Je mis un moment à me rendre compte de mon erreur et le repoussai de toutes mes forces avant de revenir avec les autres, le laissant là où nous étions, probablement sur sa faim mais je m'en fichais totalement. Je ressentais de la honte, la honte d'avoir apprécié ce contact, celle de lui avoir cédé aussi facilement, de la peur aussi, celle d'avoir été vue de Sarah ou pire, de Jessica. Apparemment, personne n'avait fait attention à nous, j'en remerciais le ciel. Je pris une cigarette à ma petite amie et me mis à la fumer nerveusement, tirant de grosses bouffées sur la tige tout en regardant le bout rougir, briller dans la nuit avant de redevenir une braise calme. Cette vue me calmait, le tabac, mélangé à l'alcool me donnait mal à la tête et lorsque j'eus fini de fumer j'avais l'impression que ce baiser n'avait rien de réel. J'éprouvais toujours cette gêne face à ma petite amie, j'avais beau me dire que moi, je n'y étais pour rien, que tout était à cause de Thomas, je ne pouvais pas regarder Sarah dans les yeux quand elle me parla, pour être franche, perdue dans mes pensées je ne l'écoutai même pas, me contentant de hocher la tête à ce qu'elle me disait. La réponse devait être la bonne puisqu'elle reporta son attention sur Isabelle et ne parut plus faire attention à moi, ce qui me soulageait pour le moment. Le petit groupe d'adolescent rassemblé sur la pelouse de mon camarde de classe se parlait, riait, je remarquais à peine la proximité de ma petite amie avec la cousine de mon voisin, toujours perdu dans le nuage gris qui occupait mes pensées, me reprochant ce baiser encore et encore tout en ne cessant de revoir ses lèvres se poser sur les miennes, me remémorant leur texture, leur saveur. J'entendis au loin, comme étouffé, Isabelle rire à ce que Sarah lui disait, j'avais envie de prendre part à la conversation, de m'interposer entres elles, mais n'en avais pas le courage, je restais donc dans mon coin jusqu'à ce que Pierrick me rejoigne.
« T'as pas l'air en forme, belle sœur, claironna-t-il bien fort. T'es déjà raide ou quoi ?
- Non, pensive, avouais-je. »
Il me tendit une autre cigarette en me disant « viens. » d'une manière que je ne pus refuser. Nous nous éloignâmes un peu du reste du groupe, il vérifia que l'on était assez loin puis reporta son attention sur moi.
« C'est qui ce mec ?
- Lequel ?
- Celui que t'as embrassé. »
Je fus interloquée.
« Arrêtes de faire cette tronche, tu vas perdre ta mâchoire. Reponds moi plutôt... Je pense être le seul à l'avoir vu.
- C'est... Mon...
- Mec ? Ex ? Futur ? »
Son impatience m'exaspérait un peu mais je ne pouvais pas lui reprocher.
« Mon voisin. Un ancien amour de jeunesse mais j'en suis pas sûre. »
Il hocha la tête un moment, sans rien dire, paraissant réfléchir, la main sous le menton et fixant le sol puis il se redressa.
« Et maintenant ?
- Juste le voisin de mes parents.
- Je vois. Désolé, je m'en fais pour ma petite sœur.
- Je comprends, dis-je sincèrement, mais t'as pas à t'en faire, j'aime Sarah et n'oublierai jamais ce qu'elle a fait pour moi.
- Alors si tu l'aimes tu ferais bien de te bouger un peu le cul, y'en a une qui essaye de te la piquer. Et pourquoi t'as dit ouais tal heure ?
- Ouais à quoi ? »
Il reprit la pose du mec qui réfléchit au plus grave problème du monde puis se redressa une nouvelle fois.
