"Bon, si tu veux pas réviser, on fait quoi ? "
La question semblait surprendre Sarah qui était toujours allongée sur mon lit.
" Je sais pas... On reste là au calme ou on bouge, comme tu veux.
- Rester ici, on va se faire chier à force et ma mère risque de se taper l'incruste. On bougerait où ?
- Au parc ? Je vois que ça... À moins que tu aies des courses à faire ou un truc du genre.
- Non, ma mère s'occupe des courses, quand j'ai besoin de quelque chose, je lui demande.
- Je m'en doutais. Au parc alors..."
Elle se leva, je la suivis. Avant d'ouvrir la porte pour sortir de la maison, je saluais ma mère qui me rappela de ne pas rentrer trop tard.
" Ça veut dire quoi pas trop tard pour elle ?
- Dix-huit heures trente, maxi.
- Ah ouais... C'est très tôt même.
- Dis toi qu'il y a encore une semaine, je ne sortais pas du tout. Laisse lui le temps de s'y habituer...
- C'est pas faux. Je te dévergonde."
Nous rîmes alors que nous arrivions dans la rue du parc Perroy, de là où je me trouvais je pouvais déjà voir le banc sur lequel j'étais assise en compagnie de Jessica la veille, le parfum désagréable de sa cigarette me revint lui aussi en mémoire. Nous passâmes ensemble la grille d'acier noire qu'un employé de mairie venait fermer chaque soir et ouvrir chaque matin, puis mon amie se dirigea vers le banc que je regardais toujours.
" Non, pas celui là.
- Pourquoi, il est exposé plein est et ça bouche tes chakras ?
- Non, juste que j'ai pas envie d'être assise en face de l'entrée. Celui ci paraît plus au calme.
- Après c'est qu'un banc, je me fiche qu'il soit au calme ou pas.
- Pas moi. "
Je passai devant et allai m'asseoir sur l'assise, elle vint près de moi, et non sur le dossier comme notre camarade l'avait fait. Le soleil brillait doucement, j'étais éclairée par ses rayons et je me sentais bien, détendue.
" Tu penses à quoi ?
- Miraculeusement à rien. Pourquoi ?
- Je sais pas, répondit mon amie, je te vois là, les yeux fermés, je pensais que tu étais dans tes pensées.
- Non, je faisais justement le vide dans mon esprit.
- Je vois.
- Et toi, tu penses à quoi ?
- J'imagine que je suis sur un rempart, un preux chevalier, attendant l'attaque d'un ennemi quelconque, prête à ordonner à mes archets de faire feu...
- T'es sérieuse là ? Et faire feu, si t'as que des archets c'est pas un anachronisme ?
- Un accro à quoi ?"
Je ris de bon cœur puis lui expliqua ce qu'anachronisme voulait dire.
" Ah ! Bin nan, les flèches sont enflammées donc ils font feu. CQFD.
- Ouais, je sais pas." Finis-je par avouer.
Je pensais alors à ma série préférée du moment, celle où une famille de loup veut manger du lion et qui justement se passait dans un décors de châteaux fortifiés. Jamais je ne les avais entendu dire de "faire feu" à des archets, je me dis alors que Sarah ne devait pas la connaître.
