Vérone

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« Sans un remords, sans un regret, je partirai
Droit devant moi, sans espoir de retour
Loin des yeux, loin du cœur, j'oublierai pour toujours
Et ton corps, et tes bras et ta voix, mon amour
Et pourtant, pourtant
Je n'aime que toi. »

Et pourtant, Charles Aznavour


   La matinée à Vérone se résuma à visiter le Castelvecchio, et le pont Scaliger. Les élèves n'avaient pas apprécié particulièrement de voir un pont médiéval et d'entendre l'histoire de celui-ci par Roland, enfin débarrassé du guide de Venise. Le seul qui l'avait écouté attentivement avait été Vivien. Un groupe d'élèves s'amusaient à poser des questions personnelles à Vivien qui ne répondait qu'à moitié, quand ils se rendirent à l'église Sant'Anastasia. Ils lui demandaient s'il était en couple, comment il avait voulu devenir professeur et s'il aimait le voyage. Vivien faisait semblant qu'il était émerveillé par le paysage et les rues et faisait mine qu'il n'entendait pas certaines de leurs questions. Il les connaissait tous et ne supportait pas leurs questions. Lily avait perçu son malaise, mais n'avait pas pu l'aider. Il y avait toujours un groupe de ce genre dans une classe, de toute manière.

Dans l'église, le silence prit place, Vivien put enfin respirer un peu. Les décors étaient somptueux, coupant le souffle de Roland. Ils observaient sans un bruit, fascinés par le travail fait dans cette église. Les pas de Vivien résonnaient au milieu des bancs, et il s'arrêta devant l'autel Bevilacqua-Lazise, représentant l'Assomption de la Vierge. Le travail du marbre était fabuleux, le halo de lumière autour de sa tête, les nuages en relief, tout était bien plus grand que lui, tout semblait imposant. Il fit un pas en arrière, observant les peintures autour de la sculpture dans l'arc. Il déglutit, assez impressionné par le travail minutieux effectué et joignit la classe pour continuer la visite de l'église.

Ils étaient à présent assis dans un parc avec des bancs et des tables de pique-nique pour manger leur déjeuner. Madame Lambert et Madame Durand étaient en pleine conversation, sur ce qu'elles feraient lors de l'après-midi libre qui se trouvait être ce jour-là. Elles étaient quand même préoccupées par le fait de laisser les élèves seuls à déambuler dans Vérone. Mais Roland assura qu'il n'y avait aucun risque s'ils respectaient les délimitations et le point de rendez-vous en fin d'après-midi pour revenir à l'hôtel.

« J'ai pensé que l'on pourrait passer cet après-midi ensemble, proposa Roland à Vivien en se tournant vers lui pour ne pas que les deux autres professeures n'en entendent trop.

- Ça serait bien, oui. Tu veux aller où ?

- Au Giardino Giusti.

- Je ne connais pas.

- Un très beau jardin, je pense que tu vas beaucoup aimer. »

Vivien lui sourit, un peu intimidé par le fait qu'il allait rester seul, comme un rendez-vous avec Roland, en Italie, dans un jardin italien. Il en était devenu tout rouge.

Après avoir fini leur déjeuner et donner des instructions aux élèves, ainsi que leurs numéros, au cas où ils se perdraient dans la ville, ils se séparèrent tous dans les quatre coins de Vérone.

Le professeur d'histoire suivait celui d'italien, les mains dans les poches, tandis que ce dernier suivait une carte sur son téléphone pour arriver au jardin. Vivien ne savait pas du tout à quoi s'attendre, peut-être qu'il allait l'emmener dans un coin miteux et que son amour pour l'Italie lui ferait penser que ce serait magnifique. Vivien détestait ses pensées qui venaient tout gâcher à chaque fois, il secoua la tête et continua d'observer le dos de Roland, vêtu d'une chemise à rayures à manches courtes.

Verlaine cherche RimbaudOù les histoires vivent. Découvrez maintenant