Note de l'auteur : Le prologue est à la deuxième personne du pluriel vous insérant dans ce souvenir, cela peut paraître un peu dérangeant, MAIS ne vous en faites pas, la suite de l'histoire sera à la troisième personne du singulier (je voulais changer des histoires, certes bien à lire, écrite à la première personne), car je veux vous faire comprendre ce que tout le monde peut ressentir dans certaines situations de la vie, et non pas uniquement les personnages principaux, sans passer forcément par des pdv.
Bonne lecture !
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Certaines femmes frappaient sur des bendirs, d'autres de leurs mains seulement, mais toutes chantaient la joie d'un nouveau mariage.
L'odeur des encens sous la tente envoûtait les convives, vous entraînant, vous, dans un univers tout à fait fantaisiste, comme si vous vous trouviez dans ces endroits digne d'un conte des Mille et Une Nuits ; les voix de ces femmes joyeuses vous assourdissaient ; la chaleur d'été mêlée à la chaleur humaine sous la tente vous terrassait. Cependant, il fallait tenir bon jusqu'au moment de servir le dîner fastueux, puis vous pourrez enfin vous reposer un instant.
Votre sœur fut la reine de la soirée, assise sur son trône doré, un voile blanc ornant sa chasteté, les mains joliment décorés de henné, les yeux pétillants à l'idée de devoir commencer une nouvelle vie aux côtés d'un homme avec qui ils ne feront plus qu'un, mariés ici, dans la Dunya, et, par la Grâce et la Volonté du Tout-Puissant, unis au Jannah. Vous souriez à la vue d'un aussi beau tableau. Vous l'enviez un peu également, mais pas dans le sens négatif, car vous êtes une femme aussi, et vous avez toujours rêvé, un jour, d'occuper cette place aujourd'hui occupée par votre sœur.
Votre mère vous fait appeler et vous vous pressez à la rejoindre à l'extérieur de la tente. Elle vous demande si vous allez bien, vous lui répondez que oui, al-hamdulillah. Elle vous dit ensuite de la suivre jusqu'à une tente voisine, où votre famille avait fait amener, plus tôt dans la journée, tout un mobilier de cuisine, là en pleine campagne marocaine, le temps d'une nuit. Des femmes se pressaient aux fourneaux, faisant remuer de grandes cuillères dans les marmites, et décoraient les premières assiettes destinées au festin. Vous les observez, ces nobles femmes, sueurs au front, manches retroussés et vêtements tachés de sauces, vous éprouvez un grand respect à leur égard. Au bout d'un certain temps, on vous envoie apporter la première assiette à la mariée en guise d'ouverture pour le dîner. On vous demande si ce n'est pas trop lourd, vous rassurez votre mère avant de la quitter.
En entrant dans la tente, les chants se turent dans l'immédiat, le silence régnait à votre passage entre les invités. Vous vous rendez chez votre sœur, elle qui vous regardait le sourire aux lèvres. Vous déposez l'assiette devant elle. Elle vous remercie avant de vous chuchoter à quel point elle vous aime. Vous embrassez son front, car après tout, c'était votre grande-sœur, et vous l'aimiez tout autant, si ce n'était plus. Vous vous levez et vous appelez vos cousines afin qu'elles vous aident à servir le dîner. Vous avez fait plusieurs aller-retours. Vous vous rendez une dernière fois en cuisine afin de savoir si on avait encore besoin de vous, on vous répondit que non, alors vous retournez dans la tente principale. Toutefois, vous n'entrez pas tout de suite, vous demeurez un instant figée à l'entrée.
Vous contemplez l'intérieur de la tente, le regard balayant l'ensemble des invités. Les femmes mangeaient à même le sol, comme à l'ancien temps. Vous êtes nostalgique d'une époque que vous n'avez jamais connue, une époque loin de toute forme de modernité. Vous inspirez et vous pénétrez la tente du pied droit, après avoir dit bismillah.
Vous vous asseyez près de votre sœur, et votre mère vous a rejointes peu de temps après. Vous commencez à manger jusqu'au moment où vous remarquez que le pain de votre sœur est encore intact. Vous avalez la nourriture qui se trouvait dans votre bouche, et vous vous rapprochez un peu plus de votre sœur lui demandant si tout va bien. Elle vous répond qu'elle ne s'était jamais sentie aussi bien jusque-là, al-hamdulillah, seulement qu'elle n'avait pas d'appétit à cause de l'excitation et de la peur qui montaient en elle. Vous lui demandez de quoi donc a-t-elle bien peur, et elle vous avoue, après une bonne minute de réflexion, qu'elle était terrifiée de l'avenir et surtout de l'inconnu. Vous souriez avec bienveillance et vous la rassurez en lui disant que tout ira bien, et qu'il fallait uniquement qu'elle ait confiance en Allah pour ce qui est du futur, car, en effet, Il est Le Plus Savant, et Miséricordieux. Elle porte sa main à votre visage afin d'essuyer un reste de nourriture. La tendresse se lisant dans son regard, elle vous remercie, et remercie Allah de vous avoir comme sœur.
Le mariage de votre sœur fut un mariage modeste, où les hommes et les femmes furent séparés, sans musique, ni grand monde, on ne servit qu'un repas afin d'éviter le gaspillage.
Le mariage était terminé, et les convives quittaient petit à petit la tente. Il était temps pour la mariée de rejoindre son époux pour leur première nuit.
Vous n'oublierez jamais ce moment déchirant, vous l'évoquerez même sur votre lit de mort, celui de voir votre sœur se séparer à tout jamais de vous, et de votre famille. Elle pleura dans vos bras, et vous pleuriez aussi à chaudes larmes. Vous ne vouliez pas la laisser partir, vous avez mal intérieurement, mais il fallait garder une bonne figure. Vous lui assurez que tout sera comme avant, que rien ne changera une fois qu'elle sera partie, tout en sachant pertinemment que vous mentez. À la prière du Fajr, vous vous êtes repenti de ce petit mensonge, et vous avez prié pour le bonheur de votre sœur.
Sur le chemin retour vers la maison familiale, vous vous êtes endormie dû à la fatigue. Vous avez fait un bon rêve ; et vous ne le savez pas, mais vous avez souri.

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From Dunya to Jannah
RomanceAlya, âgée de tout juste vingt ans, est une jeune femme douce et aimable. Elle a grandi au sein d'une famille musulmane et pratiquante ; son père est à la fois imam et directeur de la mosquée dans la ville où ils vivent, et elle, elle y travaille à...