Chapitre 1 : Hadriès

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Moonstone, 18 ans plus tard.


-Combien de langues de corbeaux te faut-il encore ? Je demandai à Madeleine, impatient, alors que la marmite dans laquelle infusait sa concoction se mit à frémir.

-Oh ! Ce sera suffisant Hadriès ! Encore une de plus et on risque de faire exploser le quartier entier. Repose donc le bocal sur l'étagère, et surtout, fais bien attention aux queues de rats séchées, elles viennent de ma grand mère et sont extrêmement rares.

Sans blague... Y avait qu'à voir leur état de décomposition extrême pour comprendre que leurs propriétaires avaient passé l'arme à gauche depuis des siècles déjà.

Dégoûtant...

Je n'avais jamais compris pourquoi les confectionneurs étaient si fiers d'être nés ainsi. Il ne se passait pas un jour sans que Madeleine ne se vante de sa condition. Qu'y avait-il de si honorable à posséder autant de vieilleries? Si je ne vivais pas dans le manoir de ses pères depuis maintenant deux ans, louant l'une de leurs chambres à un prix dérisoire, je lui aurais déjà fais savoir mon avis sur la question.

Parce qu'à mon sens, les mages les plus respectables étaient les songeurs. Nous avions entre nos mains le don le plus précieux. Celui de connaître l'avenir au travers de nos rêves. Et moi, l'avenir, j'en avais une vague idée. Il n'était que cendres, hurlements et damnations. Ma caste le savait depuis maintenant des années, le futur était compromis. Pire encore, nous avions beau tout faire pour dévier le destin de sa trajectoire, l'issue restait inévitablement la même. Comme si cette fin, cet ultime jour, quelque soit le chemin emprunté, serait funeste.

Quelles genres de potions sommaires et autres mixtures auraient bien été capables de défier l'ombre ? Aucune.

-Apporte-moi l'ingrédient ultime Hadriès, et soit prudent, la poudre d'orme est délicate. Si tu la secoues trop, elle se liquéfie, et nous n'aurions plus qu'à recommencer tout depuis le début !

Je poussai un soupire agacé, réveillant son sourire moqueur. Madeleine pouvait être une véritable peste quand elle le voulait, et même si je peinais à me l'avouer, c'était l'un des traits de caractère que je préférais chez elle. Et de loin.

L'œil rivé sur son étagère richement remplie, je balayais les petites fiches cartonnées et tâchées de traces de doigts, à la recherche de son ingrédient mystère.

Je n'avais pas souvent côtoyé de confectionneurs dans ma jeunesse, mais je pouvais dire avec certitude que la collection de Madeleine et de ses pères était l'une des plus extraordinaire de tout le pays. Il faut dire que ses pères étaient constamment en voyage à l'autre bout du monde. Je doutais qu'une ville leur ait été inconnue. Et à chaque retour, leur bras étaient garni de trouvailles prêtes à rejoindre l'étagère maintenant surchargées.

C'est pourquoi je mis un certain temps avant de repérer, sur la dernière planche, la poudre d'orme. J'avais beau faire 1m80, il m'était impossible de l'atteindre sans utiliser le petit escabeau de bois. Si j'avais été un un chuchoteur, une simple incantation aurait suffit à m'élever de quelques centimètres, mais heureusement pour moi, je ne détenais pas cette magie. Si on oubliait le maléfice qui pesait sur cette caste depuis un demi-siècle, elle demandait quoiqu'il arrive beaucoup trop de prudence. Non, moi, je n'avais hérité que du don d'illusionniste. Chaque mage, qu'importait sa caste, se voyait doté d'une particularité en plus. Comme une option. Cela pouvait être la télékinésie, la télépathie, le don de lien, permettant d'agir sur les relations, la télé-transportation et bien d'autres aptitudes encore. Madeleine, elle, mage confectionneuse, avait hérité du don de métamorphose.

Le Cercle de MoonstoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant