UN

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  — Tu es sûre que tu ne veux pas t'inscrire sur un site de rencontre ? Parce que ne toujours pas avoir eu de premier baiser à 17anspresque18 ça craint.
Je soupire et lève les yeux au ciel.
  — Pitié Emily. Je ne veux pas de copain je te l'ai déjà dit.
Elle est allongée sur le ventre en travers de mon lit, les pieds croisés en l'air, une main sous le menton. Ses yeux parcourent l'écran de mon ordinateur et elle sourit avec un air malicieux. Je me jette à côté d'elle pour regarder ce qu'elle fait.
  — Laisse tomber j'en veux pas de tes sites, dis je en fermant l'écran de l'ordinateur.
  — Je garde encore l'espoir de te faire changer d'avis, dit elle en se retournant sur le dos. D'ailleurs en parlant de copain je t'ai déjà dit...
  — Que ton copain est parfait ? je propose.
  — Non. Je parle de...
  — Du fait que ton équipe de cheerleaders va supporter à la finale du superbowl ?
  — Non plus, même si j'aimerai bien. Et puis ça n'a aucun rapport.
  — Alors...
  — Chérie. C'est plus simple si tu me laisse parler, me coupe mon amie en riant. Je voulais dire que j'avais rompu avec Clay.
Je me frappe le front en soupirant et regarde Emily en haussant les sourcils.
  — Est-ce que ça m'étonne ? Non. Est-ce que je t'avais prévenue que cette relation ne durerai pas? OUI.
Elle me regarde et hausse les épaules.
  — Je le savais aussi. Mais tu me connais, il m'a demandé de sortir avec lui et je ne pouvais pas résister au gars le plus convoité du lycée.
— Je ne te comprendrai jamais, dis je en lui lançant un coussin.
  — Moi non plus.
Elle me relance le coussin avec force mais je l'évite et il va s'écraser sur la tête de Brian May.
  — Sérieusement chérie, tu es sûrement la seule fille de 17 ans au monde qui n'ai jamais embrasser un garçon, mais qui en plus a des posters d'homme poilus, vieux, aux cheveux long et bouclés qui n'ont par dessus tout aucun talent, dans ta chambre ! m'annonce-t-elle.
Je me lève et pose les mains sur mes hanches.
  — Alors premièrement, les cheveux longs c'est le style des années 80. Et deuxièmement: ose dire encore une fois devant moi que Queen n'a pas de talent, et tu peux m'oublier définitivement, finis-je.
  — Si ça peut te faire plaisir. Mais il va quand même falloir que je te remette à la page chérie. Bon je vais y aller. J'ai entraînement avec les cheers.
Elle se lève, enfile ses talons aiguilles - si hauts que je me demande comment elle fait pour marcher avec - et me fait bruyamment la bise avant de sortir de ma chambre.
  — A demain ! crie-t-elle du palier.
Quelques secondes plus tard, sa twingo orange sort de l'allée.
Je m'affale dans ma chaise de bureau et commence à tourner sur moi même, comme je le fais souvent quand je réfléchi sans vraiment réfléchir. J'appelle ça les Pensées avec un grand P. Ce sont les pensées qui viennent comme ça, qui te rappellent autre chose et encore autre chose. Alors que les pensées, celles qu'on commande à notre cerveau, sont insignifiantes. Même si souvent, les Pensées dérivent des pensées.
Maman interrompt mes réflexions pseudo-philosophiques en entrant sans prévenir dans ma chambre.
  — Salut Zaza. Encore en train de tourner sur cette chaise ? Tu n'as pas le mal de mer à force ? demande-t-elle de sa douce voix de maman infirmière.
  — Non ça va. Ça s'est bien passé à l'hôpital ?
  — Oui, un jour comme un autre. Et toi au lycée ?
  Tout en parlant elle commence à remettre des petites choses à leur place - même celles qui le sont déjà -, à lisser le drap sur mon lit. Un tic de maman infirmière.
  — Ça va... J'ai eu la meilleure note au contrôle de maths.
  — C'est bien.
Elle commence à aligner les feuilles qui traînent sur mon bureau et je la regarde faire. Elle reprend:
  — J'ai croisé Émily. Je ne comprends toujours pas comment il est possible que vous vous entendiez si bien, alors que vous êtes si...
  — Différentes, opposées, conclus je.
  — C'est ça.
Je repense à ce que je disais à ma meilleure amie il y'a quelques minutes: « Je ne te comprendrais jamais ».
  — Honnêtement maman, je n'en sais rien non plus. Mais c'est comme ça, dis je en riant.
Maman sourit et m'ébouriffe les cheveux.
— On est vendredi. Je crois que c'est le jour pizza non ? dis je soudain.
Maman me regarde en hochant doucement la tête.
— Une Regina ?
— Évidemment, répondis je.
Elle me tape dans la main et s'en va commander notre repas.
  Ma vie monotone, bercée entre le lycée, Emily, ma mère, est mon repère. Sans ça je ne sais pas ce que je ferai. Ce sont les dernières Pensées que j'ai avant de sombrer dans le sommeil.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant