Chapitre VII: Au service de ses majestés

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Dès six heures du matin, des domestiques dégringolaient les escaliers pour atteindre les pièces somptueuses du château. Elle les entendait de sa chambre. Même au bout d'un an et demi à Versailles, elle n'arrivait pas à se faire à ces horaires inhumains. Junon la secoua, comme tous les matins, en répétant son prénom. Elle grogna et se cacha sous sa couette. Junon tira cette dernière afin de découvrir Adélaïde pour qu'elle aille prendre son service. Le souffle glacial de la pièce parcouru tout son corps et elle dû se lever. Elle se jeta sur Junon en riant:

-Allez ! Habiles toi, on va prendre notre petit-déjeuner. Vite.

Junon quitta la chambre dès qu'elle eut achevé de prononcer cette phrase. Adélaïde fit sa toilette et revêtu une tenue simple. Elle se contempla un instant dans le grand miroir qui se trouvait au-dessus d'une commode et sortit de la chambre. Elle croisa Constant, un valet de pied en tenu, ils discutèrent un peu en descendant les escaliers austères et étroits qu'utilisaient les domestiques pour atteindre le sous-sol où se situaient les cuisines où ils mangeaient. Constant était un homme aimable, qu'il se plaignait toujours de sa perruque blanche dû au protocole. Sans elle, il avait les cheveux blonds et courts. Dès qu'ils arrivèrent aux cuisines, ils se séparèrent, Constant mangeant avec les autres valets de pieds et Adélaïde rejoignant Junon. Ils étaient tous assis à la même table mais aux deux extrémités. Junon tendit du pain à son amie, ainsi qu'une tasse de thé bien chaude :

-Junon ! Adélaïde !! Appela une voix forte.

Elles se tournèrent simultanément en direction de Madame Poitou qui descendait d'un escalier :

-Allez ! Tout le monde est éveillé ! Au travail !

Elle frappa dans ses mains. Les deux jeunes femmes se levèrent. Adélaïde engloutit son bout de pain en marchant. Elles montèrent les escaliers. Puis Adélaïde quitta Junon dès le rez-de-chaussée. Junon monta jusqu'au appartement de la Reine, alors que son amie gagna les appartements de Madame Royale. Les domestiques, quelques soit leurs rôles, pénétraient dans les pièces où ils devaient faire leur service par des portes invisibles, qui se fondent dans le décor. Adélaïde ne dérogeait pas à la règle, après avoir passé ce type de porte, elle traversa une enfilade de pièce et atteignit la chambre à coucher de Marie-Thérèse. Il y avait deux femmes de chambre lorsqu'elle arriva. La petite fille d'une dizaine années venait de se réveiller. Elle sourit à Adélaïde. Celle-ci s'approcha d'elle et demanda si elle avait bien dormi. Elle hocha la tête pour dire oui :

-Bien, quelle tenue allons-nous mettre aujourd'hui ? Continua Adélaïde avec joie. Une belle petite robe. N'est-ce pas ?

La petite se laissa vêtir par la jeune domestique. Un valet de pied arriva et annonça que la Reine souhaitait petit-déjeuner avec sa fille. Adélaïde se pressa, coiffa la petite et la confia au valet qui la menait aux appartements de la Reine. Les femmes de chambres firent le lit pendant qu'Adélaïde regagna sa chambrette dans les combles du palais. L'ambiance changeait totalement. En quittant les appartements royaux, elle quittait le confort, l'apparence parfaite des choses, la volupté, l'abondance. Les domestiques avaient de simples chambres rudimentaires, avec un lit primaire, une commode et de quoi s'éclairer. De plus ils partageaient leurs chambres, ils étaient deux dans la même pièce. Adélaïde avait eu la chance de rapidement se lié d'amitié avec Junon. Justement celle-ci revenait. Elle parla de la coiffure extravagante de la Reine aujourd'hui. Il est vrai que Junon et Adélaïde étaient des femmes simples. Junon était brune, attachant sa chevelure sans élégance, négligeant son apparence sauf lorsqu'elle allait travailler. Ses yeux bleus étaient sombres, sans émotions, presque inexistants sur son visage ovale et blanc. Adélaïde adorait Junon. Junon adorait Adélaïde. Elles riaient jusqu'à très tard dans la nuit. Madame Poitou venait souvent, en chemise de nuit, chandelle à la main, les sermonner durement. Elles parlaient d'amour, sans jamais l'avoir connu, de Dieu, sans jamais l'avoir vu, de fortune, sans être riche...Bref de tout ce qui leur passait par la tête sans aucune gêne. Elles se disaient tout, sans pour autant tout savoir. Après s'être croisées dans le couloir exigu où se trouvaient les chambres des domestiques, elles rentrèrent dans la leur et papotèrent :

Le lys et les entaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant