12. Le chouchou, c'est moi !

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Au collège, je n'avais jamais aimé les cours d'histoire. Trop de dates à retenir pour mon pauvre cerveau étriqué. Cependant, le cours d'histoire-géographie de M. Bock se révéla rapidement être le plus intéressant de la journée.

M. Bock était un homme assez maigre, qui avait une longue barbe brune d'une propreté douteuse et des lunettes toutes rondes lui donnant l'air d'un hibou surexcité. Il ne cessait d'ouvrir des parenthèses et ne les refermait jamais. En termes clairs, il parlait de tout, sauf de ce qu'il avait prévu... L'avantage est qu'en deux heures, j'appris plus de choses sur le monde de Yalforev que lors des vingt-quatre heures que j'y avais passé.

Lorsque nous avions pénétré dans sa salle et que nous nous étions installés, M. Bock était assis derrière un bureau recouvert d'un nombre impressionnant de livres et de parchemins. Il marmonnait dans sa barbe des paroles indistinctes, et ne s'aperçut de notre présence que grâce au petit toussotement de Prolff.

- Hein ? Quoi ? Ah ! Vous voilà enfin, chers élèves !

Il se leva d'un bond et écarta les bras dans un geste qu'il voulait accueillant, mais ne réussit qu'à faire tomber une pile de livres qui était en équilibre instable sur son bureau.

Une fille rousse assise à côté de Prolff ricana peu charitablement tandis que notre professeur s'efforçait de ramasser tous les vieux grimoires. Lorsqu'il eut fini, M. Bock s'épongea le front avec un mouchoir à pois rouge, couvert de tâches jaunâtres.

- Où en étais-je ? Ah oui ! C'est aujourd'hui que nous allons débuter notre première leçon sur l'histoire de Yalforev ! Allons chers enfants, que savez-vous sur Yalforev ?

Prolff leva aussitôt la main. Apparemment, se faire appeler « cher enfant » ne l'avait pas dérangé. Il était bien le seul...

- Oui ? demanda M. Bock d'un air intéressé.

- Yalforev est un monde, ou plutôt une planète, dirigée par un Empire dont la capitale est Seliarev, récita Prolff à toute vitesse. Mais l'Empire est lui-même divisé en sept royaumes, dont celui de l'Apô-ny. A la tête de chaque royaume se trouve un mage, qui a un rôle très important puisqu'il siège au...

- Pas si vite, pas si vite ! l'interrompit le professeur.

Je remarquai avec un certain plaisir que Prolff semblait outré d'avoir été coupé de la sorte. Mais vu l'épaisseur des verres de M. Bock, je n'étais même pas sûr qu'il arrive à distinguer nos visages, et donc l'expression indignée du jeune homme blond.

- Commençons par le début, chers enfants !

Le professeur s'assit derrière son bureau, croisa les mains et prit la même voix que mon père quand il me racontait des contes lorsque j'étais enfant.

- Il était une fois un monde que ses habitants appelaient Yalforev. Ce monde était paisible, et les hommes y vivaient heureux en compagnie d'autres créatures. Harmonie et discorde se côtoyaient comme l'ombre et la lumière. Mais un jour, un événement primordial se produisit. Doit-on le qualifier de terrible ou de miraculeux ? De salvateur ou de désastreux ? Impossible de le dire. On a nommé cet évènement...

Prolff leva à nouveau la main.

- Oui ?

- On a nommé cet évènement la Grande Division, acheva le jeune homme avec un air satisfait particulièrement agaçant.

- Exact. Qui sait pourquoi ?

Prolff, évidemment. Je me demande pourquoi M. Bock pose la question...

- Suite à cette division sont nés cinq mondes ! dit notre camarade, tout fier que la jolie rousse assise à côté de lui l'observe avec admiration.

Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant