" Alors racontes !"
Sarah était vraiment impatiente de savoir ce qui s'était passé pour moi en cette fin de journée. Je ne voyais pas de mal pour lui parler de Manon mais comment lui parler de Thomas alors qu'il était là ? Ce dernier nous servait un jus de fruit, un verre de vodka pour mon amie, tout en nous tournant le dos mais je le soupçonnais d'avoir une oreille traînant du côté de notre conversation.
" T'avais raison pour Manon.
- J'ai toujours raison, se complimenta-t-elle non sans jeter un regard en direction du garçon. Mais elle t'a dit quoi ?
- Regarde."
Je lui tendis le téléphone avec à l'écran le message de la jeune fille qui disait que je ne devais penser à personne d'autre. Elle le lut rapidement et me rendis l'appareil que je remis dans ma poche pour le moment, ignorant les messages que j'avais reçu depuis que j'étais sortie.
" Elle se tape vraiment la honte pour te dire qui tu peux voir ou pas. Même si ça serait ta copine, ça se fait pas ces trucs là.
- Carrément pas.
- Et t'as rien dit toi ?
- J'allais pis ma mère m'a appelée pour manger et après... J'ai laissé tomber. On contredit pas un fou.
- T'as pas peur que ça s'aggrave ?"
Voilà une chose à laquelle je n'avais pas pensé. Ne pas contredire les fous était l'un des proverbes préférés de mon père mais que faire quand le fou, ou dans ce cas, la folle, était en plein délire et que ce délire ne faisait qu'empirer ? J'imaginais la petite Manon notant mes allers retours dans un petit carnet, faisant la planque de l'autre côté de la rue vêtue d'un long imper jaune moutarde, d'un chapeau assorti et d'épaisses lunettes de soleil noires. Bon je dois avouer que je n'ai pas beaucoup d'expérience en matière d'espionnage et qu'il doit y avoir des tenues plus discrètes mais l'image mentale que je m'en faisais manqua de me faire pouffer de rire.
" Je suis sérieuse Val. T'as vu comment elle te parle déjà ?
- Si je peux rendre service... "
Notre hôte était parmi nous et nous tendait nos gobelets remplis. L'observant du coin de l'œil je vis mon amie, qui ne s'intéressait pas aux garçons disait-elle, littéralement baver devant celui qui lui faisait face, elle le remercia du verre comme ci il lui tendait le monde, et lui sourit si fort que sa tête semblait se couper en deux au niveau de la bouche. J'exagère, certes un peu mais j'étais un peu choquée de voir cette lesbienne affirmée faire la belle devant mon nouveau voisin. Je la laissais faire, si ça l'amusait, me contentant de prendre le mien et de répondre à Thomas.
" Et comment tu ferais ?
- Je sais pas..."
Il s'assit juste à côté de moi, si près que je pouvais sentir son parfum, agréable d'ailleurs.
" Je lui dis que t'es ma copine et si elle t'embête, je la casse en deux. Ça devrait lui faire peur.
- Ça marchera pas, elle sait bien que Val est célib."
Le garçon eut l'air surpris. Il s'attendait à quoi ? Avec ma tronche et mon corps c'est l'inverse qui m'aurait surpris moi.
" Sérieux Val, en rajouta-t-il une couche, t'as personne en ce moment ?"
D'ordinaire je répondais une connerie du genre "J'ai mon chat, il me suffit" mais là je n'en avais même pas la foi, je restais sur mes gardes me demandant s'il n'était pas en train de se moquer de moi, comme il devait le faire aussi à l'époque de l'école primaire.