La colère, l'incompréhension

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Toujours le 28.08.2014. (jour du départ)

Après la nouvelle, Yacine décide de se rendre à la gendarmerie de Bentfel. Ils habitaient là-bas avec Anna. Donc, il y va pour pour signaler la disparition plus qu'inquiétante de sa fille.

On lui répond qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter, que ça ne fait même pas 24 heures et que sa fille n'est pas avec n'importe qui, qu'elle est avec sa mère.
Ok, il rentre.

On se retrouve tous et on se pose un tas de questions.
« Elle est peut-être juste partie quelques temps et elle va revenir ? »
Chacun raconte les histoires qu'on entendait depuis quelques mois. Des personnes parties en Syrie.

J'appelle Myriam pour avoir des nouvelles.

-Moi: « Alors, t'a plus d'infos. »

-Myriam: « Ouais, écoute ! Elle a laissé un message à ma mère pour nous dire de se rendre dans son appartement. Là-bas, on a vu qu'elle avait tout vidé. Elle a laissé une lettre, avec quelques affaires. Dedans, elle y laisse les coordonnées de son propriétaire et tous les éléments pour que ma mère puisse rendre l'appart. Vraiment Leila, ça sent pas bon ! On n'est tous sous le choc ! »

Le lendemain, Yacine décide d'aller à l'hôtel de police de Strasbourg. Je m'y rends avec lui. Encore une fois, ces derniers sont longs à la détente.
Ils prennent sa déposition et nous convoquent le lendemain.

Ça y est, elle a eu le temps de passer la frontière.
Donc, le lendemain, on retourne à l'hôtel de police, toujours sous le choc et les larmes aux yeux. On a toujours pas de nouvelles.

Les policiers viennent de Paris. C'est une brigade spécifique, je comprends mieux pourquoi ils ont tardé.
Ils prennent notre déposition et ils nous expliquent vaguement.

-Police: « Ecoutez, cette dame a emmené votre enfant dans une zone de combat. Elle a rejoint une secte. On ne peut rien vous dire de plus, à part de chercher par vous-mêmes et de garder le contact si elle essaie de vous joindre. Faudra nous tenir au courant. Si elle ne revient pas, votre enfant va mourir ou elle sera mariée de force à 10 ans ! »

-Moi: « Mais comment ça se fait monsieur, si vous savez que la situation désastreuse pourquoi n'allez-vous pas les récupérer ? Bina, elle est pas méchante. Elle veut pas ça pour sa fille ! Il est évident qu'on l'a forcée ou je ne sais pas.... Et puis, vous pouvez pas me dire que Kayla va se faire marier vous n'imaginez pas la douleur qu'on ressent !»

-Police: « Malheureusement, il est trop tard. Nous pensons qu'elles sont déjà en Syrie et dans cette zone la France n'a pas de droit d'accès. Je peux rien vous dire d'autre à part essayer de comprendre par vous-mêmes ! »

Deux semaine plus tard, Bina nous contacte. Elle m'explique qu'elle a fait un choix, qu'elle ne se sentait plus à l'aise en France. Elle veut pratiquer la religion plus en profondeur et elle me dit qu'en France, c'est plus possible.

Évidemment, à ce moment-là je broyais du noir. Elle ne pouvait pas me faire ça ! Elle savait à quel point j'aimais Kayla. C'était la pire trahison qu'on puisse me faire, alors je n'en démords pas.

- Moi: « Mais qu'est-ce que t'as fait Bina ? Rentre pendant qu'il est encore temps ! Tu dis n'importe quoi, en France on peut pratiquer sa religion ! T'es dans quelle secte ? T'es chez les Kurdes ? Jabat Al Nosra ? T'es du côté de Bachar ? T'es avec l'armée syrienne libre ? T'es chez Al-Qaïda? T'es où ?

-Bina : « Je suis avec l'armée d'Allah ! Ne t'inquiète pas ! Ici, on prend soin de nous. Pour l'instant, je suis au makar avec les sœurs. Tout le monde apprécie Kayla et ils prennent tous soin de nous !»

Moi, j'étais furieuse ! Je ne comprenais pas ce qu'elle racontait. Je n'ai vraiment pas été cool au début. Je l'insultais de tous les noms. Elle a fini par me bloquer de partout.

C'est vrai que j'étais anéantie et que j'en voulais à sa famille car je ne comprenais pas trop qu'ils puissent défendre leur sœurs dans l'indéfendable. Mais, c'est vrai aussi qu'à Strasbourg, la rumeur fait vite le tour. Ils ne cautionnent pas l'acte de leurs sœurs. Ils avaient mal autant que nous. Ils voulaient seulement la protéger avant que tout le monde ne la traite de déséquilibrée, d'instable, de mère indigne ou encore de terroriste.

Ils avaient un nom à défendre, parce que, comme n'importe où, les gens pointent vite du doigt.

Et c'est à ce moment précis que nous passons DU RIRE AUX LARMES ! Je réalise que Bina et Kayla sont parties et que j'ai peu de chance de les revoir. Voilà, comment d'une jeunesse sans grands soucis particuliers, nous passons à un début de vie d'adulte bien compliqué.

Du rire aux larmes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant