HUIT

19 3 2
                                    

Emily : Chérie ! N'oublie pas de te préparer pour ce soir. À moins que tu veuilles passer du temps avec Éden.
Toutes ces émotions, ce mélange de sentiment, m'ont complètement sorti cette soirée de la tête.
Moi : Je serai prête à 19h.
Emily : Parfait.
Maman passe sa tête dans l'encadrement de la porte tandis que je sors les quelques affaires que j'ai achetées avec les filles.
— Woah, c'est beau. Tu as acheté ça samedi dernier ? demande t elle en venant se poster à côté de moi.
— Oui. Mais je ne porterai probablement rien de tout ça, répondis je en riant.
— Ça t'ira superbement bien.
Elle me prend dans ses bras et me caresse les cheveux. Ce genre de moment est si rare. Pendant quelques secondes j'ai l'impression d'être dix ans en arrière, quand le soir je ne pouvais plus m'endormir autre part que dans les bras réconfortants de ma mère.
Elle sort de ma chambre et je me retrouve à nouveau seule.
Après une rapide réflexion, j'enfile la combinaison noire. Le pantalon large pend sur mes fines chevilles et mon corps tout maigre flotte dans le tissu. Je jette un œil aux chaussures à talons mais opte finalement pour une de mes éternelles paires de baskets blanches, sobres.
Je m'assois devant mon miroir et tente un maquillage - qui se réduit finalement à une couche de mascara sur mes cils courts. Je me lève, recule de trois pas, et observe le résultat final.
A vrai dire, je ne m'occupe pas vraiment de l'image que je renvois, alors j'hausse les épaules et descends dans la cuisine.
— Tu es superbe, me dit maman en mettant une troisième assiette sur la table.
Maman va chercher Éden et nous nous installons pour manger. Personne ne parle. Ou peut être que personne n'ose parler.
Dans tous les cas, je suis soulagée de voir le message d'Emily qui m'annonce qu'elle est devant chez moi.
— J'y vais. À toute à l'heure.
J'embrasse maman sur la joue, et sort sans accorder un regard à Éden.
Je monte à l'arrière de la voiture d'Emily et m'assoit entre Michael et Jordan. Tessa est assise sur le siège passager, et voilà que notre petite bande se met en route pour le quartier UP de Minneapolis.
À la lumière déclinante du jour, je vois les maquillages exubérants de Tessa et Emily, leurs tenues légèrement provocantes. Michael et Jordan eux, sont tous deux en bas de smoking et en polo.
— Très élégante, me glisse Michael.
— Merci. Toi aussi, dis je.
Emily me jette un coup d'œil dans le rétroviseur.
— Tu vas voir Aza, on va s'éclater ! Ça va être énorme.
J'en doute fortement mais je souris à ma meilleure amie.
  Nous arrivons dans le quartier où se déroule la fête, et même si on ne voit pas encore la maison, la musique, elle, se fait déjà entendre.
Le long du trottoir une dizaine de voiture est déjà garée et plus loin, devant une maison - qui ressemble plus à un manoir vu sa taille - plusieurs personnes fument, discutent.
Notre petite bande sort de la voiture et s'avance en riant. Nous passons au milieu du nuage de fumée et avancions sur le seuil de la maison dont la porte est grande ouverte.
Un garçon que je devine être Gaby, que je ne connaît pas plus que de nom, nous accueille.
  — Salut! Merci d'être venus c'est cool.
Il s'écarte pour nous laisser entrer et quand je passe, je sens son regard me suivre.
  — Attend !
Je me tourne et panique un peu en voyant mes amis s'éloigner. 
Gaby fait quelques pas vers moi et me sourit.
  — Aza c'est ça ?
J'hoche la tête. Comment connaît il mon nom ?
  — Je te croise souvent au lycée mais jamais en dehors. Je ne pensais pas te voir ici.
  — C'est pas trop mon délire, les soirées mondaines... dis je en haussant les épaules.
Il rit et retourne près de la porte d'entrée en m'adressant un sourire timide.
Je cherche le reste du groupe des yeux et repère Tessa et Emily près de la table à boisson.
  — Ne m'abandonnez pas comme ça ! dis je en les rejoignant.
  — Tu était en bonne compagnie. Je me trompe ? me taquine Tessa.
Je lève les yeux au ciel et me serre un verre de jus de fruit, en prenant soin de vérifier qu'il ne continent pas d'alcool.
Emily m'arrache mon verre des mains.
  — Tu plaisantes j'espère ? Tu ne vas pas boire du jus de fruit ?
  — Bien sûr que si. Sinon qui va faire Sam ? répliquais je avant de lui reprendre mon gobelet.
A son tour, elle lève les yeux au ciel.
  — Il va falloir que tu apprennes à t'amuser Aza, me dit Tessa avant de trinquer avec Emily.
Le liquide transparent au fond de leurs verres ne me dit rien qui vaille.
Tessa abandonne son gobelet et part rejoindre un groupe de personne dans un coin du salon - qui par ailleurs doit faire la moitié de la superficie totale de ma maison.
De son côté, Emily commence à discuter avec toutes les personnes qui passent, jouant du regard avec les garçons.
— Oh. Regarde qui voilà, me dit elle soudain.
Le nouvel élève, arrivé au cours de la semaine, avance vers nous avec un air assuré.
— Hey Emily! lance t il.
Son regard s'attarde un instant sur moi et il commence à parler avec mon amie qui lui fait des yeux de biches.
Quand il s'éloigne quelques minutes après, elle soupire et le suit des yeux.
— Il est trop mignon, me souffle t elle. Dommage qu'il ai flashé sur toi.
Je la regarde en haussant les sourcils. Ca m'étonnerai qu'il connaisse ne serait ce que mon prénom. Et puis qu'est ce qu'il me trouverai?
— Allez, ne fait pas semblant. Tu as forcément remarqué que quand il traînait avec nous cette semaine il n'avait d'yeux que pour toi! s'exclame Emily en me mettant un coup dans le bras.
— Honnêtement Emily, j'avais d'autres chats à fouetter. Je ne sais même pas comment il s'appelle.
— James.
Je jette un œil au garçon, qui a rejoint le groupe de Tessa.
  — Bon, je vais rejoindre Tessa.
Emily s'éloigne en se déhanchant et va se mettre
debout juste à côté de James. Mais celui ci se retourne et me regarde en souriant.
Qu'est-ce qu'il me veut bon sang ?!
Je détourne le regard et vais m'assoir sur un fauteuil - fauteuil tellement large que ca pourrait être un petit canapé.
Je repense à Éden. Lui parler pour la première fois depuis 10 ans a créé en moi un mélange de sensations étrange. D'une part, j'ai terriblement envie de la blesser. Je suis en colère. Je n'ai même pas envie de voir son visage. Et puis d'un autre côté, en une petite partie de moi, je me rend compte qu'elle m'a manqué, et que j'ai envie de renouer les liens avec elle. Mais ce n'est qu'une infime partie de moi.

La soirée se déroule jusqu'ici sans incidents notables. Il y'a environ 30 personnes qui dansent dans le salon et dans tout le rez-de-chaussé, sûrement quelques personnes à l'étage, et une vingtaine dehors en train de fumer je ne sais quoi.
Emily et Tessa sont complètement soûlées - comme presque tout le monde - ce qui offre un spectacle assez amusant à voir.
La musique hurle de tous les côtés, si bien que bientôt je n'y prête plus attention et suis au bord de l'endormissement. Mais ma conscience prend le dessus.
Ce n'est peut être pas la meilleure idée que tu ai eu de t'endormir chez un inconnu Aza. En effet.
Je me lève et me dirige sans vraiment réfléchir vers la sortie la plus proche, en l'occurrence une baie vitrée.
Quelqu'un m'attrape par le bras, me faisant sursauter.
  — Aza! Ça va ?
James. Il tient un verre de ce qui ne semble - étonnamment - pas être de l'alcool.
  — Ça va merci.
Je me dégage et fais un pas en arrière.
  — C'est vraiment cool comme fête. J'adore les États Unis rien que pour ça.
Qu'est-ce qu'il raconte? Est ce que c'est commun d'aborder une fille comme ça?
— On reparle quand tu seras pas soûl, dis je.
— Mais je ne suis pas...
Je ne le laisse pas finir et tourne les talons.
Je sors discrètement par la porte vitrée et me retrouve sur une terrasse faisant toute la longueur de la maison. Il y'a ce qui semble être une piscine et un jacuzzi à droite, et à gauche un salon de jardin.
Je referme la baie vitrée et les bruits s'estompent enfin. Je m'avance jusqu'à la rambarde et m'y appuie. Devant moi, la ville s'étale, plongée dans le noir. Le ciel est d'un noir profond fascinant. Seuls sont visibles les phares de voitures qui se déplacent, la faible lueur des lampadaires. Évidemment, les bruits de la ville résonnent de toute part.
— J'ai oublié de fermer cette porte.
Je me retourne en sursautant, une fois de plus et me retrouve face à Gaby.
— Ah pardon. Je cherchais juste un peu de calme, expliquais je.
— Pas de problème. J'avais décidé de fermer pour éviter que certains finissent dans la piscine, ou de l'autre côté de la rambarde, dit il en riant.
— Je crois qu'ils sont tous trop soûls pour voir la porte, dis je.
Il rit de ma remarque et retourne à l'intérieur.
Pourquoi être sorti me parler, pour rentrer aussi rapidement ?
Cette question n'a aucun sens. Ah bon ? Je suis fatiguée sûrement.
Je retourne à l'intérieur à mon tour et m'affale à nouveau sur mon fauteuil, isolé dans un coin.
Maman : Tout va bien ?
Moi : Nickel. Si je ne rentre pas c'est que je dors chez Émily.
Maman : Ok. Amuse toi bien.
Je soupire et range mon téléphone. Tessa et Emily sont un peu plus loin avec James, Jordan, Michael, Lydie et autres personnes du lycée. Ils s'époumonent à chanter des chansons vieilles comme le monde.
La nuit va être longue...

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant