Le Cercle de Moonstone

Chapitre 3: Zed

La pluie fouettait mon visage alors que j'arpentais les rues sombres de Moonstone. Les pavés irréguliers de la ruelle commençaient doucement à être inondés, formant des flaques d'eaux luisantes, d'où ma silhouette se retrouvait inévitablement reflétée. Reportant mon regard droit devant moi, je réajustai la capuche de mon sweat noir sur mes cheveux maintenant trempé et tentai de calmer les battements frénétiques de mon cœur en accélérant mon pas. C'était totalement contradictoire, et je le savais. Mais le seul moyen que j'avais trouvé pour faire taire cette voix qui grondait inlassablement en moi, était de sortir prendre l'air et de marcher. Errer sans but, dans les rues, me perdant dans les quartiers de Moonstone, la tête baissée et le regard rivés sur mes chaussures en mouvement. Ce balancement régulier avait un effet apaisant sur moi, comme le ferait un médaillon que l'on pend sous notre nez avant une séance d'hypnose. Suivre mes pas, et en compter le nombre, me permettait d'oublier, un temps, qu'en moi vivait un monstre contre lequel je n'aurais bientôt plus la force de me battre. J'avais beau le tenir en laisse la plupart du temps, je sentais que chaque jour, il gagnait du terrain. Plus lentement que chez d'autres grâce aux concoction de Madeleine, mais à part ralentir le mal, rien n'aurait jamais pu être en mesure de l'arrêter. Il ne me restait alors qu'un espoir. Un unique. Et ce soir, je saurai si cet espoir avait une raison de subsister, ou si au contraire, il allait m'abandonner définitivement.

5999, 6000, 6001, 6002, 6003...

Cela ne faisait qu'une demi heure que je vagabondai dans les rues de Moonstone, comptant mes pas. Et je savais qu'il me fallait encore le triple pour oser prétendre aller mieux. Alors je poursuivais ma course, sans interruption, sans penser, ignorant la voix qui hurlait en moi son envie de commettre le pire.

7250,7251...

Voilà ce que l'ombre avait fait de moi et de tout les membres de ma caste : Des monstres. Comme n'importe quel être vivant, humain, animal ou mage, nous étions tous, à l'origine, doté d'un esprit dit « équilibré », composant avec un mélange de gris plus ou moins sombre. Nous n'étions jamais tout à fait blanc, jamais tout à fait noir. Jamais tout à fait bon, jamais tout à fait mauvais. Mais depuis la malédiction, l'esprit des chuchoteurs était divisé, leur équilibre avait été rompu. Ne cohabitaient entre eux non plus un seul être, mais deux entités bien distinctes. Plus aucune nuance de gris ne les composait. Ne restaient que le bien ou le mal. Que le blanc ou le noir. Pas d'entre deux. Et le noir, cette part sombre et odieuse qui ne cessait de m'attirer à elle, était née pour servir l'ombre. Elle ne demandait qu'une seule chose, que je tue. Que je commette l'irréparable, pour elle, pour lui prêter allégeance, pour rejoindre enfin ses rangs. Je la combattais autant que possible, mais bientôt, elle gagnerait.

12780, 12781, 12782...

Le soleil s'effaçait lentement sous la couche épaisse de nuage et la brume de Moonstone s'élevait enfin. Je ne voyais plus mes pieds sous ce brouillard, mais j'entendais encore le claquement de mes bottes de cuir se fracasser contre les flaques d'eau. L'odeur de la nuit, humide et épaisse, s'éveillait au même moment, rendant l'atmosphère pesante et inquiétante pour quiconque ne serait pas moi. Un chuchoteur n'avait rien à craindre d'un autre chuchoteur, même si celui-ci avait déjà été bouffé depuis longtemps par sa part sombre. L'ombre savait que même les plus robustes des miens finiraient par lui céder, aussi, elle ne voulait sacrifier aucun d'entre nous : Ses serviteurs en devenir. Elle patientait. Alors, même si la nuit venait de tomber, je ne risquais aucune mauvaise rencontre. Là était mon seul avantage à être né chuchoteur. Pour les sages, les songeurs et les confectionneurs, sortir à la nuit tombée aurait été du suicide, car l'ombre, comme elle portait si bien son nom, et ses disciples, ne pouvaient agir que la nuit. Dans le noir, avec seule la lune pour témoin.

19548, 19549...

Il était temps. Je ne savais pas qu'elle heure il était, mais au bout de 20 000 pas, comme toujours, j'étais suffisamment apaisé et concentré pour contenir la bête en moi. Évidemment, je continuais de me battre sans relâche, chaque seconde, sans jamais me détourner d'elle de crainte qu'un moment d'inattention ne lui soit profitable pour prendre ma place. Mais le combat était moins ardu. Il m'apparaissait plus réalisable après une longue balade.

19999, 20000, 20001...

Et j'arrivais enfin devant la petite maison de bois de Madeleine. Dans une ruelle étroite enfoncé au cœur du centre ville, cette maison modeste, mitoyenne aux deux grandes bâtisses qui l'encerclaient, semblait minuscule. Mais comme n'importe quel élément né de la magie, il ne fallait jamais se fier aux apparences. De visu, ellen'était rien d'autre qu'une cabane perdue dans la ville. Mais son intérieur était aussi majestueux et spacieux que l'était un manoir de campagne. C'est ici que je louais ma chambre depuis deux ans maintenant grâce à l'héritage de mes parents. Les pères de Madeleine, étant la plupart du temps en vadrouille au quatre coins du globe, avaient acceptés d'accueillir des âmes esseulées dans leur foyer. Et c'était ce que nous étions tous les trois. Hadriès, Sophie et moi. Seuls. Des mages devenus orphelins par la force des choses. Des mages ne pouvant compter sur personne d'autre que sur eux-même. Jusqu'à il y avait deux ans. Jusqu'à ce que nous formions notre cercle.

Lorsque je franchis la porte de la maison, j'arrêtai le compte à 20024 pas et remettais les compteurs à zéro.

-Zed ! Tu es enfin là ! Tout vas bien ? M'accueillit Madeleine,un sourire inquiet dévorant son visage potelé.

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Voici le chapitre 3 :)

Vous venez de rencontrer ZED cette fois-ci... Eh oui... Il y aura pas mal de personnages :) J'aime l'idée qu'il n'y ait pas qu'un Héros mais plusieurs... :) Pour que chacun trouve celui qui lui ressemble le plus :)

Allez... Encore deux chapitres et je m'arrête :)

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