48. Je joue au héros

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Après avoir démoli la porte à coup de pieds, les soldats pénétrèrent dans la salle d'histoire. Je reconnu parmi eux Léon, qui prit la parole d'une voix précipitée.

— La forteresse est en flammes. L'incendie progresse. Il faut évacuer au plus vite.

Nous nous tournâmes d'un seul mouvement vers Monsieur Bock, qui contemplait toujours la porte avec un air ahuri.

— Ah oui, désolé pour la porte, marmonna Léon. C'est dans l'urgence... Vous comprenez, la panique... Et puis, dans les exercices, on fait toujours comme ça...

Mais pourquoi diable ne s'étaient-ils pas contentés de tourner la poignée, comme tout le monde ! Connaissant Léon, d'accord, mais j'avais espéré que tous les soldats de la forteresse n'étaient quand même pas aussi... intellectuellement limités.

Alors que mes camarades se levaient précipitamment et se dirigeaient vers la sortie, encadrés par les soldats, je m'arrangeai pour me trouver près du jeune garde. Dans l'urgence, celui-ci avait oublié qu'il était censé me faire la tête.

— Que s'est-il passé exactement ?demandai-je en enjambant les débris de la porte.

Il se tourna vers moi, surpris.

— Ah, tu es là, toi?

— Où veux-tu que je sois ?

— J'ai cru t'apercevoir tout à l'heure, près de l'enclos des groules...

Mais qu'est-ce qu'il voulait que je fasse d'un poulet cracheur de feu ?

Les soldats nous conduisaient vers l'extérieur au pas de course. Des gens couraient partout dans les couloirs.

— L'incendie s'est déclaré il y a un quart d'heure dans l'aile est, expliqua Léon. C'est à l'autre bout de la forteresse, mais nous vous évacuons par mesure de sécurité. Le Grand Mage est à Selliasrev aujourd'hui, et les quelques Mages présents ont du mal à maîtriser le feu...

Tout cela n'était pas normal. Pile quand le puissant Mage Rouge était absent, un incendie se déclarait au beau milieu d'une contrée glacée. Une bougie qui se renverse n'aurait pas fait autant de dégâts, le feu n'avait pas pu se propager naturellement. Ce qui voulait dire... que quelqu'un avait provoqué volontairement l'incendie !

Je remarquais Garlick à ma droite, qui se mouchait bruyamment.

— Il faut qu'on aille voir ce qui se passe, chuchotai-je à son intention.

— Hein ? Tu es fou ?

— Fais-moi confiance ! Cet incendie n'est pas normal ! Alors, tu viens ?

Garlick leva les yeux au ciel.

— Evidemment que je viens, sinon tu vas faire des bêtises tout seul et finir par te faire tuer !

Nous ralentîmes le pas jusqu'à nous faire dépasser par toute la petite troupe. Personne ne fit attention à nous lorsque nous partîmes en courant dans le sens inverse, pas même les soldats censés nous surveiller.

— Direction l'aile est ! m'exclamais-je en slalomant dans la foule paniquée pour éviter de me faire piétiner.

Les couloirs s'enchaînèrent, de plus en plus déserts. Si je commençais à être essoufflé, ce n'était rien à côté du pauvre Garlick, qui souffrait décidemment d'un très mauvais rhume. Nous commencions à sentir une tenace odeur de brûlé (enfin je commençais à la sentir, car mon ami avait le nez trop bouché) lorsque je percutai violemment le lutin-en-chef. De la cendre noire parsemait les cheveux immaculés de mon sévère professeur.

Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant