Brûlant brasier

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Le hurlement de Nicolas avait résonné dans tout Ador, avait fait trembler les murs, disparaître les dragons et sa voix était même passée au dessus des coups de canon. Il se laissa tomber à genoux, devant le cadavre de son meilleur ami. Un corps à présent carbonisé mais ce n'était pas suffisant. Le souffle court, la respiration rapide, Nicolas posa ses deux mains sur le torse inerte d'Archibald. Ses lèvres étaient retroussées, ses larmes noyaient ses yeux, brouillaient sa vue.

— Repose en paix... mon frère, souffla Nicolas.

Il inspira profondément et ferma les yeux, ses larmes coulèrent alors d'elles-mêmes, humidifiant ses joues mais sans jamais calmer la chaleur en lui. Il hurla de nouveau, si fort que ses dragons rugirent et disparurent derrières les falaises, laissant alors un moment de répit aux soldats qui luttaient pour survivre tandis que les hommes de Hugon se battaient avec acharnement et volonté.

À bout de souffle, Nicolas baissa la tête et bien rapidement, entre ses doigts brûlants ne se trouvaient plus que des cendres qui s'envolèrent au souffle du vent. Il resta ainsi, agenouillé devant son ami parti en poussières, tout cela par ses mains. Les yeux dans le vague, Nicolas serra les deux poings, pour garder une partie d'Archibald sur lui, écrasant les cendres grasses sur sa chair moite.

Yselda gardait sa main sur sa bouche, le visage inondé de larmes. Elle avait assisté à cette scène, impuissante, ses yeux grands ouverts, elle fixait Nicolas, son amour...

— Tu veux toujours te battre avec moi ? demanda Nicolas sans même la regarder les poings restés serrés.

Doucement, elle retira la main de sa bouche, le menton tremblant, le cœur meurtri.

— Ou peut-être bien que tu veux me fuir, reprit-il en levant ses yeux plus jaunes que jamais vers elle.

Il la terrifiait à vrai dire mais devait-elle réellement avoir peur de lui ? Il ne lui avait jamais fait de mal, en réalité, Nicolas n'avait jamais voulu faire de mal à personne mais le destin en avait décidé autrement. Il se releva, quelques fines mèches de cheveux commençaient à retomber sur son front, rappelant à l'intrépide le jeune garçon qu'elle avait suivi dans un long périple éprouvant il y avait huit ans de cela. Le sauvage, comme l'appelaient beaucoup de villageois à Paraviel et Ador. L'enfant du Ciel, pour le peuple de Hargon. Le Maître des Dragons, à Ilenn.

— Je n'ai pas peur de toi... souffla-t-elle en essuyant ses larmes d'un revers de la main.

Il ne dit rien, dans ses iris se dessinaient des flammes, une impression qui fit frisonner Yselda.

— Je souffre, marmonna-t-il en ravalant ses sanglots. Je suis fatigué.

On pouvait ressentir toute sa haine, toute cette fatigue qui pesait sur ses épaules et cette peine terrible d'avoir perdu Archibald. Il se souvenait encore de ce gringalet fouineur et voleur à sa porte, bavard comme il était, très tôt le matin à lui faire croire qu'il était écuyer. Ce même idiot qui s'était foulé la cheville bêtement, qui avait peur des dragons et qui pourtant en était fasciné. Cet ami qui avait permis à un dragon de voler. Ce jeune garçon de seize ans devenu un homme et chevalier, mort en héros pour sauver la femme qu'il aimait.

Yselda s'approcha de lui doucement, d'un pas hésitant.

— Je le sais...

Elle posa sa main sur sa joue brûlante, elle en fut même surprise, c'était encore plus intense que la fois où ils s'étaient liés d'amour. Elle lui fit relever les yeux vers elle, pour qu'il la regarde et qu'il reprenne conscience que tout n'était pas terminé.

— Faisons en sorte qu'Archibald ne soit pas mort en vain, restons en vie pour lui.

Il hocha la tête, Yselda voulut parler mais soudain, une terrible douleur la tirailla, elle recula d'un pas, se pencha en avant et serra son ventre de ses mains. Elle ouvrit grand la bouche et poussa un cri de douleur étouffé.

Le Maître des Dragons : La Vallée OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant