Chapitre 9

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Si j'étais à sa place, j'aurais les mêmes craintes, la même méfiance, donc je peux comprendre son soulagement sur le fait que je ne le connaisse pas. Je réponds aussi au message de ma mère, je lui raconte un peu comment était Paris et je lui envoie des photos que j'ai prises de la Tour Eiffel, de la ville, du paysage. Je réponds ensuite à Tarik :

« C'est pour ça que tu m'as appelé ? Je ne t'en veux plus, c'est passé, ne t'inquiète pas. »

Le temps d'attente entre nos messages n'est pas long, seulement quelques minutes, parfois quelques secondes. Je me sens plus à l'aise, je reste naturelle et je sens qu'il l'est aussi. Je reçois sa réponse une minute plus tard :

« Non, je voulais qu'on se voie avant que tu repartes, mais c'est pas grave. Grâce à Dieu t'es bien rentrée. »

Je ne peux pas m'empêcher de laisser échapper un sourire mais je reste discrète au cas où Selen le verrait. Je tape mon message sur le clavier tactile :

« Oui, Al hamdoulillah. »

Après cela, il n'a plus répondu. Sans doute qu'il ne savait plus quoi dire, ou alors il a des choses à faire, ce que je comprends. Demain le travail reprend, ma vie reprend, la routine, et je ne sais pas si j'aime ça.

Le lendemain, à midi, Selen et moi déjeunons. Deux abayas ont été vendues, je suis contente, c'est au moins ça. Je prie pour que cet après-midi il y a encore des ventes, et les prochains jours aussi. Une sonnerie nous interrompt, c'est le portable de Selen. Elle fixe l'écran un instant avant de décider de décrocher, je l'ai sentie mal à l'aise, elle sourit tout de même et répond « allô ? » en s'éloignant vers la chambre.
Là je comprends qui c'est. Elle s'isole et c'est pour parler à son cher et tendre, j'espère qu'elle saura se contenir, et qu'elle ne dépassera pas la limite.
Je me retrouve seule avec mes pensées, quand je reçois un message de Tarik.

« Salam aleykoum, ça va ? »

Petit sourire, je lui réponds :

« Aleykoum salam, oui et toi ? »

Mon nouvel ami me répond aussitôt :

« Hamdoulillah. Tu travailles aujourd'hui ? »

Je ne sais pas pourquoi mais j'ai paniqué en lisant ça. J'ai tout de suite pensé à ce qu'il me propose de nous voir et je me demande alors s'il est en ville. Ou peut-être qu'il me pose simplement la question, pour faire la conversation.

« Oui, je suis en pause, je reprends dans une demi-heure. Et toi, que fais-tu ? »

Je ris un peu en me disant qu'on ne se connait pas et qu'on se parle comme si c'était le cas. Je lis son message :

« J'ai honte de le dire mais je viens de me réveiller. J'ai bossé toute la nuit, hier soir on a décidé d'aller au studio, mon frère avait de l'inspiration. »

Ce message m'a refroidie. J'ai envie de lui dire que ce n'est pas bien, qu'il devrait arrêter, que Dieu n'aime pas ça, mais qui suis-je pour lui dire ça ? Alors je me tais. Je ne réponds pas, je laisse l'heure tourner pour m'abstenir de dire quelque chose qui pourrait le braquer.

Lorsqu'il reste dix minutes avant de retourner au travail, je décide quand même de lui répondre :

« C'est bien les grasses mat' parfois. Je dois retourner travailler, bonne journée. »

« Ok, merci, bonne journée à toi aussi. »

Je pose le téléphone et souffle. Selen sort de la chambre, le sourire aux lèvres, il est l'heure d'ouvrir la boutique. La journée semble bien se passer mais elle me paraît longue, le lundi c'est toujours calme, et l'ennui est présent.

Pauvre dans le halal (Inspiré de faits réels)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant