton chemin. C'est ridicule.
  Je me lève et vais poser mon bol dans l'évier. Encore un débat sans fin avec moi même. Je laisse toutes ces pensée envahissantes de côté - tant bien que mal - attrape les clefs de la voiture et me rend au cours de piano.
  Le piano a toujours été mon univers. Quand je joue, tous s'estompe et il ne reste que moi et la musique. C'est la plus belle sensation qu'il m'ai été donné de connaître jusqu'à aujourd'hui, et pour rien au monde je n'arrêterai de jouer.
  J'entre dans l'école et salue la secrétaire, qui me connais bien maintenant.
  J'entre dans la salle de cours que je fréquente depuis dix ans. Comme à son habitude, Mr Brown est assis derrière son bureau, à quelques mètre de l'immense piano à queue laqué blanc que j'admirais tant petite.
Cette pièce est un des endroits où je me sens le mieux au monde. Ses murs blanc ornés de petite notes de musique ici et là, la grande fenêtre qui laisse passer la lumière, donnant au grand piano des allures magiques.
— Bonjour Aza.
Je salue mon professeur et pose mes affaires dans un coin de la pièce.
— Bien. Allons droit au but. Tu le sais certainement, mais cette année tu passes le dernier examen de scolarité. Le plus dur, le plus exigeant.
J'hoche la tête. Je le sais. Ça occupe une grande partie de mes pensées toute la journée d'ailleurs.
— Je pourrais te faire jouer n'importe quel morceau, tu as le niveau. Il te faut quelque chose de technique tu t'en doute. J'ai donc décidé de te faire jouer la Valse 64 op.2 de Chopin.
Je reste un instant abasourdie. C'est un chef d'œuvre en terme de musicalité, mais c'est extrêmement technique.
— Ça va me demander beaucoup de temps... Enfin je veux dire, c'est vraiment un morceau complexe.
— Tu as deux mois pour l'apprendre et le travailler. Oui c'est un challenge. Mais tu en es capable: je n'en doute pas une seconde.
— Pourquoi je ne perfectionnerai pas Clair de Lune de Debussy ? Je l'ai appris l'an passé pour l'examen mais je m'en souviens bien. Il était au dessus du niveau demandé non?
— Aza, je ne te connais pas lâche, dit Mr Brown après un temps de pause.
— Je ne suis pas lâche. C'est simplement que je ne suis pas sure de pouvoir maîtriser ce morceau à la perfection dans deux mois, sachant que d'ici là auront lieu les épreuves pour le diplôme, expliquais je.
Mr Brown pose ses longs et fins doigts de pianiste sur mon bras et me sourit.
  — Ais confiance en toi Aza. Tu vas y arriver, je n'ai aucun doutes là dessus.
Je lui souris en retour et il me tend les partitions. Je feuillette les six pages et les pose devant moi avec détermination.
Je joue lentement la main droite, tout en lisant les partitions. Mr Brown, les yeux fermés, les mains sous le menton, écoute avec attention.
Après quelques répétions des deux première portées, j'introduis la main gauche, et à la fin de mon cours, je peux jouer la première partie de la partition.
— Et bien voilà, tu as très bien réussi, me dit mon professeur en me raccompagnant à la sortie de l'école.
— Espérons que je serai prête à l'examen.
— Je n'en doute pas.
Je monte en voiture et reste un moment les yeux fermés profitant de la chaleur des rayons du soleil sur mon visage. L'été est enfin là, même si ici, à Minneapolis, on en profite pas tant que ça.
En rentrant, je trouve Eden à la cuisine les coudes appuyés sur le plan de travail, sa tablette posée devant elle.
Elle lève son regard vers moi et se redresse.
— Salut, dit elle avec un petit sourire.
Je lui répond froidement et monte dans ma chambre commencer mes devoirs.
Tandis que je suis plongée dans des textes moyennement intéressants, traitants de la chrétienté médiévale en Europe, mon téléphone vibre.
C'est une notification Instagram venant d'un certain Gab03.
Gab03 : Aza ? C'est Gaby. Le gars qui avait anniversaire samedi dernier.
Queen0509 : Qui te dit que je suis Aza ?
Je souris derrière mon écran, sans vraiment savoir pourquoi.
Gab03 : Tu as posté une photo de toi et Emily. J'en ai donc conclut que c'était ton compte. J'avais une chance sur deux .
Queen0509 : Cette photo date d'il y'a 3 ans.
Gab03 : On ne dirait pas.. Tu es toujours aussi belle.
Je manque d'éclater de rire mais me retient quand j'entends Éden passer près de la porte.
Queen0509 : Je ne sais pas qui t'as appris à draguer, mais tu devrais revoir tes méthodes .
Gab03 : Je suis autodidacte et inexpérimenté en la matière. Désolé. Je crois que je suis gênant. Je vais aller me cacher dans un arbre.
Queen0509 : Dans un arbre.
Gab03 : Un arbre oui. Et ne jamais revenir en cours pour éviter de te croiser. Ainsi j'éviterai la gêne du siècle.
Queen0509 : Je ferai en sorte d'oublier ce début de conversation.
Gab03 : Merci. Est-ce qu'on pourrait reprendre à zéro ?
Queen0509 : D'accord.
La porte de ma chambre s'ouvre doucement.
— Aza, tu peux venir manger si tu veux...
Je regarde ma sœur et le sourire à mes lèvres s'efface un peu.
  — Je viens.
Une fois la porte fermée je reporte mon attention à mon téléphone.
         Gab03 : Je trouve les discussions virtuelles profondément superficielles. Et si on se voyait plutôt ?
Je souris et hésite un moment avant de répondre. Après tout pourquoi pas ? Ça ne m'engage absolument pas a sortir avec lui... Oui bien sûr. Et comment penses tu que ça va finir ?
Je chasse ces pensées de mon esprit et tape rapidement une réponse sur mon clavier.
Queen0509 : J'y serai :)

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant