Son père l'avait rassuré toute la nuit, promettant de la raccompagner lui-même dès la première heure du jour à Versailles. Néanmoins elle ne voulait pas y retourner tout de suite. Sa mésaventure l'avait troublé. Cependant le plus grand trouble, celui qui la dominait, n'était pas le souvenir de l'agression, c'était ce qui s'était passé juste après. Il avait dit « Excusez-moi... » et elle l'avait frappé. Un regret immense la rongeait. Elle tentait de se rassurer en se répétant qu'elle ne reverrait jamais cet homme et qu'il l'oublierait vite. Néanmoins Adélaïde ne désirait qu'une chose formuler des excuses, elle avait été élevé comme cela, chaque erreur mérite des excuses. Elle se trouvait bête de culpabiliser de la sorte. Les hommes qui l'avaient agressé ne lui présenteraient jamais d'excuse et elle, comme une idiote, elle subissait des regrets à cause d'un coup de pied mal placé. Le vrai problème n'était pas son geste, mais à qui elle l'avait fait. Elle se souvenait encore du visage du jeune homme. Il ne ressemblait pas aux pauvres Parisiens qu'elle avait l'habitude de croiser. Il lui était apparu comme désespéré, alerte, presque gentil. Oui, elle avait senti une bonté émanée de cette personne :
-Adélaïde, appela sa mère de la pièce voisine, allons faire quelques courses au Palais Royal avant que tu repartes à Versailles. Il faut te changer les idées.
Adélaïde soupira mais se leva de sa chaise et rejoignit sa mère qui l'attendait dans le hall. Elles se vêtirent chaudement et sortirent dans la rue. Madame Malet était une dépensière naturelle. Elle sortait l'argent de ses poches avec une aisance ordinaire. Elle adorait cela, pas comme sa fille. Celle-ci était distraite, toujours emplie de regret face à son geste et de remord face à l'absence d'excuse, celles qu'elle n'avait pas su formuler. Elle restait assise alors que sa mère essayait diverses robes élégantes :
-Dépêche-toi. Soupira Adélaïde lassée. Je dois être à Versailles pour le souper du Roi.
Sa mère ne l'écoutait pas. Elle hocha la tête sans savoir ce qu'elle approuvait par ce signe. Exaspérée, Adélaïde sortit de la boutique et attendit dans la rue, préférant l'air frais de l'hiver que la chaleur des toilettes fleuries. Elle crut à une hallucination quand elle le vit de l'autre côté de la rue. Oui, c'était bien lui. Elle le discerna parmi des dizaines d'hommes. Il n'avait pas les mêmes vêtements mais elle l'avait reconnu aisément. On n'oublie pas un homme qu'on a frappé sans raison. Il portait un paquet assez gros sous le bras. Il semblait pressé. Maximilien devait livrer quelques ouvrages à un club de lecture non loin du Louvre. Il était l'employé de Lazare maintenant, et effectuait les livraisons lui permettait de connaître Paris et d'avoir connaissance du nom des rues :
-Bien, allons à la parfumerie. Dit Madame Malet.
Elle venait de sortir de la boutique :
-Vas y sans moi, je te rejoins, je dois voir quelqu'un. Répondit sa fille.
Elle laissa sa mère et suivit Maximilien avec discrétion. Il marchait vite, avec des grands pas. Elle devait le rattraper pour lui expliquer son geste, cela la soulagerait :
-Hey vous ! Attendez ! Cria-t-elle.
Plusieurs personnes se retournèrent, ne sachant pas à qui était adressé cet appel, dont Maximilien qui s'arrêta brusquement et fit volte-face :
-Vous ! Constata-t-il surpris.
Rien que de la voir, il avait de nouveau peur pour son anatomie. Il mit par réflexe, les livres qu'il transportait devant son entre-jambe. Adélaïde ria à gorge déployée. Cette situation était hilarante. Sans vraiment comprendre la raison de son rire, Maximilien haussa les lèvres et dévoila ses dents. Il supposa qu'il n'y avait plus rien à craindre maintenant. Elle s'approcha de lui :
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Le lys et les entailles
Historical FictionFin du XVIIIe siècle: Louise Lejeune aspire à plus que sa vie en campagne dans sa Vendée natale. Quittant son domicile pour la capitale, son frère s'inquiète...À juste titre...Leurs escapades à Paris va les conduire à fréquenter des personnages hau...