Comme promis, par amour paternelle, Adélaïde Malet arriva au palais de Versailles vers dix heures du matin pour passer un entretient avec Monsieur de Mason, l'homme qu'elle haïssait le plus au monde. Elle prit un fiacre loué par son père pour l'occasion. Devant les grandes, imposantes et belles grilles royales, un garde somma au cocher du véhicule qui transportait la jeune femme de faire le tour et de passer par le côté. En effet les domestiques pénétraient dans le château par là. Le cocher obéit. De l'autre côté un autre garde fouilla le fiacre, demande l'identité de la jeune femme et vérifia sur son registre si elle était attendue par quelqu'un. Tous les papiers étant en règle, il ordonna d'un geste de la main d'ouvrit la petite grille. Deux gardes, fusils sur les épaules, tirèrent chacun un côté du portail afin que le fiacre puisse accéder au château. Le cocher arrêta le véhicule au milieu d'une petite cour, descendit en sautant sur ses deux pieds et ouvrit la portière :
-Voilà, Mademoiselle Malet. Prévenu-t-il avec gentillesse. Nous sommes arrivés.
Elle descendit et le remercia avec un sourire. Il referma la porte :
-Je vous attends ici. Promit-il.
Adélaïde aperçu quelques domestiques discuter au loin près d'une porte entrouverte. Elle demanda son chemin et on lui indiqua un escalier à droite de la porte. Elle monta et arriva dans un grand corridor, richement décoré où s'agitait plusieurs personnes qui changeaient les bougies des nombreux lustres et chandeliers. Elle continua sa marche dans le palais. Elle avait mis ses plus beaux vêtements et ses mocassins tout neuf. Ils claquaient violemment sur le paquet impeccable et ciré du couloir. Elle trouva enfin Monsieur de Mason assit à un bureau, lisant quelques notes. Lorsqu'il vu la jeune femme, il se leva et l'invita à prendre place sur le sofa près de la cheminé magistrale qui remplissait la pièce, et impressionnait par sa beauté, ainsi que par le travail qu'avait dû fournir l'artiste à l'origine de cette œuvre. Monsieur de Mason ordonna qu'on ferme les portes et qu'on apporte du thé. Seule avec l'ami de son père, Adélaïde ne se sentait pas en sécurité, loin de là. Elle se rassurait en se répétant que des dizaines d'employés étaient à seulement quelques mètres d'elle, derrière un mur, une porte :
-Je suis sûr que vous serez parfaite pour ce poste. Une si belle femme. Car Versailles c'est avant tout l'apparence. Tout est dans l'apparence. Vous voyez les personnes qui changent les bougies. Il est dix heures du matin, personne ne va allumer une chandelle avant ce soir, mais il faut qu'elles soient belles, neuves, irréprochable, lisse. C'est cela Versailles, lisse.
Monsieur de Mason expliqua cela d'un ton plein de passion, son travail était toute sa vie et Adélaïde s'apprêtait à faire de même. Elle avait peur. Combien de personne passait leur vie au service de leur souverain ? Beaucoup trop, pensa-t-elle :
-La gouvernante des enfants royaux ne devrait pas tarder. Dit de Mason en regardant une pendule poser sur le rebord de la cheminé.
Il avait vu juste, car à peine quelques secondes plus tard, une porte caché dans un mur s'ouvrit. Adélaïde, n'ayant pas connaissance de ces nombreuses portes caméléons, sursauta :
-Rassurez-vous. Ria de Mason. Ce n'est que Madame Poitou.
-Ce n'est que Madame Poitou. Répéta-t-elle avec humour.
Monsieur de Mason quitta le canapé, Adélaïde fit de même :
-Voici la jeune femme dont je vous ai parlé. Mademoiselle Malet, la fille de l'officier Charles Malet.
Il indiqua de sa main la jeune femme. Elle s'inclina doucement :
-La fille de l'officier Malet. Dit la gouvernante impressionnée.
Madame Poitou s'approcha d'Adélaïde et fit le tour de la jeune femme. La gouvernante était de petite taille, levant la tête pour observer Mademoiselle Malet, ses cheveux étaient parfaitement bien coiffés, sa tenue simple, trahissait son rang de gouvernante, néanmoins elle était gracieuse et délicate. A Versailles tout est apparence. Les yeux clairs et fatigués de Madame Poitou se posèrent sur le visage de la prétendante au poste si convoité. Son visage était carré, antipathique. On ne saurait dire si elle était jeune, ou vieille. Adélaïde ne savait quel âge lui donner :
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Le lys et les entailles
Historical FictionFin du XVIIIe siècle: Louise Lejeune aspire à plus que sa vie en campagne dans sa Vendée natale. Quittant son domicile pour la capitale, son frère s'inquiète...À juste titre...Leurs escapades à Paris va les conduire à fréquenter des personnages hau...