J'eus juste le temps de glisser le grimoire dans ma sacoche avant de me retourner.
Sur le pas de la porte se tenait un jeune homme blond, les mains sur les hanches, une expression triomphale sur son visage abominablement prétentieux.
Prolff.
Mais qu'est-ce qu'il m'agace, celui-là !
— Je vous ai posé une question, s'exclama notre camarade. Qu'est-ce que vous faites là ?
— Ouf, soupirai-je avec un soulagement non simulé. Ce n'est que toi...
Il parut indigné.
— Comment ça, que moi ?
Même son pyjama était prétentieux. Rouge et doré. Il ressemblait étrangement à la veste du Père Noël.
— Je ne sais pas. Je m'attendais à quelqu'un de plus... effrayant.
— Je te signale, Alphonse, que si je vous dénonce, vous serez peut-être renvoyés ! Tu ferais bien d'avoir peur !
— Oh, répondis-je d'une voix lasse, je suis terrifié. Mais si tu nous dénonces, alors tu es renvoyé aussi. Après tout, toi non plus tu n'as rien à faire dehors à cette heure-ci... Evidemment, peut-être que ta conscience ne sera jamais tranquille si tu ne nous livres pas au lutin-en-chef, et je ne voudrais pas que tu sois hanté par la culpabilité jusqu'à la fin de tes jours, mais à ta place je réfléchirais...
Bon, ça aurait pu marcher. Mais au lieu de pâlir comme je m'y attendais, notre camarade eut un petit sourire diabolique. Je crois que j'ai manqué quelque chose, là.
— Ne t'inquiète pas pour moi, Alphonse. Figure-toi que j'ai parfaitement le droit de me trouver là, moi.
Je jetais un coup d'œil à Garlick. Il avait l'air inquiet. Y aurait-il quelque chose que je serais le seul à ignorer sur Prolff ?
— Et pourquoi donc ? demandais-je, soudain méfiant.
— Je ne sais pas, répondit Prolff, ses yeux bleus étincelant de prétention. Peut-être parce que je suis le neveu du Mage rouge.
— ...
— Tu as l'air surpris, Alphonse.
Son neveu ? Lui ? Ce petit fayot, neveu d'un mage si puissant et si...classe ?
— Pas du tout, dis-je d'une voix parfaitement calme. Je me demandais bien comment tu avais pu te faire admettre dans cette école. Maintenant, j'ai ma réponse.
Je savais que c'était faux. Prolff était extrêmement doué et intelligent, et il était parmi les onze élèves le plus susceptible de succéder un jour à son oncle. Cependant, le jeune homme serra les poings, montrant involontairement que ma remarque le touchait plus qu'il ne voulait l'admettre.
— Pourquoi tu nous a suivi ? demanda soudain Garlick.
— Vous n'étiez pas très discrets !s'exclama notre camarade, apparemment heureux de pouvoir changer de sujet et exposer sa brillante intelligence. Je me suis levé vers trois heures du matin pour aller aux toilettes, et j'ai entendu tous vos petits plans. Évidemment, il fallait que je protège le bureau de mon oncle. Je me suis donc posté dans ce couloir pour vous attendre.
Il fronça ses sourcils clairs.
— En fait, vous êtes partis avant moi, mais arrivés bien après... Qu'est-ce que vous avez fait entre-temps ?
— Peu importe ! répondit Garlick, le nez rougissant de manière impressionnante.
C'est une chose à savoir chez Garlick. Quand son nez rougit, c'est qu'il est gêné.
Il fallait que je le tire d'embarras.
— Bon, intervins-je en baillant, on ne va pas rester toute la nuit plantés ici, non ? Je suis fatigué et mon oreiller me manque terriblement.
— N'espère pas t'en sortir comme ça, cracha Prolff. Qu'est-ce que tu as volé ?
— Mais rien ! Regarde, j'ai les mains vides !
Prolff plissa ses yeux bleus, mais mon expression innocente parut le radoucir. Je suis trop fort !
— Même si vous n'avez rien pris, je vous dénoncerai dès demain ! s'exclama le jeune homme.
— Non.
— Non ?
— Je te propose un marché. Tu ne dis rien à personne et en échange, je te rends un service.
Il croisa les bras avec suspicion.
— Lequel ?
— Mais je ne sais pas, moi ! m'écriai-je d'une voix exaspérée. Creuse-toi la cervelle ! Pourquoi c'est moi qui fais tout, ici ?
J'en avais marre, j'étais fatigué, et je voulais vraiment voir mon oreiller.
— J'ai une idée, dit soudain Prolff d'une voix étrangement gênée.
— Je t'écoute.
— Je ne vous dénonce pas, et en échange...
Il s'interrompit, embarrassé.
— Prends ton temps ! m'exclamai-je d'une voix chargée d'ironie. On a toute la nuit ! Au pire, le Mare Rouge nous découvrira au petit matin, et on pourra lui proposer des croissants pour son petit-déjeuner.
Prolff acheva très rapidement.
— En-échange-tu-me-donnes-des-cours-de-magie.
Là j'avoue, j'étais surpris. En face de moi, Prolff devint écarlate et bafouilla pour s'expliquer.
— Je... je t'ai vu ouvrir la porte avec la magie. Pour l'instant, je n'ai réussi que quelques positions simples, pourtant je suis le meilleur partout ailleurs, alors je pensais que tu savais peut-être...
— Ça va, l'interrompis-je. Tu es blessé dans ton orgueil et tu veux que je t'aide gentiment à reprendre confiance en toi, c'est ça ?
— Tu préfères que je vous dénonce ?
Pour ma part, je m'en fichais. Mais je ne voulais pas que Garlick soit puni à cause de moi, surtout que le lutin s'arrangerait pour nous donner des corvées impossibles à régler avec la magie. Si ça existait. Bref, j'étais coincé.
Je tendis la main à Prolff.
— C'est d'accord, sale mouchard.
— T'as intérêt à tenir ta parole, espèce d'idiot.
— Toi aussi, crétin.
Ce fut la poignée de main la plus courte de l'histoire de l'humanité.
VOUS LISEZ
Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)
FantasyAlphonse (Al), un jeune terrien, reçoit la visite d'un étrange personnage lui proposant d'intégrer une prestigieuse école dans un pays lointain. Transporté dans un monde parallèle, il se découvre capable de manier la magie et devient l'apprenti du M...