La dernière danse du Dragon

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L'aigle survolait les plaines, poussait son fameux cri qui ne pouvait que résonner autour de lui, prévenant ses proies de son arrivée. Tous les paysages qu'il survolait étaient magnifiques. Tout être humain aurait rêvé de pouvoir les voir de si haut.

Il survola les océans, suivit le cours des rivières, plana au dessus d'immenses arbres puis, pour finir, traversa un village fantôme.

Les murs de l'endroit étaient, pour la plupart, détruits. Les bâtisses jadis entières n'étaient plus que ruines et tas de poussière. Dans les rues de pavés demeuraient encore des stands de marchés d'antan, des restes de cadavres rongés par les charognards. Une épaisse brume inquiétante dominait les lieux, comme des résidus des fantômes du passé.

L'aigle passa l'entrée du village, sous une grande voûte de pierre dévorée par le lierre, sur laquelle, à l'extérieur était gravée à la main : HARGON.

Il dévala la vallée, les ailes grandes ouvertes. La nature ici demeurait intacte, un triste contraste avec le village sur la colline. L'herbe était verdoyante, le cours d'eau chantait sans s'arrêter, les nuages jouaient avec leurs ombres sur les arbres garnis de feuillages épais et les montagnes semblaient grandir plus le soleil se cachait derrière leur sommet.

L'aigle se posa finalement sur la terre encore humide des pluies incessantes des mois précédents, gorgée d'eau comme une éponge. Il replia ses ailes contre son dos habillé de plumes brunes et picora les vers qui grouillaient sous la terre. Là où l'oiseau se trouvait semblait être une grosse crevasse, comme la marque d'un passage. L'herbe avait été aplatie, voire même arrachée à certains endroits et il fut facile pour l'animal d'attraper ses proies. Mourant de faim, il ne pouvait que se résigner à grignoter les quelques vers qui habitaient encore cette terre humide.

Cette marque était une trace, une empreinte.

Celle d'un énorme prédateur.

Un Dragon.





À des kilomètres de là, alors que la chaleur de l'été touchait à sa fin, sur de hautes falaises, dans les rues du Royaume, résonnait une musique entraînante, les percussions d'un bodhran sur lequel on s'amusait à taper pour donner un rythme et les chants d'un jeune homme à moitié ivre, sans oublier les claquements des semelles sur le plancher, tous en rythme, tous en cœur, ils chantaient à tue-tête.

Dans cette Taverne très fréquentée, la fête battait son plein, l'alcool coulait à flot et la viande soûle ne faisait que croître.

— Je te défie de boire cette chope cul sec et si tu vomis, tu dois monter sur la table et faire la danse la plus ridicule que tu connaisses.

— Je te défie de monter sur cette table et de dévoiler à tous ces messieurs que tu es un lamentable danseur et un très mauvais joueur. Le peu de respect qu'ils te portent encore disparaîtra.

Yselda regardait son adversaire droit dans les yeux, un sourire narquois aux coin des lèvres. Elle n'était pas ivre, enfin... peut-être un petit peu mais elle tenait mieux l'alcool que la plupart des hommes de la Taverne et Archibald, quant à lui, n'était pas très bon à ces jeux-là. Pourtant, depuis quelques temps, il ne cessait de la défier et perdait toujours. À croire qu'il appréciait perdre l'estime de ses camarades.

— Pour qui me prendraient-ils si je me permettais de faire ça ? grogna le jeune homme.

— Pour un idiot doublé d'un imbécile, mais ce serait plutôt amusant. Tu ne te souviens pas ? La semaine dernière, tu leur a dévoilé quelques uns de tes talents cachés...

— Comme quoi ?

— Ton art pour la comédie dramatique. Au lieu de les faire pleurer à chaudes larmes, tu les as fait rire aux éclats avant de t'effondrer dans un coin de la pièce et d'y rester dormir toute la nuit.

Le Maître des Dragons : La Vallée OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant