Chapitre 29

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Je suis seule dans cette chambre blanche, avec ma peine. Je suis seule dans cette ville et je n'ai personne à qui parler. Mes parents sont loin, Selen est loin, Imad n'est plus là. Je n'ai personne près de moi pour me soutenir.

Mes yeux sont fixés sur mon portable, les noms du répertoire défilent, j'hésite à appeler quelqu'un. Je n'ai pas envie d'embêter mes proches, en plus je suis loin d'eux, ils vont encore plus s'inquiéter. Et à Paris je ne connais pers...

Si. Bien sûr. Je connais quelqu'un.

Mais je ne peux pas me permettre de l'appeler. Pas après ça.

Trente minutes plus tard, après avoir longuement réfléchi, et m'ennuyant dans cette chambre à ne rien faire, j'ai décidé de l'appeler. Je culpabilise déjà, mais je ne veux pas être seule dans cette épreuve, je veux un visage familier, et Tarik est celui qui viendra le plus vite.

Vingt minutes plus tard, j'entends un bruit à la porte. Mon cœur fait un bond, je pense que c'est lui. Je suis allongée sur le lit, je regardais la télévision. J'essaye de contrôler ma respiration, et redresse le sommier à l'aide de la télécommande pour être en position assise, quand soudain il apparait. Ses yeux foncés se plantent sur les miens, puis parcourent mon corps. Il retire ses lunettes et les accroche au col de son pull noir. Il porte un jean bleu marine, ses cheveux sont joliment coiffés, il a toujours sa barbe qui lui donne du charme.

- Salam aleykoum.

Il s'approche de moi, il reste un peu distant, debout près du lit.

- Aleykoum salam, répondis-je à voix basse.

- Je suis désolé pour ton mari, qu'Allah lui accorde le paradis.

- Amine, dis-je en parlant toujours bas.

Je retiens mes sanglots. Je baisse la tête et c'est là qu'il décide de s'approcher plus de moi, comme s'il sentait que j'avais besoin d'être consolée.

- Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? demande-t-il.

Je secoue la tête, un peu gênée de le revoir après tout ce temps. On ne s'est pas vu depuis le mariage de Selen et Ozan. Au moins je peux compter sur lui, il est venu pour moi, et je lui en serai toujours reconnaissante.

- Tu as mal ?

- Un peu, répondis-je. Mais ça va. Je suis en vie.

Je le regarde dans les yeux cette fois, je pense à Imad, je me sens mal. Mais je sais que c'était fini, que notre histoire n'aurait mené à rien. Je prie pour qu'Allah lui pardonne et lui accorde le paradis.

- Tu es bien amochée, dit-il en me dévisageant. Tu sais quand tu peux sortir ?

- Non, mais je dois rester au moins 48 heures. Je suis désolée si je t'ai dérangé.

- Non, pas du tout. Je suis content que tu aies appelé.

Je n'ai même pas la force de sourire, la tristesse m'envahit, mais j'essaye d'aller bien. J'invite Tarik à s'asseoir sur le bout du lit, il ne va pas rester debout quand même. Nous avons du mal à nous regarder dans les yeux, se revoir nous parait bizarre à tous les deux, en plus dans des mauvaises circonstances.

- Tu veux me raconter ce qui s'est passé ? demande-t-il avec toujours beaucoup de bienveillance.

Je lui raconte. Tout. J'avais besoin d'en parler à quelqu'un et je ne pensais pas que ça tomberait sur lui. Le destin a décidé qu'on ferait un accident, moi qui m'imaginais aller à Disneyland puis rentrer à Strasbourg et continuer ma vie avec Imad.

- Je suis désolé de t'avoir contacté...

- C'est rien, ce n'est pas de ta faute, dis-je.

Je me sens un peu mal maintenant que je l'ai en face de moi. Je ne lui ai pas répondu quand il a voulu prendre de mes nouvelles. Mais il le comprend bien.

- Tu as quand même gardé mon numéro, dit-il, pourquoi ?

- Je ne sais pas. Peut-être parce que je sentais que j'aurais besoin de toi un jour.

Nous nous fixons du regard un instant, son regard est profond et le mien intense. Je finis par le détourner, intimidée, et toujours gênée par rapport à Imad.

C'est la fin des visites, Tarik est parti en me promettant de revenir demain. Je me retrouve encore seule, je pense à Imad, j'angoisse parfois, mais les infirmières sont là. Elles m'aident psychologiquement et me font les soins nécessaires. Je décide quand même d'appeler mes parents, ils ont le droit de savoir.

- Mam ? C'est moi.

- Ça va ?

Je ne peux pas me retenir plus longtemps et je m'effondre au téléphone. Ma mère s'inquiète et insiste pour savoir ce qui se passe. Je lui raconte tout, elle est sous le choc, elle pleure avec moi puis passe le portable à mon père qui essaye de me consoler, il reste fort, mais je sais qu'il est triste pour moi. Être veuve si jeune ce n'est pas facile. Je dois me dire que c'est une épreuve d'Allah, et je dois la surmonter, je dois trouver les bonnes personnes qui m'aideront à tenir et à avancer. Je suis reconnaissante d'avoir mes parents, mon frère, Selen, et maintenant Tarik.

Je sais qu'à partir d'aujourd'hui, il va faire partie de ma vie.

Pauvre dans le halal (Inspiré de faits réels)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant