Lorsque cette matinée prit fin, enfin, mes deux camarades me demandèrent presque en cœur ce que je comptais faire de mon après-midi. Je n'en avais pour le moment aucune idée, la question de savoir ce que je faisais habituellement fut posée par Sarah et Jessica en donna la réponse dans un soupir qui ne cachait rien de l'exaspération de la fille brune et surprit la blonde. J'hésitais à rire devant leurs têtes puis me retins, il risquerait d'être mal interprété. Sarah finit par décider pour moi alors que nous sortions de l'établissement, elle allait m'accompagner jusque chez moi afin de demander à ma mère si elle pouvait venir réviser.
" J'ai toujours des difficultés en maths, précisa-t-elle. Et puis en étant sur place, elle pourra rien dire ta mère."
J'ignorais ce que ma mère allait dire ou pas, ce que je savais par contre c'était que Jessica était meilleure que moi dans cette matière, comme dans toutes les autres d'ailleurs. Une nouvelle fois Jess eut l'air pincée que son amie prenne les devants et mis à part pour nous saluer avant de tourner pour rentrer elle ne dit aucun mot. Je me retrouvais donc seule avec Sarah, j'avais l'impression que l'atmosphère s'était allégée, je lui demandais alors:
" Tu vas vraiment venir jusque chez moi ?
- Oui, pourquoi ? Tu veux pas ?
- Moi, si... Mais ma mère, pas sûre. Elle aime pas ta témérité je crois."
Elle sourit, hocha la tête puis me saisit par le bras tout en continuant d'avancer.
" Il n'y a pas beaucoup de monde qui aime la franchise. Elle te dérange toi ?
- Non, au contraire.
- Je me disais bien aussi... Tant pis si ta mère m'aime pas, j'ai l'habitude.
- Ah bon ?
- Oui. Et je vais te dire, c'est pas pour ta mère que je viens."
Ça j'aurais pu m'en douter, et heureusement pensais-je. Elle ne me lâcha pas si bien que nous arrivâmes devant la porte en état quasiment bras dessus, bras dessous, je pensais alors à ce que m'avais demandé ma camarade, à savoir ce que ma mère dirait si je sortais avec une fille et encore à cet instant j'étais certaine de sa réaction. Sarah finit par me rendre le bras en passant le pas de la porte d'entrée, j'allais trouver ma mère dans sa cuisine, laissant ma camarade dans le vestibule.
" Maman, dis-je en arrivant, est-ce que je pourrais...
- Non !"
Comme je n'eus le temps de finir ma phrase, je supposais que je payais l'intervention de mon père de la veille, je le maudis intérieurement puis la jeune blonde fit son apparition et dit bonjour timidement. La vieille femme qui nous faisait face se contenta de la dévisager sans même lui répondre.
" Écoutez madame, reprit Sarah. Je ne sais pas pour quelle raison vous voulez priver Valentine de cette séance de révision mais en agissant ainsi, c'est moi que vous punissez car c'est moi qui en ais besoin. Or, moi je ne vous ai rien fait."
Ma mère pinça ses lèvres si fort qu'elles se réduisaient à un simple trait sur son visage, ma camarade était en train de l'énerver, ce qui n'était pas bon du tout. Elle savait que ma camarade avait raison, tout comme je savais qu'elle le savait, et Sarah aussi probablement. Néanmoins, la réaction qu'elle eut m'étonna, le même étonnement que la veille, à en rester bouche bée si je ne faisais pas attention.
"Au lieu de revenir dans deux heures, reste manger ici ce midi."
Même Sarah eut du mal à y croire, elle cligna des yeux et regarda ma mère à deux fois avant de lui répondre timidement qu'il fallait qu'elle prévienne sa propre mère et partit le faire dans le hall. Je restais momentanément seule avec ma mère qui me dévisageait, la tension qu'il y avait entre nous était presque palpable. Elle avait envie de me dire quelque chose, je le voyais, le sentais, tout comme je sentais qu'elle se retiendrait tant que mon amie serait là, je souhaitais alors que ma camarade reste chez moi le plus longtemps possible, tout en sachant bien que cela était irréalisable et qu'inévitable serait cette dispute. Ma camarade finit par revenir afin de nous dire que sa mère était d'accord pour qu'elle reste avec nous, je l'en remerciais intérieurement tandis que la mienne fit un soupir à peine caché. En attendant de passer à table nous allâmes dans ma chambre, là, Sarah me fit remarquer qu'elle ne se sentait pas trop appréciée. Honteuse de ma famille, je ne pus qu'être d'accord avec elle.
