Chapitre VI: Injustice

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1789 :

Ce mois de janvier était frais. La terre était gelée. Les récoltes avaient été mauvaises et il fallait subsister avec les réserves. Maximilien tâta la terre d'une main sale. Il s'accroupit et constata la fermeté du sol. Il se redressa et tenta avec le pied d'extraire un bout de terre, mais rien ne bougea. Avec sa fine veste d'hiver, trop grande pour lui, il avait très froid et décida de rentrer. A l'intérieur le feu se mourrait doucement. Il s'alimenta et s'empara du tisonnier pour faire grandir les flammes. Il souffla dans ses mains et les approcha de la chaleur. A genoux près de l'âtre, il repensa à la dernière lettre de Louise. Elle ne racontait pas grand-chose, sa vie manquait de détails mais au moins elle vivait. De plus elle ne cessait de clamer son bonheur sans en évoquer les raisons. Son frère s'accrochait à ses lettres, comme un espoir de satisfaction, d'une meilleure vie pour sa sœur. Cependant il s'impatientait, un an et demi qu'elle était partie. Un an et demi d'une longue absence, rythmée par ses missives qui contaient toutes la même chose : une vie parisienne tranquille. Mentait-elle ? Maximilien ne voulait pas le savoir. Il s'éloigna du feu et gagna la chambre qu'il partageait avec sa mère. Celle-ci dormait, emmitouflée dans deux couvertures. Il faisait trop froid pour se lever. Son fils alluma un autre feu dans un petit poil qui se trouvait dans la chambre. Un présent de Monsieur Gaspard :

-Comment vont les champs ? Demanda une faible voix.

Madame Lejeune s'éveilla, ouvrant un à un chaque œil. Maximilien répondit par un haussement d'épaules. Il n'avait aucune idée de comment les récoltes allaient tournés dans les mois qui allaient suivre. Maximilien avait perdu sa joie de vivre depuis le départ de Louise. Au début il se rassurait avec les multiples lettres de la jeune femme, néanmoins il éprouvait une gêne croissante à chaque lecture, au fond de lui il doutait de la vivacité des écrits de sa sœur :

-Je vais voir Monsieur Gaspard. Prévenu-t-il.

Il ne laissa le temps à sa mère de répondre qu'il sortit de la maisonnette. Le froid qui tétanisait le corps du jeune homme le fit se presser pour vite se réfugier chez son ami. Il ne pensait qu'au feu de la cheminé en marchant d'un pas rapide et sûr. Arrivant devant la porte de Monsieur Gaspard il ne frappa pas, rentrant comme s'il était chez lui. Il appela son vieil ami. Un gémissement résonna au loin. Il provenait du fauteuil. Maximilien avança, le parquet craqua sous ses pas :

-Monsieur Gaspard ! S'alarma-t-il en se ruant vers ce dernier.

L'homme gémit encore. Maximilien constata l'état de son ami. Le froid lui avait gelé les membres, ses lèvres étaient bleues, ses yeux à moitié clos. Le jeune homme ne savait que faire. Alors sans réfléchir il prit Monsieur Gaspard dans ses bras et sortit pour se rendre chez le médecin. Il courut, le corps du vieil homme courbé entre ses mains. Les gens, ceux qui bravaient le froid, l'observaient d'un œil mauvais ou compatissant :

-Ne vous inquiétez pas Monsieur Gaspard. Murmura Maximilien. Vous allez vivre. Vous allez vivre.

Il courait comme un fou. Monsieur Gaspard tremblait en gémissant. Le médecin fut surpris de voir Monsieur Lejeune porter de cette façon Monsieur Gaspard. Evidemment il les laissa entrer dans son minuscule cabinet. Maximilien dépose délicatement le vieil homme sur une table recouverte d'un fin drap. Le médecin examina Monsieur Gaspard. Sa respiration était faible, saccadé, et tout à coup il toussota et du sang émana de sa bouche aux lèvres gercées. Le médecin essuya le liquide rouge avec un mouchoir et s'écarta. Il s'approcha de Maximilien et lui murmura :

-C'est la fin Monsieur Lejeune. Il va mourir. Le froid a eu raison de lui. Je suis navré. Vous avez juste le temps de lui dire adieu.

Maximilien ne voulait pas y croire. Il ferma les yeux un instant et respira bruyamment. Il s'avança vers le mourant, prit une chaise et s'assit près de lui. Le médecin partit alors que Maximilien s'empara de la main grelottante de Monsieur Gaspard. Il tenta, en vain, de la réchauffer. A quoi cela servait-il ? La mort était déjà là et rien ne l'empêcherait d'accomplir son devoir :

Le lys et les entaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant