La depression

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Pendant quelques mois, j'ai sombré dans la dépression... ça nous a tous atteint. Ma mère, Yacine, Anna, Sonia, Myriam, Hatem, et même les plus petits Wassim et Inaya, les frères et soeur de Kayla, ainsi qu'Ines, Sofia et Elias. Tous, on était chamboulés par ce départ. Myriam comprenait ma colère. Elle savait m'apaiser.

Mel aussi m'a apaisée. Je vous ai parlé d'elle, au début. C'est la copine d'Anissa en arrivant au collège.

Mel, elle connaissait plein de chose sur l'Etat islamique qui était en train de s'implanter en Syrie.

Elle m'a montré une vidéo de plusieurs chars brandissant un drapeau noir qui roulaient tous les uns derrière les autres.

Mel :« Tu vois Leila ! Eux là, ils ont entrain de combattre pour nous. Pour nous sauver du feu de l'enfer. Ils se battent pour l'islam authentique. Bina, elle a fait le meilleur choix qui soit pour elle et Kayla ».

Je savais Mel reconvertie à l'islam vue qu'elle faisait le ramadan avec nous. Mais en peu de temps, elle c'est mise à pratiquer à fond.

Six mois plus tard.

C'est Mel qui disparaît. C'est vrai que Bina nous a fait tout en douce. Elle était très bien organisée. On se doutait de rien. Mais Mel, la pauvre ! J'ai senti sont départ. Je n'avais peut-être pas les bons mots. Elle qui voyait la douleur que ses proches allaient ressentir.

J'étais dans un tel délire qu'on dirait que je ne la prenais pas au sérieux.

Bina, nous raconte sa vie là-bas. Elle nous explique que Kayla a choisi une kounya  : Oumm Houreya (Mère des chats). Elle dit que Kayla aime trop les petits chatons.
Au début, Bina disait ne pas vouloir se marier. Puis, elle nous raconte que c'est  difficile la vie là-bas, sans mari. Elle est prête maintenant à se marier. Elle est d'accord pour passer au mariage religieux appelé mouqabala.

Elle dit aussi de ne pas croire à tout ce que disent les médias sur le mariage là-bas. Le « djihâd sexuel », ça n'existe pas.
Elle nous raconte que personne ne la forcée à se marier, qu'elle était très difficile et avait l'embarras du choix. Elle a fait 9 mouqabala avant de dire oui à son mari. Un Français d'origine tunisien de Paris qui avait rejoint l'EI.

Une mouqabala, c'est une rencontre entre deux personnes avec la présence d'un tuteur pour la femme. Elle peut, à ce moment-là découvrir son visage et discuter pendant quelques instants avec un « prétendant ».

J'appréhende ce mariage. J'espère qu'il prendra soin d'elles.

J'avais sombré dans la mauvaise dépression. Je ne sais pas s'il existe une bonne dépression !

Mais on sait tous ce qui nous mènent à la dépression : le manque de confiance en Allah et se laisser distraire par les waswas du sheytane.

J'avais compris que rien, ni personne n'allait me ramener Kayla. Que seul Allah pouvait être mon unique  allié et que c'est dans Ses Textes que je pouvais essayer de faire revenir Bina.

Alors, je reprends ma prière, j'ouvre mon Coran et je demande sincèrement à Allah de m'éclaircir. Je fais la recherche des textes qui vont en contradiction avec ce qu'elle dit.

Mais Bina, elle en connaissait plus que moi au niveau religion. Du coup, à chaque fois que je lui envoyais un texte, elle ripostait avec un autre. Ça devenait une battle de textes religieux.

Bon, vous vous imaginez bien que j'ai eu le droit au fameux : « Leila, il va falloir que tu arrêtes de me dire de rentrer ! Sinon, je devrais couper tout contact ».

Honnêtement je me suis un peu perdue...
Je commençais à comprendre les vrais raisons qui l'ont poussées à partir. Quelque part, ça m'a soulagée. Si elle avait emmené Kayla là-bas, c'était pas parce qu'elle était folle ou tarée de se jeter dans un pays en guerre. Mais, c'est parce qu'elle avait la ferme conviction de faire ce qui était le mieux pour sa fille et elle.

Du rire aux larmes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant