Chapitre 2

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– Alya ! S'écria une voix féminine.

La jeune fille se réveilla en sursaut. Yamina, sa mère, avait le visage blanc comme neige, comme si elle venait de voir un fantôme.

– Umi, parvenait-elle à prononcer en reprenant ses esprits, désolée, je me suis endormie. Je vais bien.

– Al-hamdulillah, je... J'ai paniqué un peu trop, dit-elle en s'asseyant quelques minutes.

– Tu vas bien, toi ?

– Oui, al-hamdulillah. Khaltak kat salam 'lik (ta tante te passe le Salam).

– Comment va-t-elle ?

Alya s'était redressé sur la banquette et avait ramassé les feuilles et le stylo qu'elle déposa sur la table du salon.

– Ça va, al-hamdulillah. Bentha raha dakhlat ljami'a (sa fille est entrée à la fac).

– Oh, c'est bien. Et du coup, pour hana, vous allez la faire venir ou pas ?

– Bah, on a appelé la famille au bled, ou hta homa kay salmo 'lik (eux aussi te passent le salam), et on leur a dit qu'on voulait l'amener un peu ici pour, tu sais ltbib (le médecin), et ils ont dit d'attendre un mois environ, hit raha 'iyana (parce qu'elle est fatiguée). Et on verra in shā Allah. Tu veux boire chihaja (quelque chose), tay (thé) ? Ajouta Yamina en se levant.

– Euh oui, pourquoi pas.

Alya rejoignit sa mère en cuisine. Elle préparait le plateau sur lequel elle déposa trois verres, et des gâteaux, tandis que Yamina s'occupait du thé. En l'espace d'une quinzaine de minutes, elles avaient terminé et retournèrent dans le salon. Yamina alluma la télé sur une chaîne arabe qu'elle laissa en bruit de fond seulement. Quant à Alya, elle servit le thé dans un verre et dont elle remit le contenu dans la théière afin de mélanger le liquide pour faciliter l'apparition de la mousse lors du remplissage ; elle répéta le geste à trois reprises avant de finalement servir leurs verres.

– J'ai parlé à Wissem quand j'étais chez ta tante.

Wissem était la sœur aînée d'Alya de deux ans. Les deux filles ont toujours été unies et se partageaient absolument tout. Wissem s'était uni à Jibril l'été dernier, dans la campagne natale marocaine de la famille de la mariée. En ce jour, ils vivaient ensemble depuis quelques semaines à peine. Et il ne se passait pas un jour sans que Wissem n'appela sa famille. Parfois, il arrivait qu'intentionnellement on ne répondait pas, car les parents de la jeune femme estimaient qu'elle devait enfin couper le cordon familial. Alya en était toujours amusée de voir sa grande sœur aussi irresponsable, et sa famille agacée. Cependant, Wissem lui manquait terriblement.

– Et elle dinera ce soir avec nous, poursuivit Yamina.

– Oh c'est bien ça ! C'était quand la dernière fois que vous aviez accepté qu'elle vienne ? Depuis le mariage, miskina (la pauvre), vous lui avez interdit la maison, rit Alya, une fois qu'elle est venue, dit-elle en levant l'index, et c'était pour qu'elle récupère ses affaires.

– C'est pour son bien, khtak raha mra daba, ou 'endha rajelha, ou khasha thalay fih (ta sœur est une femme maintenant, et elle a un mari, et elle doit en prendre soin), mais elle agit comme un bébé, répliqua-t-elle en levant les bras et en faisant des grimaces.

– C'est difficile, non ? Au début ? Toi avec abi, c'était comment ?

– Bah moi, j'ai vite compris mon rôle, j'appelais pas hanak (ta grand-mère) tous les jours.

– Mais Wissem, elle est différente. Elle est sensible un peu.

– Oh, tu parles. Ma sensible ma walo (ni sensible ni rien), rétorqua-t-elle avant de prendre son verre.

From Dunya to JannahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant