"Bon tu voulais savoir ce que Jessica avait fait pour moi..."
À l'instant je m'en fichais totalement mais je n'eus pas le courage de le dire à mon amie qui avait le chemin exprès pour ça. Je me contentais de hocher la tête qui était toujours calée contre la sienne, elle le sentit et reprit donc la parole. Tout fut réglé en quelques phrases, apparemment, Sarah avait réfléchit à la plus simple façon de m'expliquer qu'elle n'osait pas m'aborder d'elle même et, ayant vu que je "bavais" sur son ex, lui demanda des conseils pour m'aborder. Le TP de sciences tomba à pic et sous les encouragements de la brune, Sarah m'aborda enfin.
" Je te savais pas du genre timide, lui dis-je à la fin de son récit.
- D'ordinaire, je le suis pas. Mais toi tu étais tellement introvertie que tu avais l'air inaccessible."
Je ne savais pas que je dégageais cette impression, moi qui voulais paraître ouverte et joyeuse j'avais bien foiré mon coup.
" Désolée. "
Un simple mot mais c'était tout ce que je trouvais à dire, je me sentais gênée, déçue pour elle, et en colère contre moi même, me disant que j'aurais peut-être dû faire plus d'efforts pour m'intégrer dans cette classe.
" Tu sais Val, c'est pas si grave que ça, l'essentiel c'est qu'on soit là maintenant.
- Ouais mais c'était pas l'image que je voulais donner de moi.
- Tant mieux, comme ça y'a que moi qui connais ta vraie personnalité. "
Elle me sourit, dans la nuit de ce parc, je le sentis plus que ne le vis, je ressentais ce même sentiment et bien que ses paroles étaient un peu floues, je voyais pertinemment ce qu'elle voulait dire, je souris moi aussi.
" Think i'm just happy.
- Hein ?
- Non, rien. Juste une parole qui me passe par la tête."
Elle se redressa, ce qui me fit bouger aussi, elle m'enlaça par la taille de son bras et me regardait, je pouvais voir les reflets de la lune dans ses yeux et je trouvais cela magnifique. Si j'avais un quelconque talent en dessin, j'aurais esquissé son visage à ce moment précis tant elle était jolie.
" Tu es à fond dans ta musique ce soir... Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien. J'ai l'âme poète mais comme je n'arrive pas à mettre en mot ce que je ressens je les empruntes aux autres.
- Si tu pouvais piocher dans tes titres en français...
- Ho, attends. "
Je fouillais une nouvelle fois dans mon lecteur MP3 puis trouvai ce que je cherchais. Jennifer Ayache, la chanteuse du groupe Superbus se mit alors à chanter dans nos oreilles:
" J'ai des butterfly..."
Elle me tapota la main, je mis la chanson en pause pour ne pas en perdre une miette.
" En français sérieux Val.
- Attends."
J'appuyais sur play et la chanteuse repris:
" Des papillons en pagaille, ton visage se dessine dans les moindres détails..."
Elle continuait alors que Sarah reposait sa tête contre mon épaule, attentive aux paroles qu'elle comprenait. Nous finîmes la chanson et alors que le lecteur passa automatiquement à la suivante, elle me tendis l'écouteur une nouvelle fois en me demandant de lui envoyer la chanson tout de suite.Je la regardais pour savoir si elle était sérieuse, elle aussi me regardait, l'œil brillant. Je lui donnai donc et après quelques manipulations, elle remit son téléphone dans sa poche. Elle vint se blottir contre moi, sa main jouait avec une mèche de mes cheveux, je pouvais sentir ses doigts l'enrouler, la dérouler et recommencer. Moi j'avais l'impression de ne respirer que son parfum la note fleurie, une douce odeur un peu piquante qui m'hypnotisait, je respirais ses cheveux à plein nez, elle dut l'entendre puisqu'elle se redressa subitement.
" Dis que je pus ! Râla-t-elle.
- Nan, au contraire, j'aime bien.
- C'est play-boy, si tu veux je t'en passerai...
- Non.
- Pourquoi non ? Me demanda-t-elle étonnée.
- Parce que je préfère le sentir sur toi."
Elle se leva et vint en face de moi puis se pencha. Durant une micro seconde je me demandais ce qu'elle allait me faire, elle me tendit simplement son cou.
" Alors sens-le à la source, me dit-elle, enivre toi tant que tu le souhaites. "
Je ne me fis pas prier et posa doucement mon nez dans son cou pour inspirer profondément. Pour la remercier, je déposais un petit baiser sur sa peau, imprégnant aussi la trace de son parfum sur mes lèvres. J'avais mal au crâne mais cette sensation n'était pas désagréable, elle passa ses mais autour de mon cou, sans même m'en rendre compte, je posais les miennes sur sa taille et elle finit par s'asseoir sur moi. J'imprégnais toujours mon esprit de son odeur, sous le parfum, je sentais le savon, l'odeur de sa douce peau, de son poids sur mes genoux, de la chaleur de ses bras autour de mon cou, une nouvelle fois, je priais pour que cette soirée ne se termine pas, je me sentais tellement bien. Ses doigts parcoururent mes longs cheveux, elle dit quelque chose que je ne compris pas, que mon cerveau ne voulut pas comprendre puis soudainement ses lèvres se posèrent sur les miennes. Je me laissais porter par mes émotions et lui rendis son baiser qui devint alors fougueux. Pour la première fois de ma vie quelqu'un m'embrassait et le fait que cette personne était du même sexe que moi m'indifférait. Maladroite lorsque nos langues se rencontrèrent, elle sourit tout en ne stoppant pas son geste et je finis par trouver le rythme. Une sensation de vide s'empara de moi lorsqu'elle se retira, je revins sur terre, mon esprit chutant de dix étages au moins. Les paroles de Jessica sortirent de nulle part et me demandèrent une nouvelle fois si j'étais plutôt attirée par les filles, et je m'entendis répondre que les histoires d'amour ne m'intéressaient pas pour le moment. Je me demandai soudain ce que j'étais en train de foutre. Sarah voulu recommencer mais je me détournai.
" Ça va pas Val ?"
Je mis un moment à lui répondre, non pas que j'allais mal mais je cherchais où j'en étais. Je voulais le lui expliquer plus clairement mais les mots ne me vinrent pas, elle me reposa sa question.
" Si, je vais bien. Trop bien même.
- Comment on peut aller trop bien ?
- Quand on vit un moment d'exception et qu'on a peur que tout cela ne soit qu'un rêve qui va indéniablement se transformer en cauchemar.
- Qu'est-ce que t'es sombre parfois, me dit-elle. Tu peux pas simplement te laisser vivre ?
- Je suis comme ça tu sais... Souvent sombre, rarement lumineuse, et toujours bizarrement terre-à-terre."
Elle ne répondit pas, semblant réfléchir à ce que je venais de dire puis se leva.
" Va falloir qu'on pense à rentrer, on a cours demain."
Le fait qu'elle bouge et pense à partir me plomba l'estomac. Si elle m'avait demandé à cet instant si j'allais bien je lui aurais répondu que non, je n'allais pas bien, je crois même que je lui aurais dit que je n'avais pas envie de partir, que je ne voulais pas qu'elle se lève, que je voulais encore la sentir, aussi bien son odeur que son poids sur moi, sans oublier ses mains, puis toutes ses sensations disparurent, comme je le disais, le rêve prend toujours fin. Le plomb que j'avais ne disparut pas lorsque je me levais à mon tour mais il s'allégea un peu quand elle me prit la main.
" Tire pas cette tête, me dit-elle doucement, on se voit demain et on peut encore textoter ce soir un peu. Mais je vais me faire engueuler si je rentre trop tard et toi tu vas sûrement te faire tuer, alors il faut y aller ma princesse."
C'était la première fois qu'elle utilisait un possessif en m'appelant ainsi et l'entendre m'ôta définitivement la boule que j'avais au ventre, je lui souris.
" Voilà, je préfère te voir comme ça.
- Désolée, m'excusais-je, mais c'est un peu le bordel dans ma tête.
- Pas étonnant. Tu viens de donner ton premier baiser, à une fille, je suis passée par là."
Je la regardais étonnée, elle rit.
Comment pouvait-elle savoir ça ? Étais-je aussi lisible que ça pour elle ? Était-ce ça, l'amour ?