- Romain André.
- Présent.
- Emilie Areski.
- Présente.
- Blanche Avillar.
- Présente.
- Adèle Bon.
- Présente.
- Paul Castillo.
- Présent.
- Clément Chevalier.
- Il est absent...
- Encore ? Le jour de la rentrée ?
- Oui, il a dit qu'il était malade.
- Bon, Julia Diaz-Garcia.
- Présente.
- Heini Dufresne-Andersen.
- Présente.
Nous étions 32 dans cette classe. Je venais de commencer mon année de terminale S, et j'étais nouvelle ici. Ma mère s'était décidée à quitter l'Alsace pour venir s'installer ici, en Auvergne. Je devais donc dire au revoir à mes amis et débarquer dans ce nouvel environnement hostile.
J'avais passé toute ma vie en Alsace. Ma mère avait eu ma garde lorsqu'elle avait divorcé de mon père alors que je n'étais qu'en primaire, quand elle a appris qu'il la trompait avec une des infirmières de son service. Sitôt divorcé, sitôt remarié. Pour mon père du moins, avec sa maîtresse, Charlotte. Ma mère n'enchaîna que les aventures désastreuses et puis elle finit par soit-disant trouver l'amour de sa vie en Auvergne, où elle fut rapidement embauchée dans un cabinet d'avocat.
Au moins, en Alsace, je pouvais voir mon père plus souvent. Médecin urgentiste, je n'en avais guère l'opportunité mais cela faisait toujours plaisir car il était plus facile à vivre que ma mère, qui travaillait souvent à la maison et qui s'en prenait à moi quand la pression était trop forte - c'est-à-dire tout le temps. J'entretenais une relation d'amour-haine avec ma demi-sœur Prune - je ne comprendrais jamais le choix discutable de ce prénom - mais une meilleure entente avec mon demi-frère Albin, que je voyais régulièrement. De plus, Charlotte était une personne très agréable et je ne lui en voulais aucunement d'avoir brisé le couple de mes parents, si un jour on avait pu parler d'un couple.
Dans mon ancien lycée, je faisais partie des marginales. Mais on nous laissait en paix, nous étions assez nombreux pour qu'on ne s'en prenne pas à nous, même si de nombreuses rumeurs circulaient à notre sujet, à propos de sacrifices à la pleine lune, ou à la nouvelle lune, dépendant des versions, de poupées vaudous maudites qui rendaient malades les professeurs désagréables ou bien même de danses de la pluie, comme si le climat nuageux de Strasbourg était de notre fait.
À côté de cela, j'avais toujours été appréciée des professeurs car très bonne élève. J'envisageais une carrière dans l'économie et la gestion mais au vue de mes notes excellentes on m'avait orientée vers une filière scientifique plutôt qu'économique et sociale, si jamais je souhaitais devenir médecin, comme mon père. De plus, j'étais trilingue. Mon père, Nicolas Dufresne, français de souche, et ma mère, Monika Andersen, danoise expatriée, m'avaient tout deux appris leur langue respective. Et depuis petite, on m'avait envoyée chaque année dans un pays anglophone pour que j'y apprenne la langue de Shakespeare, ce qui avait plutôt bien fonctionné. Mes parents, tous deux carriéristes dans l'âme, voulaient que je sois comme eux. Avocat, médecin, PDG d'une multinationale, ambassadrice de la France en Autriche, peu importait. Il fallait que je sois excellente et irréprochable. Et à côté de mes études, il fallait évidemment que l'on m'inscrive depuis mes 5 ans à des leçons de solfège et de violon. À présent j'étais inscrite à un orchestre, et même dans ce domaine j'excellais.
À partir de 10 ans, je commençai l'escrime puis j'arrêtai en entrant au lycée, par manque de temps. Je n'avais jamais gagné de compétition au niveau individuel mais mon club avait eu plusieurs fois la première place.
Cependant, s'il y avait bien un domaine qui me donnait du fil à retordre, c'était les relations sociales. J'avais toujours eu du mal à me faire des amis. Plus jeune, j'étais étrange. Je mélangeais parfois le français et le danois en maternelle, alors on se moquait de moi. En primaire, j'avais appris à différencier les langues mais j'avais moins de vocabulaire en français, ce qui m'obligeait à travailler encore plus que les autres, qui ne faisaient pas grand-chose avouons-le. Puis au collège, j'étais l'intello qui avait, en 4e, basculé du côté noir de la force en devenant gothique, bien que toujours première de classe, avec le maximum d'options possibles.
Bref, l'éducation que mes parents m'ont inculqué tournaient davantage autour de la réussite plutôt qu'autour de la vie en société. Et avec des parents trop occupés pour me donner de l'affection, j'étais ce qu'on pourrait qualifier de « socially akward ». Socialement inadaptée, si vous préférez, mais ça sonne mieux en anglais.
Ce premier cours était en compagnie de notre professeur principal, Monsieur Bensimon, professeur de physique-chimie, bien que ma spécialité fut les mathématiques.
Je ne fis pas la connaissance des personnes autour. On me regardait étrangement. J'entendais des chuchotements, comme quoi je serai la demi-sœur cachée d'une certaine Constance, une sorcière en Terminale ES.
Les jours passèrent et je tissais un certain lien avec Adèle, Gaëlle et Loïc, trois élèves de ma classe dont notre lien se limitait à de l'aide aux devoirs et des travaux en groupe. Au sein de ma classe, je n'étais pas détestée. Étant donné que j'aidais les personnes en difficulté, et que notre proximité avait pu balayer ces idées de sorcellerie loin derrière nous, cependant ma réputation aux yeux du reste lycée était une toute autre affaire. Notamment quand Mary, le vrai démon de ces lieux, reine auto-proclamée de l'établissement, décida de me prendre comme nouveau bouc-émissaire. Terminale L spécialité théâtre, madame était une actrice née. Elle aurait également fait une bonne politicienne. Elle avait persuadé le reste du lycée que j'avais ensorcelé ma classe à l'aide de Constance, que je n'avais pourtant croisé que deux fois dans les couloirs, et que j'étais dangereuse. Selon elle, j'aurai trempé dans diverses histoires de meurtres. Ce n'était que grâce à ma mère que je m'en serai sortie.
Je me faisais donc fréquemment bousculer dans les couloirs, cracher dessus et on publiait souvent à mon sujet sur les réseaux sociaux. Je le voyais quand je jetais un œil à ce que cette accro du téléphone de Gaëlle regardait.
Je n'étais pas sur les réseaux sociaux, heureusement pour moi, mais cela n'empêchait pas les rumeurs de se propager.
J'avais appris que Constance avait mauvaise réputation car ses parents dirigeaient l'une des pompes funèbres de la ville. Elle-même était gothique et propriétaires de nombreuses scarifications au niveau de l'intérieur de ses poignets, sûrement révélatrices d'une vie de famille peu aisée, ou du mal-être que pouvais engendrer le harcèlement scolaire. Elle était encore plus étrange moi. Elle proférait souvent des pseudo sortilèges pour faire fuir les gens et avait toujours la tête baissée, n'osant pas regarder les autres en face. Elle avait été le bouc-émissaire de Mary depuis le collège mais mon apparition avait dû susciter chez elle une envie de renouvellement.
Au fil des semaines, j'avais fini par devenir amie avec un groupe d'élèves qui avait ouvert un petit club de sciences. Bien que je préférai davantage toutes les questions d'économie et de politique, j'avais intégré ce club où je me sentais bien. Ici personne ne me jugeait et je pouvais regarder les cours des autres spécialités de sciences et ainsi progresser dans divers domaines. Le laboratoire était donc devenu, en quelque sorte, mon refuge.
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Poussière de fées
FantasyHeini est la descendante du célèbre Hans Christian Andersen. Cependant sa vie ordinaire de lycéenne n'a rien d'un conte de fées. Jusqu'en ce 21 juin, où elle se retrouve propulsée dans un monde parallèle où les histoires deviennent réalité. Elle se...