Chapitre 28

151 17 4
                                    

Nous sommes toujours garés, il y a peu de personnes dans cette aire de repos. Imad est porté par la colère, il n'arrive pas à se calmer. Je lui ai juste posé une question, mais ce sujet le rend fou.

- Pourquoi tu m'as pas dit que tu en prenais avant qu'on se marie ? dis-je d'une voix nerveuse.

- Pourquoi ? Tu m'aurais jeté ?

- Oui ! J'aurais jamais dû accepter ta demande, répondis-je, le cœur battant la chamade.

- T'es comme les autres, une vraie connasse !

J'ouvre ma bouche, outrée par son insulte. Mais qui est-il ?! Je ne le reconnais plus. Pourquoi il a autant changé ? Pourquoi il est aussi violent ? J'essaye de le regarder, je prie Dieu pour qu'il m'aide, pour qu'il m'envoie des signes. J'ai envie de pleurer de tristesse, je veux comprendre, il ne peut pas avoir changé à ce point, il m'aimait.

- Imad... dis-je en sanglotant. Qu'est-ce qui t'arrives ? Pourquoi tu es comme ça ?

Il secoue sa tête, il frappe le volant des mains, je ne sais plus qui est cet homme. Je n'ai pas pu épouser ce genre d'homme. Je refuse d'être liée à ce type de personne.

- Pourquoi tu dois toujours essayer de me contrôler ?!

Il me fixe soudain, les yeux rougies par la colère, je vois la noirceur dans son regard, je vois quelque chose qui m'effraye.

- Je veux pas te contrôler, répondis-je, tu savais ce que je pensais de ça avant qu'on se marie. Tu as oublié que tu m'avais quitté à cause de tes conneries ? Tu voulais m'épargner, mais tu es en train de tout gâcher. Encore une fois !

Il grimace, et ses yeux s'humidifient, il baisse la tête, je ne sais pas ce qu'il ressent. Est-ce qu'il me déteste ? Est-ce que je lui ai fait du mal ? Je l'entends respirer calmement, comme s'il essayait de se reprendre. Il tourne la clé et sans un mot, il démarre. Je ne suis pas à l'aise, se disputer en chemin, ce n'est pas bon, j'ai peur qu'il fasse une bêtise. Mais je vois qu'il se calme, il reste muet, se focalise sur la route.

- On y va quand même ? demandais-je.

Il hoche la tête. Et je suis un peu déçue. Comment s'amuser alors que nous ne sommes pas heureux ? Je ne cesse d'invoquer Allah, je lui demande de m'aider, de me guider, de nous pardonner, et de nous faciliter dans cette épreuve. Je n'ose plus parler, je lui jette quelques regards discrets parfois, je me remémore notre rencontre, nos bons moments, et je me rends compte que je n'aimais qu'une partie de lui. Est-ce qu'on est fait pour être ensemble ? C'est la question qui me trotte dans la tête depuis quelques heures.

Le GPS indique qu'on est bientôt arrivés. Imad roule depuis quelques heures, on ne s'est plus arrêtés depuis l'incident. Je regarde mon front sur le miroir de courtoisie (drôle de nom) et je vois un léger bleu, ça ne m'étonne pas, j'ai encore un peu mal. Subitement, un coup violent me fait basculer en avant. Je crie de douleur mais je n'ai pas le temps d'agir, nous sommes pris dans une bousculade, et la voiture fait plusieurs tonneaux.

*

J'ouvre les yeux, je sens immédiatement des douleurs dans mon corps entier. Je regarde autour de moi, j'essaye de respirer, mais j'ai mal. Je m'aperçois que je suis couchée dans un lit. Je réalise assez vite que je suis à l'hôpital. Aussitôt, je tourne la tête pour voir si Imad est dans un lit à côté de moi, mais je suis seule. Complètement seule.

Je cherche la télécommande pour appeler une infirmière, je réussis à appuyer sur le bouton. J'ai envie d'appeler mes parents, mon Dieu quand ils vont apprendre ce qui s'est passé...

Deux minutes après, quelqu'un entre dans la chambre, c'est une infirmière accompagnée d'un médecin.

- Bonjour mademoiselle Kelmendi, je suis le docteur Guyon, vous êtes à l'hôpital.

Le médecin me parle et m'examine, l'infirmière fait également son travail, et j'essaye de me rappeler ce qui s'est passé. Et où est Imad ? Et dans quel hôpital suis-je ?

- Je suis où ? demandais-je. Mes parents sont là ?

- Vous êtes à Paris. Je peux appeler vos parents si vous souhaitez.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandais-je difficilement.

- Vous avez eu un accident de voiture. Un camion vous est rentré dedans, votre mari a perdu le contrôle du véhicule, il a fait plusieurs tonneaux avant de s'immobiliser.

- Où est mon mari ?

Le regard qu'ils s'échangent me fout des frissons. Docteur Guyon me répond, dans le plus grand calme :

- Votre mari n'a pas survécu, toutes mes condoléances...

- Quo... Non....

Je m'effondre sous le choc. Mon cœur bat si fort que je ressens des coups de poignards s'enfoncer dans mon corps. Imad est mort. Imad est mort. Imad est...mort. Je prie pour lui immédiatement, je demande à Allah de lui faire miséricorde et de lui ouvrir les portes du paradis. Malgré son mauvais comportement, son décès me touche au plus profond de moi. C'était mon mari, je l'aimais.

- Voulez-vous que je contacte vos parents ? me demande l'infirmière.

Je secoue la tête, ils sont trop loin, je ne veux pas les inquiéter, je suis en vie, d'après le médecin je ne risque plus rien. Je leur demande de me donner mon portable. Quand j'observe mon reflet sur l'écran, je vois que j'ai un bandage autour de la tête.

- Je viendrais vous voir plus tard, reposez-vous, dit le médecin.

- Je peux le voir ? demandais-je, la voix étranglée par l'émotion.

- Oui, je vous y emmène.

J'ai si peur de le voir, il doit être dans un sale état, je n'arrive pas à croire qu'il soit mort. Il avait l'air malheureux, je me sens coupable. Mes larmes n'arrêtent pas de couler, j'essaye de comprendre ce qui s'est passé, mais je me dis que c'est le destin, c'était son heure, et je ne peux rien y faire. Ça aurait pu être moi, mais Allah m'a laissée en vie. Et je pleure, rien que d'y penser.

Nous arrivons dans une pièce froide, le médecin attend que je donne le signal pour soulever le drap qui recouvre Imad. Je hoche la tête, retenant un sanglot. J'ai peur de réagir trop bruyamment, d'être trop choquée, alors je m'efforce d'accepter son destin, sa mort.

Je retiens mon souffle quand je découvre son visage. Est-ce qu'il se sent en paix ? Je laisse mes larmes perler sur mes joues, j'ai envie de le prendre une dernière fois dans mes bras, mais je ne peux pas.

A mon retour dans la chambre, je ne fais que penser à Imad, à la mort, à Allah, au temps qui me reste à vivre, à ma vie, à mes proches.

Pauvre dans le halal (Inspiré de faits réels)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant