Chapitre VIII: Pour Louise

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Il n'arrivait pas à s'y habituer. Entre la mort de Monsieur Gaspard, les livres brûlés, la marque faite au fer rouge, Maximilien Lejeune n'était plus le même. Tout avait changé en lui. Cette fleur de lys gravée à vie sur sa peau l'avait métamorphosé. Rien n'était plus pareil. Sa mère avait aisément constaté cette transformation. Tout d'abord il était revenu la face ensanglantée, le regard rude, le bras brûlant comme jamais. Le médecin du village vint l'ausculter après que Philibert l'eut alerté. Il conseilla à Maximilien de s'aliter quelques temps, pour être sûr que tout va bien. Mais rien n'allait bien. L'injustice était omniprésence dans l'esprit du jeune homme. Il avait toujours était un homme de bien, juste, aimable...Et en récompense il avait cette fleur de lys sur le bras gauche, cette fleur qui lui tirait la peau. En signe de désespoir, il garda le lit trois jours et trois nuits, et au début du quatrième jour, sa mère vient le voir :

-Tu vas rester longtemps comme ça ? Se fâcha-t-elle. Subir comme un p'ove gars ! Lèves-toi et bats-toi !

Il ne répondit pas. Elle avait raison. Fallait-il rester inactif ? Subir la souffrance sans la combattre ? Mais que faire ? Subitement il se redressa, s'asseyant sur le bord du lit. Il souffla et sans un mot, il se leva. Il ne parlait pas. Il refusait d'adresser la parole à qui que ce soit. Si Monsieur Gaspard était vivant, il serait allé le voir et lui demander des conseils sur comment passer à autre chose, comment faire disparaitre ce sentiment d'injustice et de colère qui grandissait en lui. Et Louise ?! Il aurait tellement voulu parler à sa sœur. Pleurer dans ses bras et sentir sa main lui caressaient la tête comme quand il était enfant. Il se tourna vers sa mère et sans un mot, il chercha le courrier des yeux. Aucune lettre n'était arrivée. Etrange...Louise aurait dû écrire ce mois-ci comme tous les mois. Cela faisait maintenant deux mois qu'il ne recevait aucune lettre. Il s'inquiétait. Et si elle aussi avait été victime d'une agression de la même sorte de celle qu'il avait subie ? Sa mère parla de Louise, et exprima à son tour sa crainte. Pas de nouvelle depuis presque deux mois. Jamais elle n'aurait fait cela. Jamais. Maximilien loucha vers la fleur de lys et, comme un déclic, il regroupa tous les événements dans sa conscience. Rien n'arrivait pas hasard, se dit-il. La mort de Monsieur Gaspard, la fleur de lys, l'absence de missive venant de Paris...Tout cela n'avait qu'un but. C'était son tour maintenant. Maximilien allait quitter sa campagne Vendéenne :

-Je vais la chercher. Dit-il d'une voix faible.

Sa mère tressaillit :

-Toi aussi, tu pars. Se lamenta-t-elle. Toi aussi.

-Je dois la retrouver, sinon nous allons vivre dans le doute toute notre vie. Expliqua-t-il.

Madame Lejeune ne dit mot. Elle n'essayait pas de retenir son fils. Il avait bientôt vingt ans et elle n'avait plus d'ordre à lui donner :

-La chariote pour Paris est dans deux jours. Prévenu-t-il. Je vais prendre des dispositions pour toi. Je vais parler à Philibert.

Elle approuva docilement. Maximilien lui embrassa le front avec amour :

-Tout va s'arranger. Déclara-t-il.

-C'est ce que disait Louise. Dit Madame Lejeune. Je n'y crois plus.

Maximilien disparut par la porte et se rendit chez Philibert, il avait des choses à régler avant de partir.

Deux jours passèrent, ayant prévenu les voisins de son départ prochain, et prit des dispositions concernant la vie de sa mère dans les prochaines semaines ou mois, Maximilien était prêt. Il quitta sa mère le cœur lourd, le visage froid, le regard rude comme un homme qui va vers l'échafaud. Quelle tristesse ! Madame Lejeune n'avait pas la force d'affronter le froid pour accompagner son fils vers la place du village. La quitter, elle, sa mère, ne fut pas aussi dur qu'il le pensait. Peut-être qu'il savait que rien ne lui arriverait ? De plus il ne pensait qu'à Louise et au possible désespoir dans laquelle elle se trouvait. Après avoir embrassé sa mère et lui avoir donné quelques conseils concernant la ferme, il partit, son sac en toile sur le dos avec le peu d'affaire qu'il possédait. Philibert lui courut après afin de lui tenir compagnie :

Le lys et les entaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant