VINGT

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  Mon premier lundi de vacances.
Je me redresse dans mon lit et m'étire. Quel plaisir de pouvoir se lever à dix heure un lundi !
Je me lève tranquillement et descend manger devant la télévision. Mais ma tranquillité est de courte durée : on sonne à la porte.
Je vais ouvrir - en pyjama et chignon décoiffé, sans complexe - et découvre Éden, pimpante, deux grandes valises à la main.
  — Hello ! Désolée, j'arrive tôt.
Son accent new-yorkais me fait sourire ( intérieurement parce que je ne voudrai pas qu'elle croit que je suis trop heureuse de la voir ). Je lui marmonne un bonjour et m'écarte pour la laisser entrer.
Ma mère lui a proposé de passer les vacances à la maison, ce qu'Eden a accepté de bon cœur.
  — Je suis contente d'être de retour! Je me sens comme chez moi ici.
... Tu ne l'es pas.
Ma remarque doit être lisible sur mon visage car sa mine s'assombrit.
  — Désolée, je... Ce n'est pas...
Je lève la main pour lui signifier que ce n'est pas grave - ou plutôt pour la faire taire - et retourne près du canapé.  
Elle tire ses valises jusqu'à l'escalier, et entreprend de les monter.
Soudain j'entends un bruit de chute dans les escaliers qui me fait sursauter vivement et je me lève d'un bond.
  — Éden ?!
Je ramasse - avec soulagement - les lunettes de soleil qui sont tombées jusqu'au bas de l'escalier, et monte les marches.
Je trouve Éden en appui sur sa valise, blanche comme un linge, en sueur.
  — Éden ? Ça va ? Qu'est ce qu'il se passe ?
Elle détourne vivement la tête et lève un pouce. Mais je sens bien qu'il y a quelque chose.
  — Qu'est ce que tu as ? j'insiste.
  — Rien. Ça va. C'est juste que la route depuis New-York m'a fatiguée.
Elle me ment, je le sais, mais je me force à croire son excuse et prends sa valise pour la monter jusqu'en haut.
Mon impression se confirme quand je la vois s'adosser au mur, cherchant sa respiration.
Je dépose sa valise dans "sa" chambre, et fait demi tour pour chercher l'autre. J'enlève la main qu'Eden à déjà sur la poignée et empoigne la valise. Nous montons ensemble jusque dans sa chambre et je m'affale sur le lit sans draps.
  — Je ne sais pas ce que tu transportes dans ta valise mais si ce sont des lingots d'or, on est riches.
Je ne sais pas ce qui me pousse à faire de l'humour avec ma sœur, mais je le fais. Celle-ci, qui a retrouvé quelques couleurs, rit et ouvre sa première valise.
Elle en sort des draps qu'elle me lance à la tête, me faisant pousser un cri qui nous fait rire de bon cœur.
Tout à coup, je me rends compte que c'est agréable de lâcher prise. De faire comme si c'est dix ans de rancoeur n'avait pas existé. De laisser la part de moi qui veut se réconcilier avec Éden prendre le dessus.
  — Tu sais qu'on a des draps, ici? je demande.
  — Oui. Mais déjà que m'incruste pendant presque deux mois...
Je l'aide à faire son lit, puis la regarde vider sa valise de vêtement.
  — Si tu veux, tu peux vider l'autre valise sur cette étagère.
Elle montre du doigt la valise puis l'étagère en question. J'ouvre la valise et reste me retient de rire en voyant son contenu: pas étonnant qu'elle soit si lourde puisqu'elle contient une vingtaine de livres et son violon !
Je dispose les livres sur l'étagère et pose le violon sur la commode. Éden me remercie et je lui rend son sourire.
  — En échange, je vais te demander de cuisiner, dis je en riant.
  — Pas de souci, j'adore ça !
Nous nous tapons dans la main et je retourne dans ma chambre m'habiller.
Après avoir fait mon lit, je consulte mon téléphone.
Rien.
Michael ne donne pas signe de vie depuis la soirée de vendredi. Après manger, ses parents et lui sont rapidement rentrés, nous laissant tous les deux sur notre fin.
J'ai un petit pincement au cœur. J'ai hésité plusieurs fois ce week-end a lui envoyer un message, comme si ne rien était, pour voir son comportement. Mais ça ne m'a finalement pas paru une bonne idée...
Une fois de plus l'idée me prend.
Peut être que lui aussi attend que je lui écrive.
Peut être qu'il regrette, qu'il se dit que c'est une bêtise.
Et qu'il cherche un moyen de me l'annoncer gentiment.
Honnêtement, si il devait se passer quelque chose, ça fait longtemps que ça serait arriver.
Oui sûrement.
Ou peut être qu'il est tout simplement gêné parce que je connais ses intentions, ce qui serait totalement le caractère de Michael.
Arrête de te voiler la face, il...
Trop tard. Je reprends mon téléphone.
       Moi : Hello! Comment se passe ton premier lundi de vacances ? :)
Ne m'attendant pas à un réponse dans la minute, j'enfile un short et un t-shirt à l'effigie de mon idole, Freddie Mercury, puis je retourne devant la télévision.
Un vrai programme de vacances.

  Après un excellent gaspacho préparé par Éden, je remonte dans ma chambre travailler mon morceau de piano - il ne reste plus qu'une semaine avant l'examen.
Je jette avant tout un œil à mon téléphone :
Michael : À la perfection. Je bosse mon violoncelle, et toi ?
       Moi : Je travaille aussi mon morceau de piano. Le stresse monte ... Mais la perspective de vacances au Mexique me donne un peu de courage !
Michael : Pareil pour moi !
Michael : D'ailleurs, j'ai appris que je dois partir chez ma tante en urgence, dans l'Ohio... Je ne serai pas là jusqu'à l'examen je pense.
J'ai l'impression de recevoir un petit coup de poing dans le ventre.
       Moi : Oh... Qu'est-ce qu'il se passe ?
Michael : Elle est malade, il faut quelqu'un qui garde ses enfants. C'est dommage, on ne pourra pas répéter ensemble cette année, pour l'examen...
       Moi : Oui c'est vrai :( .
Michael : Je te laisse ! Je dois faire ma valise.
       Moi : D'accord. Bon baby-sitting !
Michael : chut. Arrête de te moquer.
       Moi : Je ne moque pas bêta. Je te souhaite bonne chance. Je sais que tu adores les enfants en plus.
Michael : Aza. Tu t'enfonces.
       Moi : Salut !
Michael : C'est ça... Salut !
Michael : ;)
Mes craintes s'envolent. Je respire.
Tout est normal. Ou en tout cas tout à l'air normal.
On verra la semaine prochaine, quand nous nous verrons en face à face.
  Depuis la soirée de vendredi, le simple fait de penser à Michael, à ses yeux verts, à sa main sur mon genou me donne des frissons.
Tu es amoureuse Aza. Si c'était le cas, nous sortirions ensemble depuis longtemps, non ?
Tu es amoureuse Aza. Et que j'avais juste besoin d'être mise devant le fait accompli pour m'en rendre compte.
Donc tu es amoureuse Aza.
OUI.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant