Et les Dragons ?

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    Archibald se laissa tomber à genoux. À vrai dire, ses jambes s'étaient dérobées sous son corps endoloris lorsqu'il comprit face à qui il se trouvait. Son cœur battait si fort contre sa poitrine, ses membres étaient envahis de fourmillements. Si seulement il n'y avait pas eu ces barreaux, il se serait jeté sur lui pour l'étreindre de toutes ses forces. Il se pinça, pour être certain de ne pas rêver. Mais rien ne changea. Nicolas se trouvait face à lui, de l'acier et une allée boueuse les séparant.

À la simple lueur des bougies, il était difficile de savoir s'il avait bel et bien changé. Ses cheveux avaient poussé, ils étaient si longs qu'ils tombaient sur ses épaules, ils étaient gras et emmêlés, sa barbe était sombre et garnie bien qu'elle n'était pas aussi longue que celle de Hugon. Son visage restait marqué par son passé et ses yeux n'avaient guère changé, peut-être seulement avait-il pris de la maturité dans le regard. Il était vêtu d'une chemise crasseuse et d'un pantalon déchiré, dépourvu de sandales.

— Comment as-tu pu survivre ? souffla Archibald.

Nicolas s'accroupit et entoura les barreaux de sa cellule avec ses mains pour se retrouver à la même hauteur que son ami.

— Et toi ? Comment as-tu pu arriver ici ? demanda-t-il.

— Je me souviens seulement m'être battu sur le bateau du jeune Seigneur... je me suis pris un coup en pleine figure par une espèce de brute et c'est le trou noir jusqu'à aujourd'hui.

— C'est à peu près la même chose pour moi, avoua Nicolas. Je me rappelle de Djafar et son regard... je me souviens de la douleur et... je me suis réveillé, bien loin de tout ce que je connaissais. Une femme s'est occupée de moi, elle a pansé mes blessures, m'a nourri pendant des mois et des mois. Je ne bougeais pas, j'étais réveillé et endormi à la fois.

Nicolas marqua une pause et lui jeta un regard. C'était troublant de faire de nouveau face à ces yeux dorés, à ce regard intimidant.

— Tu sais que si tu ne remets pas ton nez en place rapidement, il risque de s'infecter ? reprit-il. Tu garderas un nez tordu pour le restant de tes jours si tu ne meurs pas d'une infection avant.

— Si je reste enfermé ici, qui d'autre que toi verra mon nez ?

Nicolas esquissa un faible sourire presque imperceptible puis se releva. Archibald sursauta lorsqu'il sentit une main sur son épaule. C'était le vieillard qui s'agenouilla près de lui. Il lui serra les épaules et le regarda droit dans les yeux. Lui en avait un blanc, certainement aveugle et l'autre était de la même couleur que ceux d'Archibald, bruns et profonds.

— Bouge pas gamin, ordonna-t-il.

Il pinça le nez d'Archibald qui commença à gémir et vouloir se relever en s'accrochant aux barreaux. La douleur était vive, remontant jusque dans son crâne.

— Un... deux...

D'un seul coup, le vieillard tordit le nez d'Archibald qui poussa un long hurlement. Il avait serré les poings et avait fermé les yeux. Une larme coula toute seule sur sa joue et sa respiration s'était accélérée. Le craquement qu'avait émit son nez en avait été écœurant. Quand il rouvrit les yeux, il sentit du sang couler de ses narines, il l'essuya d'un revers de la manche et cligna plusieurs fois des paupières pour stopper les larmes qui s'invitaient toutes seules.

— Voilà, maintenant va te débarbouiller, dit le vieillard en se redressant difficilement.

Archibald se releva et tituba jusqu'à la bassine d'eau trouble qui se trouvait dans un coin de la pièce. Il y plongea ses mains et s'arrosa le visage tout en poussant quelques râles. Il s'essuya à l'aide de sa chemise et se laissa glisser contre le mur tout en poussant un profond soupir.

Le Maître des Dragons : La Vallée OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant