Chapitre 11: Hadriès

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Le tintement des chaînes résonnaient depuis la cave. Zed était enragé. Il cognait ses poings contre les murs faisant vibrer la maison sous nos pas. Ses hurlements perçaient les cloisons pourtant as-sonorisées du sous-sol. Et le moindre de ses cris me faisait frissonner d'effroi. Jamais Zed n'avait mis autant de temps à reprendre sa place. Plus les heures s'écoulaient et plus nous craignions, Sophie, Madeleine et moi, que cette fois-ci, la bête ait enfin gagné.

Installés dans le salon, nous patientions, nerveux, que le calme revienne. Nous avions passé la nuit entière à assister Madeleine dans ses concoctions. La potion d'humeur nous pris un temps fou à réaliser. Le sortilège étant pourtant minime, il n'en était pas moins ardu à concocter. Puis vinrent les potions d'agissements. Elles permettaient, une fois nos vœux inscrits sur un morceau de parchemin et plongés dans la mixture, de les réaliser. Ainsi, nous avions ruiné l'appartement du catalyseur, altéré l'humeur de son patron, agis sur tout son entourage, dans l'espoir de le voir rappliquer au plus vite. Les heures étaient comptées. Zed allait bientôt céder sa place, définitivement.

Pour passer le temps, j'observais les détails changeant du salon. Sous les briques des murs, sortaient de petites lianes d'où fleurissaient de sombres compositions florales. La maison des Devis regorgeaient de sortilèges. Elle était une âme à elle toute seule et avait la particularité de refléter l'humeur de ses maîtres. Les changements étaient subtiles la plupart du temps. Les pièces pouvaient être plus obscures ou lumineuses selon si Madeleine était maussade ou joyeuse. Les objets décoratifs oscillaient d'une couleur à l'autre, les odeurs se faisaient plus ou moins agréables. Aujourd'hui, la maison était sinistre. Les branches fissuraient les murs en d'odieux craquements, poussant toujours plus épaisses et épineuses. A peine les fleures noires fleurissaient-elles, que leurs pétales se fanaient sur le sol comme les feuilles sèches de l'automne. Bientôt, le salon fut recouvert d'un tapis de cendre, et le plafond reflétait une nuit brumeuse et sans étoile. L'humeur de Madeleine était ténébreuse et amer. Elle craignait ne plus revoir Zed. Elle, la maman capricieuse aux instincts protecteurs, était terrifiée à l'idée de le perdre. Nous l'étions tous.

Pourtant, je mettais mes propres peurs de côtés et quittai mon siège fétiche pour la rejoindre. J'aimais me battre avec Madeleine, j'adorais la mettre en colère et réveiller sa fureur enfouie. Mais, si il y avait bien une chose que je ne supportai pas, c'était qu'un autre que moi puisse en être à l'origine. J'avais le droit de jouer de ses humeurs. Moi et moi seul.

Lorsque je fus debout, Madeleine leva deux yeux ronds dans ma direction. Assise en tailleurs à côté de la cheminée, elle m'observait d'un regard empli de désespoir. Elle adorait Zed. Elle l'aimait comme un frère. Et moi aussi. Si la maison avait répondu à mes propres humeurs, elle serait à cet instant pulvérisée.

-Ta main, misérable confectionneuse... Demandai-je, la mienne, tendue dans sa direction.

Son regard se fit plus sombre encore et je vis ses lèvres charnues se pincer de colère. Pour autant, elle fit ce que je lui demandais et glissa ses doigts potelés dans ma paume. A peine furent ils en contact avec ma peau, que j'emprisonnais ses doigts des miens et attirai leur propriétaire jusqu'à moi. En un instant, Madeleine fut debout. Sa voix se perdit dans un souffle, alors qu'elle ravalait une réplique que je devinais acerbe. Sans un mot, je la tirai jusqu'à moi, reculant prudemment jusqu'à mon siège. M'y installant de nouveau, je lui fis une place sur mes genoux, où son corps tout en courbe se lova. Le nez niché dans mon cou, Madeleine respira fort, comme pour retenir des pleurs imminents. J'en profitai pour refermer mes bras autour de ses hanches en une étreinte protectrice et rassurante.

Madeleine et moi aimions nous faire la guerre. Mais, ce que je préférais par dessus tout, et je ne lui aurais dis pour rien au monde, c'étaient nos instants de paix.

Le Cercle de MoonstoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant