40. Un instant de liberté

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— Après vous, princesse.

Al s'effaça avec une profonde courbette. Jade le regarda, hésitante.

— Al, je ne peux pas. Ce n'est pas bien...

Le garçon lui saisit la main et la serra fortement.

— Je serai avec toi. Il ne peut rien t'arriver. Ce n'est qu'un petit tour. Tu ne vas pas ravager le monde en faisant une promenade en traîneau, tout de même...

Cette tentative maladroite de dédramatisation ne sembla pas porter ses fruits.

— Et si quelqu'un nous surprenait ?

— Il n'y a jamais personne par ici.

Jade observa la porte de la barrière. Si Al ne l'avait pas conduite ici, elle ne l'aurait jamais remarquée. L'ouverture que son ami avait fabriquée était pratiquement invisible. On ne pouvait en discerner les contours qu'en s'approchant à quelques centimètres. Elle était pourtant assez large pour permettre à un traîneau d'en entrer ou sortir.

Le renne de Al, Carotte, semblait d'ailleurs pressé d'avancer. Il donna une petite impulsion.

— Du calme, Carotte, protesta Al.

Le cervidé se contenta de lui jeter un regard méprisant. Et se mit en route.

— Eh, protesta le garçon, sans le moindre résultat.

Il se tourna vers Jade, penaud.

— Hum, je ne le maîtrise pas encore très bien. Et puis j'ai épuisé mon stock de carottes...

La princesse se contenta d'agripper les bords du traîneau les yeux fermés tandis que le renne passait la porte au pas de course.

Lorsque Jade rouvrit les yeux, elle était dehors. En apparence, rien n'avait changé. Le paysage était toujours composé d'une vaste plaine glacé, parsemé de quelques arbres. Mais pourtant, tout était différent. La jeune fille était libre ! Le monde lui était ouvert. Plus aucune barrière ne pouvait la retenir.

Jade laissa le vent soulever ses longs cheveux. Le traîneau filait à vive allure. Elle éclata de rire et se tourna vers son ami, les yeux brillants.

— C'est merveilleux !

Al lui fit un clin d'œil.

— Et tu n'as encore rien vu !

Il posa avec tendresse une couverture sur ses genoux, oubliant complètement que Jade était insensible au froid. La jeune fille le remercia par un sourire.

Le garçon repris les rennes et essaya (avec un succès relatif) de faire pivoter le traîneau vers la droite. Le paysage se mit à changer, insensiblement. Les arbre se firent de plus en plus nombreux. Bientôt, une forêt de sapin remplaça la plaine. Leurs branches, recouvertes de neige et de givre, scintillaient doucement. Quelques gouttes en tombaient. Le printemps arrivait, lentement mais sûrement.

La neige, éclairée par le pâle soleil du matin, prenait une jolie teinte rosée. Al avait tenu à réaliser leur escapade très tôt le matin, pour éviter de croiser du monde.

— Je crois que je ne m'habituerai jamais au froid, grelotta le garçon en s'enfonçant plus profondément sous les couvertures. Ce n'est pas possible un temps pareil !

Il tourna son regard vert vers la jeune fille.

— Là d'où je viens le climat est tempéré. Il n'y a de la neige que quelques jours par an. J'adore la neige, à vrai dire, mais pas franchement le froid.

— Il y a tout de même des compensations, protesta Jade. Je trouve les promenades en traîneau agréables, par exemple.

— Oh oui oui, très agréables...

Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant