DIX-NEUF

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Gab03 : Hello la physicienne.
Queen0509 : Salut !
Gab03 : On a pas beaucoup parlé cette semaine...
Queen0509 : Non, c'est vrai.
Gab03 : J'ai voulu te ramener chez toi plusieurs fois, mais tu es rentrée avec Michael tous les jours.
Il est jaloux. Jaloux de qui ? De Michael ? Pourquoi ? Il ne se passe rien entre nous, j'ai le droit d'être proche de qui je veux ! Il y a encore quelques temps, c'était Michael qui était jaloux de Gaby.
Queen0509 : Oui... On habite pas loin l'un de l'autre, alors c'est pratique.
Gab03 : Je vois.
Gab03 : Je ne te demande pas comment ce sont passé tes examens, puisque tu as brillamment réussi.
Même par message, son ton sec se fait ressentir, et ça m'énerve.
Queen0509 : J'espère. Je dois te laisser, salut.
Je ne prends même pas la peine d'attendre sa réponse, j'ai déjà jeté mon téléphone dans un coin.
Je vais à mon armoire et l'ouvre en grand, à la recherche d'une tenue.
On est vendredi soir, c'est enfin les vacances après une intense semaine d'examens, mais c'est aussi aujourd'hui que les parents de Michael viennent manger. Après dix minutes d'hésitation, j'opte finalement pour un jean mom, assorti à une chemise blanche et mes derbies. Je me sèche les cheveux et les attache en queue de cheval, puis j'applique un peu de doré sur mes paupières.
Je retrouve ma mère à la cuisine, vêtue d'un pantalon rouge et d'un chemisier. Elle pose quelques apéritifs sur la table et ouvre la porte de la baie vitré pour laisser entrer la douce brise qui souffle au dehors.
  — Tu es toute belle dis moi...
Le ton de ma mère en dit long sur ce qu'elle pense.
  — Mamaaaaaan...
Elle lève les mains en signe d'innocence, quand on sonne à la porte.
  — Bonjour Aza !
Angeles, la mère de Michael, m'embrasse chaleureusement, et me prend par les épaules.
  — Quelle jolie fille tu es !
Je la remercie et me décale pour qu'elle puisse entrer.
Si Michael ne ressemble en rien à sa mère - une petite femme aux cheveux blond cendré, et à l'air toujours jovial - la ressemblance avec son père est frappante. Ils sont tous les deux grands, larges d'épaule. Ils ont la même peau matte, les mêmes cheveux noirs de geai. Pour les connaitre tous les deux depuis longtemps, je sais aussi que, comme son père, Michael est très réservé.
Carlos m'embrasse aussi en me lançant un « Bonjour Aza » très formel, puis entre à son tour.
Michael monte les escaliers du perron derrière son père et s'arrête devant moi.
Nous nous regardons un instant, détaillant chacun l'attitude de l'autre. Mon ami porte un short en jean qui dévoile ses longues jambes musclées, un polo blanc et des baskets. Ses cheveux habituellement indisciplinés sont coiffés en arrière et retenus par du gel.
Il jette un œil à nos parents qui nous regardent depuis le seuil et se dépêche de m'embrasser rapidement, même si nous nous sommes vus dans la journée.
Tandis que les adultes avancent vers le salon, tout en s'extasiant sur le fait que nous avons « incroyablement grandit », ou que nous sommes « des jeunes adultes », Michael se colle à moi, sa hanche contre la mienne, et me glisse:
— Tu es magnifique...
— Merci, toi tu es très classe.
Il me remercie d'un sourire et nous nous rejoignons nos parents autour de la table.
— Commençons tout de suite, dit Angeles.
Nous lui lançons un regard interrogateur.
— Le Mexique ! Claire : cela fait plus de treize ans que nous nous y rendons chaque année. Nous connaissons l'endroit aussi bien que Minneapolis.
Ma mère hoche la tête, les yeux plissés.
— Nous logerions dans notre maison là bas, dans laquelle nous avons vécu avec Michael quand il était petit. Elle est très grande, en bord de mer. Elle est un peu en retrait du petit village dans lequel elle se situe. Évidemment tu aurais ta chambre Aza !
Elle dit tout cela d'une traite. Ma mère joint ses mains sous son menton.
— Angeles, on se connaît depuis que vous habitez ici, j'ai confiance en toi et Carlos. Ma réponse était déjà oui. Mais ça me rassure que tu m'ai dit...
Je n'écoute plus. La main de Michael a pris la mienne, et la serre doucement. Je réponds à son étreinte et sourit bêtement.
  — Nous partons seulement deux semaines cette année, puisque nous devons nous occuper de l'appartement et autre pour Michael, l'an prochain.
Je lâche la main de mon ami et me lève pour sortir sur la terrasse.
Je m'assoit dans l'herbe, sous le chêne, qui prend d'ailleurs une majorité de la place dans notre petit jardin. Michael s'assoit près de moi, un genou plié, l'autre tendu, la tête renversée en arrière.
Il pose sa main sur mon genou et me regarde. Des étoiles brillent dans ses yeux.
  — Ces deux semaines vont être géniales. J'ai hâte.
Je pose ma tête contre le tronc et recouvre sa main de la mienne.
  — Moi aussi. J'ai hâte de voir l'endroit où tu as passé les deux premières années de ta vie, Francisco.
Il soupire avec un faux air désespéré qui me fait rire, puis pose son bras autour de mes épaules. Je laisse aller ma tête contre lui et ferme les yeux.
C'est ambiguë... Peut être. Mais pour rien au monde je ne bougerai.
  — Aza ?
  — Oui ?
Son pouce caresse délicatement mon bras, me donnant des frissons.
— J'ai réfléchi à ta question de l'autre jour, à propos de regarder défiler sa vie comme un film..
Il parle à voix basse, comme si il ne voulait pas déranger les oiseaux qui chantent autour de nous, ou briser la tendresse de l'instant que nous vivons, et sa voix grave affole les papillons dans mon ventre. Une sensation nouvelle dont je ne me lasse pas.
  — Et j'ai décidé de devenir le réalisateur du film de ma vie.
Il m'attrape doucement le menton, de manière à ce que je le regarde.
Dans ses yeux je revois ce que j'ai perçu près du feu de camp. Ces étincelles.
Les papillons dans mon ventre se déchaînent en voyant que nos visages sont si proches, qu'en un mouvement, mes lèvres pourraient être sur les siennes.
Il reprend dans un murmure:
  — Et j'ai décidé de commencer main...
  — Aza ! Michael ! On mange !
Nos têtes reculent, les papillons retombent. Nous poussons un soupir avant de nous lever.
Je crois que nous savons tous ce qui allait se passer.
Et je crois que je n'attendais que ça.

THESE ARE THE DAYS OF OUR LIVES Où les histoires vivent. Découvrez maintenant