Venise

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  Vivien se réveilla avec la vision du visage de Roland à moitié enfouie dans son oreiller. Un rayon de soleil s'était faufilé entre les rideaux fermés et illuminait le haut de son corps. Le temps semblait être en suspension, Vivien observait la poussière qui flottait au-dessus de lui au ralenti, comme des paillettes qui virevoltaient. Ses paupières étaient encore closes, il respirait doucement, sa poitrine se soulevait avec délicatesse. Ses cheveux ressemblaient à de la paille d'or, ils brillaient et venaient caresser son front bronzé par le soleil Italien. Vivien aurait voulu tendre son bras et passer une main sur sa joue, sentir sa barbe naissante sous ses doigts, et aussi ses lèvres remplies et rosées. Il soupira, continuant à l'observer, il se revoyait dix ans en arrière, dans son lit entre les murs de sa chambre d'adolescent avec son ex petit ami qui est devenu un homme.
Ce fut à cet instant que Roland ouvrit ses yeux, il fut un peu surpris en remarquant que Vivien le regardait. Ils se fixèrent un moment, Roland sourit, son ventre se tordant en voyant Vivien à moitié endormi à le fixer de cette manière. Ils ne voulaient pas bouger d'un pouce, ils auraient pu s'admirer des heures, sans rien dire, sans rien faire, juste sentir la présence de l'autre, de l'autre côté de la pièce. Mais Roland fut le premier à briser cette minute de contemplation en attrapant son téléphone portable sur la table de chevet. Il était l'heure des choses sérieuses, et Vivien en avait déjà marre de cette sortie scolaire. Il aurait voulu que tous les élèves et leurs deux autres professeures retournent en France sans eux, et il se glisserait dans le lit de Roland pour le serrer entre ses bras. 

« Je crois que nous sommes en retard, Madame Lambert m'a appelé mais j'étais en silencieux, constata Roland. 
- Je vais prendre une douche, se contenta de répondre Vivien en se levant paresseusement. Je ne vais pas prendre de petit-déjeuner.
- D'accord, je serai en train de manger avec eux quand tu sortiras. »

*

  Lily s'était mise à côté de Vivien, ce dernier n'avait pas pu s'asseoir avec Roland qui ne faisait que donner des instructions au chauffeur du bus et parler du carnaval de Venise. Elle n'arrêtait pas de sourire, et il n'avait pas très envie de discuter. La chaleur était montée, le soleil frappait les vitres du bus sans rideaux et il commençait déjà à transpirer à grosses gouttes. Ils se dirigeaient vers Venise, tandis que les élèves avaient mis une chanson de rap français au fond du bus et ne faisaient que rire et crier comme s'ils étaient à un concert.

« Tu ne veux pas t'asseoir avec quelqu'un de ton âge ? demanda Vivien à Lily en observant les hectares d'oliviers qui s'étendaient au dehors. 
- Vous ne voulez pas de moi à côté de vous ? soupira-t-elle dans une moue attristée.
- Ce n'est pas ça, s'empressa-t-il de répondre, c'est juste que ça m'étonne que tu veuilles passer du temps avec un professeur aussi ennuyeux que moi.
- Vous êtes mon professeur préféré, Monsieur Luís, assura-t-elle en souriant de toutes ses dents, ses cheveux bleus tombant sur son visage et ses pupilles pistaches.»

Il leva les yeux au ciel et aperçut que Roland le regardait avec un sourire attendrissant. Son souffle se coupa un instant et il se tourna vers Lily pour la remercier, ce qui la fit rougir instantanément. Il sentit le regard de Roland tout le long du trajet et il ne pouvait s'empêcher de sourire bêtement, aussi rouge que Lily, une main sur sa bouche pour couvrir son affolement face à celui dont il était amoureux. 

Au bout d'une heure et demie, ils arrivèrent enfin à Venise sains et saufs. Les élèves n'avaient pas arrêté de mettre du rap et des chansons des années 2000 et Vivien se retrouvait alors avec des acouphènes monstrueux. Il s'étira quand il fut hors du bus et dû compter tous les adolescents, ils étaient tous là heureusement. Ils prirent alors le pique-nique que l'hôtel leur avait passé qu'ils glissèrent dans leurs sacs et se mirent à attendre leur guide attitré qui les attendait normalement au parking où ils s'étaient arrêtés. Cette idée de guide énervait clairement Roland qui essayait de le cacher. Les élèves commençaient déjà à râler à force d'attendre la personne qui leur ferait visiter Venise. 
Soudain, un homme d'une quarantaine d'années, à la peau ébène, arborant une chemise où les endroits emblématiques de Venise avaient été dessinés, surgit de nulle part, les bras en l'air.

Verlaine cherche RimbaudOù les histoires vivent. Découvrez maintenant