31. Le chapitre que vous attendiez tous

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Je me levai et me dirigeai vers l'unique sortie de la bibliothèque, laissant là toutes mes affaires.

— Je reviens, expliquai-je au bibliothécaire face à son regard soupçonneux. Toilettes.

Mais une fois dans le couloir, je me mis à courir comme un dératé en direction de l’aile Ouest, ignorant les regards curieux que me jetaient les rares visiteurs déjà présent si tôt le matin. Je ne m’arrêtai que devant la salle de pliages en papier. A bout de souffle, je me concentrai pour déverrouiller la porte grâce à la position du Voleur. Le sort réussi, je pénétrai dans la petite pièce, préférant ignorer le panneau « intrus, dégagez ». Il faisait suffisamment jour maintenant pour ne pas allumer de bougie, et je trouvai rapidement ce que je cherchais : le masque de discrétion en papier d’Ektor. Je sais, j’aurais pu en faire un moi-même, mais je pense que ses effets auraient été bien moins plus forts, compte tenu de mon manque d’efficacité dans cette discipline. Et pour quitter la forteresse en douce, j’avais vraiment vraiment besoin d’être discret...

— Il est temps de prouver ton efficacité, murmurai-je au bout de papier brun, plié de telle sorte qu’il ressemblait à un masque africain particulièrement réaliste.

A ma grande déception, le pliage qui renforçait les pouvoirs magiques n’était pas là, sûrement déjà jeté par Mme Ganglion. Tant pis. Je ferai avec les moyens du bord...

Cachant le masque sous mon pull, je retournai le plus vite possible à la bibliothèque pour ne pas éveiller les soupçons du gros monsieur blond. Une fois retourné à ma table ronde, je m’attaquai à la partie la plus difficile de mon plan. Si je ne voulais pas m’attirer des ennuis, autant faire croire que j’étais resté toute la matinée à étudier tranquillement à la bibliothèque. Et le meilleur moyen de faire croire cela, c’était que le gros monsieur blond puisse vraiment me voir assis ici. OK, là vous vous dîtes que je suis complètement fou, et qu’il est impossible de se trouver à deux endroits en même temps. Mais comme aurait certainement pu dire le Grand Nicolas (et voilà ! je m’y mets aussi...), « impossible n’est pas magique ».

Je sortis de la manche de mon pull la petite fleur rose que j’avais dérobée dans un pot de fleur sur le trajet depuis l’aile Ouest. Promis, c’est le dernier truc que je cachais sous mes vêtements, je ne suis pas un bric-à-brac ambulant, non plus !

Déambulant parmi les étagères, je mis quelques minutes à retrouver un gros grimoire poussiéreux que j’avais déjà feuilleté il y a quelques jours. J’avais un peu honte de l’avouer, mais il ressemblait un peu (pour ne pas dire énormément) à un livre de magie noire. Et la tête des autres livres de la section dans laquelle il se trouvait renforçait mon impression. Il faut dire que cette partie de la bibliothèque était protégée par une chaîne. Et un panneau sur lequel il était écrit : « livres à consulter uniquement sur autorisation spéciale ». Mais bon, les règles sont faites pour être transgressées, c’est bien connu. Je suis sûr qu’il y a bien une citation du Grand Nicolas à sortir à ce sujet, d’ailleurs...

Si je cherchais ce grimoire en particulier, ce n’était pas uniquement par goût de la transgression, mais parce que l’un des sortilèges qui y étaient présentés m’avait pas mal intéressé. Situé dans le chapitre « Illusions et Falsification », il s’intitulait « sortilège du double ». Mention « extrêmement complexe ». Si c’est comme les recettes de cuisine, j’étais mal (j’ai toujours pas réussi à faire cuire des pâtes sans les brûler). Mais j’avais appris que la magie laissait une grande part à l’intuition. Et pour le moment, mon intuition ne m’avait jamais trompé.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi le cours de magie sur la conservation de la matière, la petite fleur rose, c’était moi. Ou du moins, ça allait le devenir. Et pendant que le moi-petite-fleur étudiait à la bibliothèque, le moi-vraiment-moi allait pouvoir gambader joyeusement à l’extérieur de la forteresse. Et si le lutin-en-chef avait des soupçons, le bibliothécaire pourrait témoigner en ma faveur et affirmer que je n'avais pas quitté la salle voûtée ! Ce n’était pas génial, comme plan ?

Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant