Le lendemain matin, j'enfilai mes vêtements de froid avant de sortir rejoindre le groupe dans le cour. On nous installa dans un carrosse, escortés par des gardes de la reine qui étaient à cheval.
Je demandai à prendre les rennes du carrosse. Je n'avais pas envie de rester à l'intérieur à ne rien faire et je voulais profiter de la vue, en particulier de la capitale. On m'y autorisa et Isaac se proposa pour m'y aider, sûrement plus pour éviter sa sœur que par bonté de cœur.
J'avais pris une couverture afin d'être au chaud, même dehors. Pendant les plusieurs heures où nous sommes restés ensemble, à guider les chevaux, il m'expliqua quelques petites choses au sujet de ce monde. Il était moins timide qu'au premier abord.
Isaac m'expliqua que grâce à la poussière de fées, nous étions capables de nous comprendre sans parler la même langue. Seul l'elfique et certaines langues magiques étaient hors de portée de la poussière.
La poussière de fées nous donnait une bonne traduction, adaptant les paroles à chaque personne.
L'apprenti du mage s'ouvrit également plus à moi qu'en début de voyage. Il me confia qu'il venait d'une contrée lointaine, Inheim. Une ville encore plus au nord que Lananda où vivaient un peuple issu des vikings du monde des mortels. Son père étant roi de Lananda, il avait dû partir d'Inheim avec sa sœur pour participer aux activités de la cour. Puis sa ville natale fut décimée par les hordes de barbares du sud. Maintenant il n'en restait plus rien. Cela avait l'air de l'attrister.
Il m'avait également dit qu'il passait des heures à lire des livres sur les sciences des mortels, comme la physique ou la chimie. Il aimait beaucoup ces sujets et aurait aimé pouvoir un jour venir dans mon monde étudier cela plutôt que de continuer son apprentissage de magicien, mais il me donnait l'air de ne pas avoir le choix.
- Pourquoi est-ce que Robin t'en veut autant ? Il me dit que tu es un être maléfique et manipulateur.
- Je ne sais pas. Pour tout dire, c'est plutôt l'inverse. Depuis que je suis arrivée à Almoth pour commencer mon apprentissage de mage, je ne savais même pas qui il était qu'il avait déjà décidé que je serai son bouc-émissaire. Je n'ai rien fait à part riposter.
- Il n'a vraiment pas une raison ? Un différend avec ta sœur ?
Il se mit à rire.
- Ma sœur a des différends avec tout le monde, en particulier les elfes. Mais s'il est assez stupide pour s'en prendre à moi alors que c'est à ma sœur qu'il en veut réellement... il ferait mieux de grandir.
Ces simples phrases remirent en question tout ce que m'avait dit Robin auparavant. Je ne savais plus quoi penser.
Nous pouvions voir la grotte, juste derrière une maisonnette en ruines et noircie par un incendie.
À la vue de la caverne - ou de la chaumière brûlée ?...fondue ?! - je sentis Isaac se raidir à mes côtés.
Je descendis du carrosse mais je ne savais que faire. Alors je restai immobile en attendant que les autres personnes n'entrent dans la grotte.
- Ça te rappelle de bons souvenirs ? Fit Callan en pointant la chaumière.
Isaac accéléra le pas et entra dans la grotte en baissant la tête, comme s'il voulait éviter le sujet.
Je regardai furtivement en direction de l'étrange cabane qui semblait avoir fondu, comme si elle n'était pas faite de pierres, de bois ou de paille, mais d'un matériau plus inhabituel...
Les gardes s'écartèrent pour nous laisser passer.
Le nombre de sentinelles au mètre carré était assez impressionnant. Comme si chaque soldat avait pour mission de garder une petite parcelle de mur. Nous n'aurions pas pu passer sans l'aide de Callan.
La grotte était assez étroite et nous devions nous mettre à la file indienne pour pouvoir se frayer un chemin tandis que les gardes se collaient aux parois.
Nous débouchions ensuite sur une vaste salle. Des stalactites menaçaient de tomber à tout moment du haut plafond sur la luxurieuse végétation qui avait réussi à survivre dans cette grotte. Le centre du plafond était percé, laissant filtrer un rayon de lumière arrivant tout droit sur le rocher où une épée était plantée. Le rocher surplombait le reste de la grotte du haut de sa butte en pierre. Des escaliers avaient même été sculptés dans la roche, comme si cette grotte était faite pour accueillir cet artefact. À moins qu'elle n'ait été décorée après l'avoir accueilli.
Il n'y avait cependant pas beaucoup de place en haut de la butte pour que toute notre troupe puisse y monter.
- Alice et Heini, allez-y, nous convia Merlin.
Nous montâmes alors toutes les deux les marches, afin de savoir qui était l'élue. Je la regardai d'un air inquiet. Elle n'avait pas l'air plus rassurée. Cette épreuve allait définir qui allait avoir le plus de responsabilités dans cette histoire.
Nous arrivâmes devant le rocher, devant Excalibur. C'était une belle épée à une main, où un dragon avait été dessiné dans la garde. Cette garde était d'ailleurs sertie de pierres précieuses.
Ni Alice ni moi n'osâmes toucher l'épée.
- Tu commences ? Demandai-je à Alice.
- Non, vas-y.
Ma tension monta d'un seul coup. J'approchai ma main tremblante de la garde de l'épée pour essayer de l'en extirper. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Si j'arriverai à la sortir, ou pas...
Je tirai dessus. Elle ne cilla pas. J'essayai plus fort. En vain. L'épée ne voulait pas bouger. Je me sentais à la fois honteuse de ne pas être l'élue mais également soulagée de ne pas avoir à supporter autant de responsabilités.
Alice n'avait pas l'air tranquille, ni d'avoir envie d'assumer ce rôle. Mais elle fit tout de même ce qu'on attendait d'elle : prendre l'épée. Je la vis trembler, puis se décomposer quand elle n'y arriva pas elle non plus. Elle essaya de nouveau, cette fois-ci en y mettant plus de puissance et de la même façon que moi, ce fut inutile.
Elle envoya des signaux de panique aux personnes qui se situaient en bas. Merlin se pencha vers Mélodie et lui murmura quelque chose. Après cet échange de parole, elle monta nous rejoindre :
- Je viens examiner l'épée.
Elle s'approcha et passa sa main sur la roche, sur l'épée. Elle regarda en détail l'intersection entre l'arme et le roc puis colla son oreille dessus, tout en toquant sur la pierre.
- Ce n'est pas la vraie épée. D'ailleurs, cette réplique n'est même pas plantée dans la pierre : c'est un bout d'épée collée dessus par un sortilège. Et le véritable objet est serti de rubis, et non de quartz rouge.
Nous redescendîmes. Elle fit un compte-rendu à Merlin dont la mine s'assombrit.
- L'épée a donc été volée.
Robin ne put retenir un ricanement.
Quant à Callan, qui n'avait pas l'air de tout suivre, avait un regard vide. Comme si elle écoutait quelqu'un lui parler. Tout à coup, elle sembla revenir dans le monde réel. Elle secoua la tête et nous fixa d'un air perdu avant de crier en nous pointant du doigt :
- Enfermez-les !
Je ne compris pas. Pourquoi nous enfermer ?
Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je vis Callan presser un bout de mur, comme un bouton, et j'eus l'impression que le plafond s'écrasait contre mon crâne.
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Poussière de fées
FantasíaHeini est la descendante du célèbre Hans Christian Andersen. Cependant sa vie ordinaire de lycéenne n'a rien d'un conte de fées. Jusqu'en ce 21 juin, où elle se retrouve propulsée dans un monde parallèle où les histoires deviennent réalité. Elle se...