Il faisait toujours aussi froid, élèves et professeurs avaient gardé leurs manteaux et quelques-uns se cachaient sous des écharpes ou des bonnets. En ce début de mars, le froid était toujours aussi présent, donnant une atmosphère calme et étrange dans l'enceinte du lycée. Il n'était que huit heures du matin, quand Vivien se dirigeait au bureau de son patron. Il serrait une pochette rouge contre sa poitrine où étaient rangés tous les papiers pour le voyage en Italie. Comme d'habitude, il ne voulait pas voir le principal, qu'il évitait soigneusement tous les jours cependant. Il toqua à la grande porte de bois avec un petit écriteau "principal" et celle-ci s'ouvrit en quelques secondes. Le grand homme brun le tira dans son bureau et claqua la porte derrière lui. Vivien lui passa les papiers que le principal scruta à peine.
"J'ai besoin d'un conseil ou d'un avis, dit-il en invitant le professeur à s'asseoir sur l'une des chaises en face de la table.
- Dis-moi tout, souffla Vivien en lui montrant un faux sourire d'enthousiasme.
- Tu vois, le nouveau professeur, Roland, c'est ça ?
- Oui... ?
- Il me plaît.
- Pardon ?!"
Vivien fronça les sourcils. Ça n'était pas possible. L'air sembla se couper dans sa gorge et ses pupilles ne bougeaient plus. Il essayait de rajouter quelque-chose, mais sa voix n'arrivait plus à revenir.
"Je crois que c'est interdit, une relation entre prof et principal, reprit Edmond. Puis, on est dans une ville hyper raciste. 48% des habitants ont voté Le Pen aux dernières élections, t'imagines, la moitié des parents d'élèves feraient tout pour nous virer s'ils apprenaient qu'on était gay."
Vivien ne savait toujours pas quoi dire, ou plutôt son corps l'en empêchait. Son cœur se pinçait, il lui faisait extrêmement mal. Il s'imagina Roland avec Edmond, tous deux souriant, discutant et s'enlaçant. Il eut envie de vomir. Oui, il était jaloux. Tellement jaloux qu'il voulait arracher les yeux d'Edmond.
"Il est hétéro, réussit à dire le professeur d'histoire.
- Comment tu sais ? Mon gaydar fonctionne bien pourtant...
- J-je lui ai parlé. Il est avec une fille, ça fait un an, il compte se marier avec elle.
- Il est peut-être refoulé.
- Non ! Totalement hétéro, totalement... Je dois te laisser."
Il se leva d'un bond, pressé de sortir enfin de cet endroit oppressant et du côté de ce pervers manipulateur.
"Merci, murmura Edmond quand Vivien referma la porte."
Ce dernier expira de soulagement dans les couloirs. Heureux d'avoir bien menti à cet homme. Il ne voulait pas qu'Edmond drague Roland, cela aurait été son pire cauchemar. Il déglutit et essaya de reprendre ses esprits. Il regarda l'heure, il lui restait trente minutes avant de faire cours. Il se dirigea alors à la cafétéria dans l'idée de s'acheter un café. La dame de la cafétéria lui fit en une minute chrono et il put s'asseoir sur une table, loin des élèves qui piaillaient dans la salle. Ils étaient surpris de le voir rester, normalement les professeurs retournaient en salle des professeurs avec leur café. Mais ils ne savaient pas que Mr. Luis détestait la salle des professeurs. Il observait les jeunes dont ils en connaissaient la plupart. Il était nostalgique de ce temps où juste les cours, l'amour et l'amitié faisaient partie de sa vie. Il souffla sur son café encore chaud qui lui réchauffait les mains. Il n'arrivait pas à se remettre de ce que lui avait avoué Edmond. Là où il était assis, il y avait une grande fenêtre qui donnait sur la cour. Cette partie de la cour menait au côté des salles de langues et au self. Personne n'y passait, une grande partie du lycée était cloîtrée dans une des salles des 235 salles de classes.
"Monsieur Luis !"
Il se retourna, une jeune fille aux cheveux bleu ciel s'approcha, tout sourire. Il sourit à son tour. C'était une de ses élèves dont il était assez proche, ils aimaient bien parfois discuter après les cours sur les points importants de l'histoire. Elle s'appelait Lily. Elle sauta dans la chaise en face de lui et le fixa, joyeuse.
"Dites, Monsieur, est-ce que je pourrai faire un exposé la semaine prochaine ?! demanda-t-elle en faisant les yeux doux.
- C'est la première fois qu'on me le demande de cette manière, généralement les élèves le font à une fin personnelle, comme augmenter leur moyenne.
- C'est pas grave, si c'est pas noté, je veux juste montrer à mes collègues une histoire fascinante que j'ai trouvé.
- Laquelle, dis-moi.
- C'est en rapport avec la Seconde Guerre, on est en pleins dessus Monsieur, donc ça colle.
- J'espère que c'est quelque-chose de sérieux. Mais comme c'est toi qui me le demandes, j'accepte.
- Oh, merci ! Je dois vous laisser, j'ai cours de français !"
Et elle s'en alla aussi vite qu'elle était arrivée. Vivien se décida aussi à s'en aller, l'heure de son cours allait bientôt sonner. Il passa par la salle des professeurs pour récupérer ses affaires. En y entrant, il découvrit Roland qui se dépêchait de sortir, sûrement en retard. Leur regards se croisèrent et ils se lancèrent un sourire timide. Le professeur d'italien décampa à toute vitesse, laissant au passage une affaire à lui. Vivien, curieux, s'approcha et saisit l'objet en question. C'était un livre. Rimbaud/Verlaine, éclipse totale.
![](https://img.wattpad.com/cover/178568073-288-k600583.jpg)
VOUS LISEZ
Verlaine cherche Rimbaud
RomanceUn siècle après la mort de Verlaine, ce dernier se réincarne en un professeur d'histoire au lycée. Il cherche désespérément l'amour de son ancienne vie qui s'est aussi réincarné dans le corps d'un autre professeur du même établissement. Verlaine che...